Lifestyle en Luberon

Chroniques pertuisiennes (1)

Billet de blog
par Blaah
le 26 Juil 2016
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En vacances à Pertuis, mon ami Martial Plot nous adresse des cartes postales quotidiennes de cette ville où les fracas du monde s'étouffent à l'ombre des platanes.

Chroniques pertuisiennes (1)
Chroniques pertuisiennes (1)

Chroniques pertuisiennes (1)

Il est 22h30. Mon amoureuse et notre fille – évitons les prénoms – dorment dans le canapé. À la télévision, Astérix et les Gaulois entament leur banquet final. Seul signe d’éveil dans la maisonnée, je m’apprête à sortir les poubelles. Rituel de la vie vacancière, ma ronde du XXIe siècle au pied des remparts de Pertuis fait de moi un nouveau chevalier, armé au bras droit de ma caisse de recyclables et au gauche de ce sac poubelle, estampillé « Hyper U » en guise de dragon. Il est 22h30, ma famille dort et je veille sur l’écologie du foyer. Les tarentes courent le long de la tour Saint-Jacques. Oh, pas de quoi réécrire des aventures à la Walter Scott ou des énigmes à la Umberto Eco, mais je suis bien. Les conteneurs enterrés se trouvent sur la place, au milieu d’une zone bleue. Il est de bon ton chez les Pertuisiens de se lamenter de cette corvée de poubelles. Je parierais même que certains d'entre eux envieraient mes conteneurs à tri situés dans l’immeuble, chacun étant sorti le jour idoine par Natalia la concierge. Natalia est portugaise, comme il se doit, à la différence des écrivains la vie ne doit faire aucun effort pour éviter les clichés.

Je suis en vacances, et chausser les espadrilles pour me rendre aux conteneurs est un plaisir. La trappe se referme sur le sac-poubelle Hyper U ; j'imagine Cronos engloutissant les enfants de la société de consommation. Je confie ensuite à la benne des recyclables sa ration d’emballages, lui distillant les déchets un à un dans la rémanence des petits plaisirs sadiques de l’enfance. Lou-Zoé devrait bientôt avoir l’âge de capturer des grillons pour les donner au crapaud qui fait au jardin l’honneur de sa présence. Il les happera et elle le regardera faire avec ce mélange de fascination morbide et d'innocence. Qui sait, peut-être sera-t-elle végétarienne à l’adolescence et, non contente de déserter le barbecue familial, me reprochera-t-elle de ne pas l’avoir arrêtée dans son génocide insectivore ? Génocide, ou peut-être « spécide », je ne sais pas comment l’on dit.

Tiens, cela fera un bon sujet de discussion au café le lendemain. J’y croiserai, comme chaque semaine, Marjorie, paysanne luberonnaise. Oh, je vous vois venir, vous attendez une bluette au pays de la lavande ? Vous voyez venir l’amoureuse jalouse, les portes qui claquent et le tout avé l’assent ? Je vous arrête tout de suite, Feydeau s’accommode mal des cigales. D’ailleurs il y a peu de boulevards à Pertuis. Il y a le cours de la République, d’ailleurs on dit le cours. Peut-être même le « coursse », comme les Parisiens le prononcent à Saint-Rémy-de-Provence pour montrer qu’ils sont du pays ? Non, Marjorie vend ses fromages au marché. De bons fromages de chèvre, avec tous les labels : « bio », « valeurs du Parc naturel régional du Luberon ». Nous sommes loin de Gordes ou de l’Isle-sur-la-Sorgue, ici le touriste se montre moins impatient de dépenser beaucoup d'argent. Le Figaro Magazine et les berlines allemandes ne sont guère de rigueur ; même ma 607, que l’on qualifierait de prolétarienne quelques kilomètres plus à l’est, détonne un peu sur le parking gratuit de la Dévalade.

Moins pressée, Marjorie garde la maîtrise du rythme. Elle s'octroie une pause-café après avoir installé son étal et planté ses étiquettes raisonnables. Frais, demi-sec, sec, aux noix, aux raisins secs. Les rondelles de fromages sont rangées, alignées, rationnelles. Lou-Zoé et Vanille, ma deuxième fille, sont déjà si peu ordonnées à leur âge que je me demande si la fromagerie ne leur est pas d’ores et déjà un avenir interdit. Tant pis, elles devront faire médecine… Une bataille de chats me rappelle à l’ordre, il est temps de rentrer. Je range la caisse vide de recyclables, éteins la télévision et porte Lou-Zoé à son lit. Je réveille mon amoureuse pour lui signaler qu’il est temps d’aller dormir. Ainsi va la vie, au pays des paradoxes vacanciers.

Martial Plot

Commentaires

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  1. Regarder2016 Regarder2016

    Plutôt chronique de vacances que pertusienne ! Les espadrilles et les poubelles c’est bien ,juste un peu bobo peut être !

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