Comme une envie de rester seul·es, et pourtant …

Billet de blog
le 6 Oct 2019
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Dépasser notre amertume …

Les militants écologistes, en tous cas la soixantaine de votants pour la motion adoptée hier, ont choisi de démarrer la campagne électorale seul·es. Quelques micros partis se réclamant de l’écologie (parfois d’une écologie libérale) partiront avec eux. Ça jase depuis hier sur les réseaux sociaux. La colère est très forte à gauche, chez les citoyen·nes humanistes, ça fuse d’invectives et de mots durs à l’encontre de S.B., pour ne pas le citer. Les réponses des dirigeant·es d’EELV sont illisibles. Il paraitrait que tout n’est pas joué, qu’il reste plusieurs mois pour fonder cette liste « écolo-citoyenne ». Du côté du Mouvement Sans Précédent, un regroupement de partis de gauche et de quelques associations de citoyens de gauche modérée, on affiche cette même volonté d’une liste politico-citoyenne. Rebelote, décidément, les « citoyen·nes » ont la côte en ce moment après avoir été tant ignoré·es. Mais des deux côtés, l’on n’imagine pas mieux que de coopter ces fameu·ses·x citoyen·nes, donc des citoyen·nes qui se ressemblent et qui seront un gage d’une stabilité perdante, à l’heure où la crise politique locale demande que nous prenions au contraire la responsabilité de tout changer, d’inventer, d’oser. Tout le monde est lucide sur cette situation et pourtant, ces « citoyen·nes » que nous sommes semblons nous laisser aspirer dans le jeu des appareils. Ce n’est pas faute de vouloir les dépasser, mais parfois nous manquons de confiance en nous-mêmes.

 

Je suis en rogne, moi aussi. Evidemment parce que la décision d’EELV tourne le dos au processus de rassemblement auquel tout le monde aspire. En tous cas, désigner une tête de liste, définir tout seul un programme et laisser quelques miettes à des « citoyen·nes » qui de toute évidence seront coopté·es, ce n’est pas vraiment l’option la plus rassembleuse et démocratique pour trouver un consensus, ou a minima un compromis. Mais bon voilà, il n’y a pas que ça qui me mette en rogne. Surtout, c’est qu’à part dans les propositions que fait le Pacte Démocratique pour Marseille, tout le monde se réclame d’être plus « citoyen » que l’autre sans à aucun moment créer un quelconque espace d’expression et de décision démocratique. Alors, arrêtons d’attendre et faisons-le nous-mêmes.

Ne pas laisser le temps s’envoler

Nous avons pourtant gentiment tapé à la porte. Plutôt que d’attendre des partis qu’ils fassent différemment d’eux-mêmes, nous nous sommes dit « chiche ! ». Nous avons fait un pari risqué, celui de nous rendre disponibles pour participer aux élections à tous les niveaux, jusqu’à être candidat·es. Surtout, nous avons proposé une méthode à tout le monde : l’unité des forces humanistes et la constitution d’espaces d’expression et décision collective, par des assemblées citoyennes, des outils d’éducation populaire et des outils numériques. En somme, nous avons proposé que le mouvement social, le monde associatif et syndical, les citoyen·nes perdu·es et orphelin·nes de tout courant politique progressiste, puissent décider par eux et elles-mêmes de qui ils et elles sont, de qui allait les représenter, du programme que nous pouvions porter pour nous-mêmes. Nous l’avons fait sans sectarisme, en interpellant tout le monde, en tendant la main aux partis politiques avec lesquels nous pouvions avoir des aspirations communes. Nous leur avons surtout demandé de l’air. Nous n’aurions pas dû demander. Parfois il faut juste faire. Nous aurions dû beaucoup plus faire. J’ai passé ces trois derniers mois à tenter de participer à unir tout le monde, à faire des réunions, à faire signer ou à signer un appel après l’autre et pourtant j’ai impression de n’avoir rien fait de ces mois-ci. Nous avions déjà fait la plus grande partie du travail, en rassemblant les mouvements sociaux, en affrontant l’équipe de Gaudin, Gilles et Vassal, en favorisant les divisions à droite. Nous nous étions dit que pour la seconde étape, celle à laquelle on ne s’attendait pas vraiment, on allait pouvoir faire avec des interlocuteurs et interlocutrices (même si ce sont bien plus souvent des hommes, blancs, ayant passé la cinquantaine) politiques sérieu·ses·x et responsables. Nous en sommes toujours au point mort et le temps s’envole, à quelques évolutions près.

