Affaire Vassal : après les perquisitions, de nouveaux éléments troublants se font jour

Martine Vassal en septembre 2018. (Image JV)

La justice n’aura pas traîné dans l’affaire des procurations de Martine Vassal. Moins de 48 heures après les révélations de Marianne et France 2, le local de la candidate LR a fait l’objet d’une perquisition ce samedi 13 juin au matin. Une poignée d’enquêteurs est arrivée rue Paradis alors que les responsables de la campagne préparaient la journée. Martine Vassal n’était pas présente. “Ils étaient quatre ou six fonctionnaires de police. Ils ont fait très courtoisement leur boulot, regardé les ordinateurs, les papiers”, rapporte Yves Moraine, deuxième de liste dans les 6e et 8e arrondissements et maire de secteur sortant qui s’est fait raconter la scène.

“Ils ont aussi visité la permanence des 11e et 12e arrondissements et ne sont pas restés longtemps”, précise une source proche du dossier. De sources concordantes, les deux personnes ayant initié des procurations citées dans les reportages ont été entendues ce samedi. Il s’agit de Géraldine Lapalus, comédienne bien connue du feuilleton Camping paradis et candidate dans les 6e et 8e arrondissements de Marseille avec Martine Vassal et Yves Moraine. L’autre est Magali Devouge, élue à la culture dans les 11e et 12e arrondissements.

L’enquête préliminaire, a précisé la procureure à l’AFP, est ouverte pour déterminer si des “manœuvres frauduleuses” ont pu avoir lieu. L’enquête est ouverte pour “faux et usage de faux”, a-t-elle annoncé. Cette réaction rapide n’est pas étonnante étant donné l’émoi suscité par les deux reportages. “C’est une enquête sur la sincérité même de la campagne”, notait samedi une source proche du dossier.

Ce samedi, le local de campagne avait fermé tous ses stores. Photo L.C.

Des messages compromettants pour Yves Moraine et un colistier

Dans ce contexte, de nombreuses interrogations se font jour quant aux pratiques de la campagne Vassal et des messages ressortent. L’un d’entre eux est signé Yves Moraine, maire de secteur. Le mail exhumé revêt un caractère amical et a été notamment diffusé par le candidat écologiste rallié à Michèle Rubirola, Sébastien Barles. “Si vous avez besoin de procurations, dis-le moi. Je viens. Pas besoin de vous déplacer”, écrit-il.

#Marseille Après avoir détourné grossièrement et sans droits des photos de la manif de samedi dernier contre les violences policières, voilà @YvesMoraine qui se place (alors qu’avocat ne pouvant pas ignorer la loi électorale) en petit traficant de procurations illégales. Honteux! pic.twitter.com/dPb2uCpHMt

— Sébastien Barles (@sebbarles) June 13, 2020

Le message a été authentifié par Yves Moraine lui-même. Comme il l’avait fait pour France 3 l’élu a accepté de revenir avec nous sur sa genèse. Il dit avoir “envoyé une quinzaine de messages de ce type destinés à des gens qu'[il] connaî[t] bien”. Il poursuit : “Je leur proposais de remplir avec eux les documents. Pourquoi je fais ça ? Parce que je suis en campagne électorale, et que je veux les inciter à aller voter. On remplit ensemble deux formulaires Cerfa et ensuite, j’avais deux possibilités : d’abord, j’ai pensé que les conditions d’enregistrement pourraient être simplifiées avec par exemple seulement des vérifications de signatures et sinon, qu’ils iraient au commissariat.”

“Ni illégalité ni immoralité”, soutient Yves Moraine

L’avocat proche de Jean-Claude Gaudin insiste : “Il n’y a aucune illégalité, les procurations n’ont pas été enregistrées. Il n’y a pas d’immoralité puisque quand j’envoie le mail, les électeurs savent qui je suis et pour qui ils veulent voter. S’ils ne le souhaitent pas, ils me le disent.”

Un autre colistier s’est livré à un mail du même genre. Il s’agit de l’ancien président du comité d’intérêt de quartier Lieutaud-Rome-Préfecture Jean-Claude Tricoche, désormais colistier d’Yves Moraine et Martine Vassal. Lui aussi confirme l’authenticité de son mail.

Bah alors, même les présidents des CIQ (CIQ Lieutaud-Rome) récoltent les procurations maintenant ? Tout finit toujours par se savoir mes trésors. #Municipales2020 #Marseille pic.twitter.com/p24U0veEhM

— ty (@Chablais05) June 13, 2020

“Je suis en mesure de fournir les CERFA pour les procurations et de transmettre directement au service des élections pour leur éviter des démarches au commissariat. Si elles ne connaissent pas de personnes à mandater, je suis aussi en mesure de leur en proposer”, écrit ce candidat.

“Elle ne peut pas être mise en œuvre parce qu’elle est illégale”

Le chemin décrit semble clair et Jean-Claude Tricoche plaide la méconnaissance. “C’est un mail qui comportait des erreurs. Vous savez bien que la question de faciliter l’élaboration de ces procurations était sur la table . Elles sont transmises à un officier de police qui fait la validation. Le préfet de police a rappelé récemment la procédure”, témoigne le candidat.

Pour lui le mail daterait “de l’annonce du second tour et ressort opportunément maintenant”. Son argumentation et ses explications sont les mêmes que celles d’Yves Moraine : “il s’agissait d’une volonté de faciliter les procurations dans la foulée du débat national. Elle ne peut pas être mise en œuvre parce qu’elle est illégale.” Jean-Claude Tricoche poursuit ses explications et estime que le procédé ne lui semblait pas illégitime : “L’officier de police qui valide ça a tout loisir de demander que les personnes se déplacent ou de se déplacer à domicile chez ceux qui ne peuvent se déplacer”. Ce faisant, il pointe le chaînon manquant de la mécanique de fraude que cherche à décortiquer l’enquête pénale. Qui validait ces procurations ? Des fonctionnaires ont-ils accepté de tamponner des procurations qui leur étaient amenées par des tiers ? Si des policiers ou des gendarmes avaient accepté cela, ils pourraient être accusés de faux par personne dépositaire de l’autorité publique.