Faites du bruit pour la Métropole

Billet de blog
le 27 Fév 2020
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Faites du bruit pour Aix-Marseille-Provence Métropole… !
Le 8 décembre 2019, Fr3 Provence-Alpes diffuse dans le cadre de l’émission « Dimanche en politique » un sujet intitulé « Pauvreté en PACA » (1). La tonalité générale de cette émission faisait un peu « froid dans le dos », selon l’expression même employée par l’animateur Thierry Bezer. Cette impression d’effroi devant l’ampleur de la tâche à laquelle sont confrontés tous les acteurs de terrain interrogés durant cette émission (Les petits frères des pauvres, la fondation Abbé Pierre, le Secours populaire, les restaus du cœur) provient d’un profond sentiment d’impuissance devant l’aggravation de la situation et la diminution des moyens à la disposition des associations et surtout l’absence de perspective d’amélioration. Comment faire face ? Multiplier les points d’accueil à travers tous les territoires de la région Sud (PACA) ? multiplier les appels à l’aide ? Créer des collectifs ciblés et très revendicatifs ? Multiplier les films décrivant en détails les conséquences de la précarité (Seherazade, Gloria Mundi…) … ? Thierry Bezer interroge sur une autre solution : et si on changeait radicalement de modèle économique sur le territoire de la Métropole Aix-Marseille Provence, une des propositions de l’étude (2) du Secrétariat Social de Marseille sur la construction de la métropole d’Aix Marseille Provence ? Lier Pauvreté et la Métropole, agir non plus seulement sur les conséquences de la pauvreté, mais bien sur les causes : remettre la Métropole au centre des préoccupations et opter pour un modèle économique qui intègre les personnes peu ou pas formées, éloignées du marché du travail, mal logées, qui viserait à recréer du lien entre ces ilots de précarité que sont tous les grands centres urbains de la Métropole entourés d’espaces de prospérité !
La campagne électorale des municipales est déjà bien engagée, faisant grand bruit et tintamarre ! Des bilans sur les six années passées sont présentés, discutés, véhémentement contestés. Listes et candidats maires sont déjà connus et les programmes proclamés pour les 92 communes qui constituent la Métropole ! Et la Métropole elle-même ? Quel silence assourdissant ! L’impression est là qu’il s’agit d’un sujet qui n’intéresse personne, ni la population en général, qui n’a jamais réellement été consultée, ni les électeurs, et de ce fait, pas les candidats conseillers… ! Indifférence ou mépris ?
Et pourtant que de bruit il y avait eu pour la création de la Métropole ! Quel contraste avec le silence actuel. Une mission interministérielle avait été mandatée en 2012 pour préparer l’installation de la Métropole, qui a souligné qu’il existait un fait métropolitain correspondant à une aire urbaine caractérisée par une forte concentration de population, de production, de services et une mobilité domicile/travail, domicile/services, domicile/ commerce, tout un écheveau de relations intra-métropolitaines, fondement même d’une métropole. Cette mission soulignait déjà toute la puissance et l’attractivité de la métropole, mais aussi ses limites, en particulier un modèle économique, certes efficace, mais générateur d’inégalités et de fractures sociales.
En 2013, une étude de l’OCDE disait encore une fois la réalité d’une aire métropolitaine autour de Marseille, et soulignait la nécessité de créer une gouvernance métropolitaine qui supprime la fragmentation de l’organisation administrative, l’Etat, la Région, le département, les territoires intercommunaux (ECPI), les communes, intervenant à des degrés divers sur un même territoire, puis celle d’inventer un modèle plus inclusif, visant à réduire les inégalités sociales et à intégrer toute une partie de la population laissée pour compte, inégalités qui sont des freins au développement.
En 2014, la loi MAPAM organise le territoire français sur fond d’intercommunalité obligatoire et regroupement de certaines intercommunalités en 22 Métropoles, dont Aix-Marseille-Provence Métropole, dont la naissance effective est enregistrée au 1 janvier 2016 et est présentée comme LA chance de ce territoire. Tout est prévu par la loi, les compétences et leur transfert progressif à la métropole, les organes institutionnels, le personnel,… . Les territoires devaient disparaitre, ce qui supprimait les difficultés liées à la fragmentation ; les conseillers métropolitains devaient être élus au suffrage universel, sur le territoire métropolitain et non plus à partir de listes municipales. Il y avait constitution progressive d’un intérêt métropolitain. L’acte 2 de la décentralisation devait valider l’expérience avant le renouvellement pour 2020, …. La Métropole, promesse d’avenir !