 

Se faire confiance

Beaucoup d’entre nous nous sommes pris des murs démocratiques, des murs face à notre expression, depuis bien longtemps. Pourtant, depuis bientôt un an, la mort de nos 8 voisin·es, puis de Zineb, a provoqué un élan de mobilisation sans précédent dans l’univers tout entier (puisque la mode est aux superlatifs surjoués, allons-y nous aussi !). Plus encore, c’est la maturité de ces engagements qui impressionne partout en France. Pourtant, l’on nous renvoie à chaque fois ce procès en immaturité, à l’incapacité de mener vraiment une campagne. Dernier argument en date, nous ferions n’importe quoi avec les comptes de campagne. Puis la suspicion : « vos assemblées vont être noyautées et vous n’allez pas savoir gérer ». Enfin la méfiance « mais vous ne voulez quand même pas que les partis disparaissent ? » . Honnêtement, sur cette dernière question, je me dis parfois que oui. Non que je sois opposé à l’idée de l’existence des partis, mais plutôt qu’un bon coup du Phoenix ne ferait pas de mal, histoire de tout remettre à plat et construire un mouvement politique neuf, démocratique, qui fasse la chasse aux égos et qui soit représentatif de notre diversité si puissante. Mais bon, là n’est pas le débat pour le moment. A chaque étape des discussions, on nous a renvoyé ce même procès en immaturité. Personne n’a pourtant réussi à mettre l’actuelle municipalité en crise comme l’ont fait les collectifs, personne n’a pu réunir 1000 personnes dans des salles pour débattre comme l’ont fait les Etats Généraux de Marseille, et on nous regardait encore de haut (“il y avait plus de monde à l’événement Red Bull”, nous a-t-on dit). Puis, lorsque certains d’entre nous avons fait le pas de vouloir transformer le jeu électoral, ça a continué. Personne n’a su commencer à construire l’alliance entre les couches sociales de notre ville, personne n’a su démarrer sa campagne en appelant au rassemblement sur le terrain, dans des assemblées citoyennes, personne n’a su s’adresser à l’ensemble des forces progressistes avec autant de patience, à émerger à partir des mouvements sociaux, en toutes transparence, loyauté, sans volonté hégémonique ou hiérarchique et en respectant leur indépendance, sauf le Pacte Démocratique pour Marseille. Mais voilà, nous serions, nous les forces “citoyennes”, les immatures. Le Mouvement Sans Précédent continue de coopter des personnalités citoyennes bien choisies et bien homogènes sociologiquement mais ça ne perturbe personne. EELV s’auto labellise « citoyen » sans l’ombre d’une personnalité ou d’un processus démocratique à la base et on s’apprête à laisser faire.

 

Face à une telle immaturité des partis politiques, si nous voulons un véritable rassemblement à la base, dans nos quartiers, dans nos collectifs, nos assos, nos syndicats, dans l’unité de toute la gauche et l’écologie politique, il existe pourtant une autre option. Il est venu l’option de nous-mêmes, aurait pu dire l’autre. Marseille n’appartient à personne, mais nous pouvons faire communauté, ouvrir grand les bras au Mouvement Sans Précédent comme à EELV. Nous n’avons pas le choix en fait. C’est cette maturité politique que nous devons atteindre : ne jamais se laisser enfermer dans des postures d’appareils ou d’égo, faire confiance en la démocratie et en l’intelligence collective. Il va falloir du monde pour cela, il va falloir renouer avec notre confiance en nous. Il va falloir être solides et s’affronter aux pratiques mafieuses de la droite et à la violence de l’extrême droite. Il va falloir pour cela être soudé·es.

