Carton jaune à la CCI

Billet de blog
par Lagachon
le 20 Sep 2013
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L’info a fait son petit tour dans les newsletters spécialisées en communication : “La CCI Marseille Provence retient BDDP Unlimited”, on appelle ça une annonce client, BDDP publie un communiqué pour se satisfaire d’avoir été choisies parmi d’autres, c’est toujours étrange à écrire, ça n’a aucune originalité : on annonce, on met une citation du client, une du patron de l’agence (on travaille souvent à partir d’une version ayant servi pour un autre client) et ça sert surtout à montrer qu’on est dynamique. Mais bref, vous vous doutez bien que je ne prends pas le clavier pour faire un cours sur les communiqués d’annonce de nouveau client. Non, derrière cette apparence de “business as usual” se cache, selon moi, quelque chose de grave, une trahison de la CCI : BDDP est une agence parisienne !

Et alors, me direz-vous ? On peut bien travailler avec qui on veut ! On est dans une économie de marché, si l’agence parisienne était la meilleure, il fallait la prendre. Oui, en principe, c’est ce que je défendrais. J’ajouterais même que c’est plutôt positif d’aller chercher un regard extérieur, qui plus est basé dans le centre décisionnel de notre pays si jacobin.

Malgré tout, et malgré les compliments que je fais régulièrement à la CCI, je pense qu’ils se trompent. Car ce principe pose à Marseille – territoire notoirement en retard sur le plan économique par rapport aux grandes métropoles européennes – un problème en forme de cercle vicieux : si je prends systématiquement des prestataires à la capitale parce qu’ils sont meilleurs, sur quels budgets et expériences les structures marseillaises peuvent se développer pour devenir légitimes un jour ?

Alors, à la différence de la situation des métropoles florissantes (Paris, Londres, Francfort…), je pense que les acteurs marseillais ont une responsabilité morale dans le développement économique de leur territoire, assez proche des principes des AMAP (Associations pour le Maintien d’une Agriculture Paysanne), qu’on pourrait décliner en AMEM (Association pour le Maintien d’une Economie Marseillaise). Les quelques grandes institutions publiques ou parapubliques (Collectivités, APHM, CCI, Port…) mais aussi privées (CMA-CGM, Eurocopter, SMC…) sont – qu’elles le veulent ou non – collectivement responsables de la santé économique du territoire.

On les prend toujours en exemple, je sais que c’est énervant, mais Lyon avait travaillé avec DDB Nouveau Monde pour sa stratégie Onlylyon, et avec MMAP pour sa refonte visuelle… Tiens, deux agences qui ont des bureaux à Lyon…

En choisissant d’orienter le budget de cette consultation vers une agence 100% parisienne, la CCI est dans son droit, bien sûr, mais ce sont des euros prélevés ici auprès de collectivités ou entreprises qui sont envoyés à Paris, qui vont peut-être financer une embauche…à Paris, et l’accumulation d’expérience… à Paris. C’est donc une perte nette pour le territoire. Et c’est encore plus rageant lorsqu’il s’agit d’une institution qui se bat quotidiennement pour la bonne santé économique du territoire et qui n’a de cesse de mettre (à juste titre) les élus face à  leur mauvaise gestion.

Une des questions qui se posent est de savoir si une agence basée à Marseille (ou y ayant au moins une implantation) aurait été capable de répondre au brief ? J’ai envie de penser que oui. Dans ce cas-là, à part par snobisme (les mexicains ont un mot dédié pour ça : “el malinchismo“, l’attrait de ce qui vient d’ailleurs contre ce qui est local), pourquoi aller faire fructifier les salaires et le savoir-faire d’une agence qui n’emploie personne ici, ni ne contribue d’aucune manière au développement de notre territoire ?

Mais admettons que ce ne soit pas le cas, qu’après consultation des acteurs locaux, la CCI n’ait pas trouvé le bon partenaire à Marseille (on ne veut accuser personne de Malinchismo). Bon, admettons ! Alors une seconde question devrait se poser au commanditaire (ici, la CCI) : comment puis-je utiliser mon budget pour développer ici ce savoir-faire qui manque ?

Dans quelle mesure serait-il possible d’inclure au cahier des charges l’obligation de travailler en binôme avec une structure marseillaise ? BDDP Unlimited aurait dans ce cas dû présenter une réponse au brief avec un partenaire marseillais, ce qui contribue au moins à donner du travail ici et à développer les compétences ici. Ou dans le cas d’un budget important, conditionner l’obtention du marché à l’ouverture d’un bureau marseillais avec l’embauche de jeunes diplômés résidant à Marseille.

Je ne fais pas l’apologie du protectionnisme en tant que principe général mais d’un dosage entre ouverture et développement local en tant que bonne mesure contextuelle pour Marseille. C’est ce qu’ont fait les pays en voie de développement qui se sont effectivement développés à un moment. Et plus près de nous, nos amis bretons discutent en ce moment d’un Breizh Small Business Act, peut-être un modèle à suivre ?

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