AU-DELÀ DE LA CONFRONTATION, SOMMES-NOUS EN GUERRE ?
K
Kevin Vacher, l’un des militants du mouvement du 5 novembre, a été 28 heures en garde à vue, à la suite de l’intervention du collectif au siège de « Marseille-Habitat ». Cette arrestation était liée à une plainte déposée contre lui. Sans doute est-il temps de s’interroger sur les significations de cette procédure.
Le retour à la police du XIXème siècle
Je ne sais pas si la chronique d’aujourd’hui s’inscrit ou non dans la série des chroniques consacrées aux élections municipales de mars prochain à Marseille. Au début, comme je souhaitais la consacrer à la garde à vue de K. Vacher et à sa prochaine audience, je me disais qu’elle ne faisait pas partie de la série, mais, à la réflexion, peut-être s’agit-il, finalement, d’une autre manifestation de ce qui devient le combat électoral de la municipalité contre le peuple de Marseille. C’est que j’ai l’impression que notre pays est revenu à la police du XIXème siècle, à cette police dénoncée par Victor Hugo dans Les Misérables, à cette police dont la mission est de protéger les possédants, les riches, les notables, contre le peuple. Aucune procédure de justice n’a été réellement engagée après la mort des habitants de la rue d’Aubagne à la suite de l’effondrement des immeubles dans lequel ils vivaient, mais 28 heures de garde à vue sont imposées à K. Vacher pour un doigt cassé et cinq jours d’interruption de travail, dont on n’est même pas sûr de ce à quoi est due cette fracture. C’est pour cela que nous avons l’impression d’être revenus à la justice dénoncée au XIXème siècle parce qu’elle se montrait trop soumise aux puissants. D’ailleurs, les propos du président de la République, lundi 16 septembre, selon qui « les bourgeois n’ont pas de problème avec l’immigration (qu’ils) ne croisent pas (alors que) les classes populaires vivent avec » sont encore une manifestation de violence sociale, car, contrairement à ce qu’il cherche à faire croire, ce n’est pas l’immigration qui est à l’origine de la violence dans les quartiers populaires, mais la dégradation de l’espace et de l’habitat, liée, elle, à une politique de l’immobilier soumise au marché.
L’inégalité devant la police et devant la justice
L’économiste T. Piketty, lui aussi engagé, vient de publier un livre important sur les inégalités, sur ce qui les cause et sur la signification qu’elles peuvent avoir dans les sociétés contemporaines. C’est que nous sommes aujourd’hui devant une véritable urgence à dénoncer les inégalités qui finissent par devenir une véritable violence, violence économique, violence de classe, violence de pouvoirs. Aujourd’hui, à Marseille, l’inégalité ne se situe plus seulement dans l’économie et dans les formes de la vie, elle ne se situe plus seulement dans l’aménagement des quartiers, elle se situe désormais aussi dans les différentes manières dont les habitants de cette ville font face à la police et à la justice, pourtant, en principe, chargées de veiller à la sécurité et à l’ordre républicain. Or l’égalité sociale est l’un des éléments majeurs sur lesquels se fonde l’ordre républicain – car, il est important de le rappeler, c’est de l’ordre républicain qu’il est question, et la république a été instituée précisément pour veiller à l’égalité – l’un des trois mots de sa devise. La différence de traitement devant la police et la justice est une des expressions de l’inégalité qui sévit à Marseille comme ailleurs en France, ou peut-être plus qu’ailleurs. Rappelons-nous ce qu’écrivait La Fontaine, dans Les animaux malades de la peste, en 1678 :
« Selon que vous serez puissant ou misérable,
Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir ».
La violence judiciaire est, en réalité, un aveu de faiblesse
Mais, en réalité, il faut aller plus loin. Il ne faut se contenter de dénoncer, même si c’est important, mais il faut aussi tenter de comprendre, de donner une signification à cette déclaration de guerre, à cette violence exercée par les pouvoirs contre ceux qui les contestent. SI l’on réfléchit bien, cette violence sociale a deux significations de plus que la tentative de condamner ceux qui dénoncent l’insécurité qui se manifeste dans la dégradation du logement à Marseille. La première de ces autres significations est, en effet, en réalité, un aveu de faiblesse. Si Marseille-Habitat, et, au-delà, la municipalité, a ainsi recours à une procédure destinée à faire condamner K. Vacher, c’est qu’elle est incapable de défendre autrement son bilan, de légitimer son action, de s’expliquer sur les accidents survenus dans les logements que l’entreprise a mis sur le marché. Mais il y a aussi une seconde signification à trouver, au-delà de la violence sociale : ce qui, finalement, se manifeste derrière cette action de Marseille-Habitat, c’est de la bêtise. De la simple bêtise. Comment appeler autrement une procédure de déclaration de guerre judiciaire engagée à six mois des élections municipales ? Comment comprendre autrement que comme de la sottise l’engagement d’une action qui va dresser les habitants de la ville contre leur municipalité, contre une municipalité censée représenter l’ensemble des citoyens de cette ville, mais qui, finalement, se révèle comme ne représentant que les plus riches d’entre eux ?
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