Candidatons à nous-mêmes

Après avoir revu tout ce bordel innommable, j’ai franchement depuis plusieurs semaines envie de rester seul moi aussi. On m’a régulièrement demandé si je voulais être candidat. J’ai envie d’un peu plus en fait. Pas d’être Maire, oh ça non. J’ai envie que nous soyons toutes et tous candidat·es, envie de submerger Marseille de candidatures et de propositions pour tout changer. J’ai envie d’être candidat collectivement, j’ai envie que les assemblées citoyennes soient candidates, j’ai envie que partis et mouvements sociaux se regardent avec une bienveillance perdue et soient candidat·es ensemble. On m’a demandé personnellement de m’impliquer très tôt après l’effondrement du 5 novembre. J’ai refusé systématiquement, quoique certain·es en disent. C’était parfois indécent, parfois très sincère, au coin du comptoir, un dimanche matin de gueule de bois à la terrasse du café. Je rétorque souvent la même chose : « et toi ? ». Eh oui, pourquoi pas ? C’est fou à quel point les gens ont besoin d’incarnations médiatiques. J’entends, je comprends même qu’on ait besoin de faire confiance à celui ou celle qui va lever la main au conseil municipal. Des centaines de personnes m’ont témoigné de cette confiance à la suite de ma garde à vue, cela continue encore et encore chaque jour, au point parfois de me gâcher mon samedi soir. Et après ? Nous lèverons la main comme tant d’autres, nous continuerons à être des habitué·es du militantisme, des diplômé·es, des futur·es habitué·es de l’élection. Alors je rétorque publiquement pour une fois : et pourquoi pas nous ? Nous avons bien vu ces dernières semaines à quel point les jeux d’appareils, avant même le lancement de la campagne électorale, pouvait être décevant. Sans refonder une véritable démocratie permanente, basé sur différents espaces de délibérations, sur une codécision systématique portée par des élu·es, des expert·es, des citoyen·nes, des personnes directement concernées, comment imager que notre ville de demain puisse changer réellement ? Sans contrôle citoyen et décision référendaire directes sur les grands sujets qui nous concernent, comment imaginer que Kevin, Fathi, Charlotte, Yazid, Laetitia, Baya, Soraya Anissa, Martin ou d’autres fassent différemment ?

 

Alors, plutôt qu’attendre la réponse d’un tel ou d’une telle, allons-y, construisons le programme des citoyen·nes, sans jamais laisser d’espace au sectarisme. Participons massivement aux assemblées citoyennes et à leur préparation. Construisons un programme sans point final, capable de se réinventer à chaque discussion, de s’améliorer sans cesse, pendant et après les élections. Ne faisons qu’une seule promesse : celle de faire communauté, à égalité, et de (se) penser collectivement.

 

Pourquoi pas une candidature collective, une candidature qui nous ressemble et nous rassemble ? Avec toi, avec elle, avec eux, avec moi, avec mon voisin, mon frère et ma sœur de combats, au conseil municipal mais aussi ailleurs car l’amphithéâtre de la place Bargemon ne sera jamais assez grand pour accueillir notre intelligence collective et toute la sincérité de notre humanisme. Allez-y, candidatez, vous aussi, il n’y pas que les dirigeants d’EELV, du PS ou autres qui en ont le droit après tout ! Donnons une leçon d’humilité à tout le monde. Je suis candidat à être candidat, et toi, et vous ? Si nous sommes demain 1000 candidat·es, il va bien falloir que tout le monde s’asseye et réfléchisse à un vrai processus démocratique pour porter cette liste et définir son programme.

 

Allé, rendons-nous Marseille, rendons-nous la décision politique, candidatons ensemble. Faisons-en sorte que Marseille soit candidate à elle-même, à une Mairie citoyenne, dans sa pluralité et sa puissance de rester debout quoiqu’il arrive.

Le reste ne sera bientôt plus qu’une anecdote de l’histoire, rassurons-nous.

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