Les échanges en crise, l’avenir dans les échanges
Sans doute les attentats de Bruxelles viennent-ils nous montrer que le monde entier semble aujourd’hui en crise, et, par conséquent, sans doute pouvons-nous avoir ce que l’on peut appeler une lecture marseillaise de ces attentats, de cette violence, de ce refus du dialogue, de l’échange, de la politique. C’est, d’abord, parce que les attentats de Bruxelles nous montrent une remise en question de l’échange entre les cultures comme celui que nous connaissons, à Marseille. C’est sur l’échange entre les cultures et entre les identités que Marseille a fondé son histoire, et c’est cet échange même qui semble remis en cause par les attentats qui viennent d’avoir lieu.
Mais, c’est, dans le même temps, ce qui rend d’autant plus urgent et nécessaire de venir affirmer, de nouveau, ici, la richesse de la diversité de l’identité marseillaise. Ce n’est pas sur le silence obstiné de la violence et sur le refus de parler à l’autre que repose la vie, dans notre ville, mais, au contraire, sur la multiplicité des dialogues, des paroles et, même, des confrontations dont est fait le politique et dont se nourrit la citoyenneté.
C’est depuis longtemps que l’islam est présent, à Marseille, où il voisine et où il échange avec le christianisme, avec le judaïsme, avec d’autres religions, et avec l’absence de religion. Car, à Marseille comme ailleurs, sans doute la laïcité est-elle ce qui fonde l’échange entre les religions, ce qui permet, entre les religions et entre les identités, la tenue d’une parole apaisée et enrichie par cette diversité et par cette multiplicité de voix et d’identités.
C’est la première signification qu’il faut, sans doute, donner à l’islamisme radical, à l’islamisme du djihâd : le refus de l’échange, du dialogue, de la relation avec l’autre et avec la différence. À cet égard, la violence du radicalisme islamiste est de la même nature que l’extrémisme chrétien des guerres de religion du seizième siècle ou l’extrémisme sioniste qui, de la même manière, refuse l’échange avec d’autres cultures. C’est pourquoi tout ce que nous pouvons aujourd’hui dire de l’islamisme radical peut se dire, dans les mêmes termes, des autres radicalités religieuses.
Une autre signification de l’extrémisme religieux est, sans doute, le refus de la culture, de l’art, de la musique, de la diversité des modes d’expression de l’identité. La crise des échanges liée à la montée des radicalismes religieux est, au fond, une forme de censure. La violence vient empêcher l’expression et la représentation, et, ainsi, elle empêche la tenue des arts et celle du politique. En enfermant l’agora, les fondamentalismes religieux refusent de reconnaître la signification des échanges.
Mais sans doute faut-il aussi lire la signification de cette crise des échanges dans la dimension inconsciente des identités. En engageant une lutte contre l’autre, le djihâd engage une lutte contre soi-même. C’est contre soi-même que le combattant islamiste engage la lutte, comme, dans d’autres temps et d’autres pays, le combattant chrétien ou le combattant sioniste. Ce véritable déni de l’autre et du politique est, fondamentalement, un déni de soi. Ce que Bruno Étienne appelle un messianisme révolutionnaire à propos du djihâd, n’est, somme toute, qu’un enferment de soi et de son identité dans l’illusion selon laquelle la religion pourrait remplacer l’idéal de soi dont nous sommes porteurs pour fonder notre propre identité.
Mais, dans ces conditions, sans doute est-il important de ne pas lire les attentats de Bruxelles comme une violence perpétrée ailleurs, loin de nous, ne serait-ce que parce qu’ils ne font que poursuivre l’œuvre entreprise à Paris en novembre ou encore ce qui a été entrepris le fameux 11 septembre, à New York. C’est le monde entier qui est en crise, c’est-à-dire, ne l’oublions pas, notre monde, le monde dans lequel nous vivons, dans lequel nous parlons avec l’autre, dans lequel nous exprimons notre mémoire et notre identité. C’est pourquoi nous devons nous sentir interrogés, surtout à Marseille, espace d’échanges et de dialogues, par les événements de Bruxelles, qui nous engagent à affirmer encore davantage notre ouverture à l’autre, cette ouverture à l’autre que signifie notre passé marseillais de port, mais aussi notre avenir.
On ne peut pas construire une identité en la fondant sur de la violence : on ne peut la construire que sur l’échange et la relation à l’autre.
Vous avez un compte ?
Mot de passe oublié ?Ajouter un compte Facebook ?
Nouveau sur Marsactu ?
S'inscrire
Commentaires
0 commentaire(s)
L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.