Et pourtant ! La Métropole est bien née, en janvier 2016…mais pratiquement rien ne s’est passé comme prévu…Les 6 anciennes intercommunalités (ECPI) fonctionnaient normalement depuis 2014, assistées des élus de leurs conseils de territoires. On avait simplement oublié d’embarquer dans le projet les maires des communes constitutives de la métropole, ainsi que les conseillers métropolitains « élus » 2 ans auparavant, en 2014. Résultat, à l’exception, de celui de Marseille, la quasi-totalité des 92 maires et des conseillers s’y sont opposés. Pour cependant garantir la naissance de la Métropole, les élus sont arrivés à un compromis qui privilégie les intérêts des communes au détriment, on le découvrira plus tard, de l’intérêt métropolitain : les 2/3 du budget annuel de la métropole sont fléchés vers les communes. La métropole n’a donc quasiment plus d’existence budgétaire….
La métropole a fonctionné, malgré l’opposition de la quasi-totalité des communes non pas tellement à la métropole mais bien à Marseille, perçue comme la cause et la cristallisation du problème (inégalités qui brident la croissance) que les études avaient souligné et que son bon fonctionnement aurait précisément permis de résoudre. Elle a fonctionné malgré les ambiguïtés importantes qui subsistent : l’Etat reste maitre des ressources de la Métropole, dont le budget est contraint par la diminution des dotations, l’importance de la dette transférée à la Métropole, transfert autorisé par l’Etat ; l’Etat reste maitre de deux moteurs économiques et sociaux importants, Euroméditerranée et le Grand Port Maritime de Marseille… ; L’Etat n’a pas encore répondu sur les limites de la Métropole ? Sur quelles relations avec le département des Bouches du Rhône ? Quelles relations avec la Région Sud et surtout avec l’Europe ? Quelle sera, au final, l’orientation du nouvel acte de décentralisation qui devra redéfinir les limites de la Métropole, réduire durablement la fragmentation de la gouvernance (suppression ou non des conseils de territoires, redéfinir la répartition des compétences) ? Quelle légitimité pour les élus métropolitains ? Métropolitaine ou communale ?
En effet, les élus métropolitains restent d’abord des élus communaux qui privilégient l’intérêt de leur commune respective, intérêt dont ils sont comptables devant leurs électeurs. La métropole a ainsi perdu son ambition. Deux phrases de Jean Montagnac, Maire de Carry le Rouet et président du Conseil de Territoire de Marseille Provence (ancienne MPM) lors du vote du budget 2020 du territoire se passent de tout commentaire : « Le Président de la Métropole qui décidera de baisser les attributions de compensations devra être sûr de sa majorité » … Et « (il faudrait) définir ce qu’est un projet métropolitain. J’espère que les prochains élus auront le courage de le faire. Nous, c’est vrai, nous ne l’avons pas fait. »
La préparation, l’adoption des grands agendas, sur la mobilité, sur le développement économique, sur le climat, montrent à l’évidence que chaque élu a compris tout l’apport de la Métropole et pourtant les élus sont incapables de passer de l’agenda à la réalisation, soit parce que le budget n’est pas disponible ou trop contraint par l’Etat, soit parce qu’ils s’opposent, au nom de l’intérêt de la commune qui les a élus… à ce qu’ils ont voté….au nom de l’intérêt métropolitain.
Pire, la Métropole est réduite à n’être qu’une sorte de think-tank, productrice efficace de rapports sans doute très pertinents mais pratiquement sans aucun impact réel. Le silence assourdissant sur la métropole ? On a surtout fait taire la métropole en mettant le projecteur sur les communes, ou les villes- centre des 6 ECPI !
Et pourtant ! En mars 2020, les conseillers métropolitains et de territoires seront choisis lors de la même élection que pour chaque commune, et sur les mêmes listes des conseillers municipaux ! Sans avoir à défendre un bilan de 4 ans d’existence de la Métropole, ni à présenter un programme pour les six ans à venir ? Crainte d’avoir à défendre un bilan dont ils ne se sentent pas responsables ? Ou beaucoup plus simplement, l’aveu implicite qu’ils pensent que la Métropole n’a aucun intérêt pour leur commune et n’est digne d’aucune confiance, car complétement hors sol !
Il est grand temps de réentendre la métropole car la Métropole agit, certes, à la hauteur des moyens qui lui ont été laissés, mais elle agit pour lutter contre l’habitat indigne, contre les inégalités d’accès aux services publics, contre l’impossible mobilité et bien d’autres choses encore!
Oui…Faire du bruit autour de la Métropole pour que chacun redécouvre les objectifs qu’elle s’est déjà fixé et demande avec force que soit réalisé ce qu’elle a déjà programmé !
1 https://france3-regions.francetvinfo.fr/provence-alpes-cote-d-azur/emissions/dimanche-politique-provence-alpes/pauvrete-paca-1759369.html
2 La Métropole Aix-Marseille-Provence, une construction laborieuse, Philippe Langevin et François de Geuser, octobre 2019, Secrétariat social de Marseille

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