À Vitrolles, ils font campagne face au risque FN
À Vitrolles, la perspective d'une victoire du FN fait peur. PS, France insoumise ou La république en marche, plusieurs listes s'affrontent pour tenter d'être au second tour et se poser en seul barrage possible face au front. Tout en reconnaissant que seul un travail de fond peut peser.
À Vitrolles, ils font campagne face au risque FN
Sur la place de l’hôtel de ville de Vitrolles, les élus sont au garde à vous. Le maire Loïc Gachon préside la cérémonie d’hommage aux morts de la guerre d’Indochine. À ses côtés le maire LR de Sausset Éric Diard, candidat aux législatives dans la 12e circonscription des Bouches-du-Rhône, affiche une mine grave de circonstance. Trois pas derrière, Jean-Lin Lacapelle est entouré des élus FN de la ville. Dans cette élection, il fait figure d’épouvantail malgré son statut de parachuté. “Je ne suis pas là pour des raisons électorales, affirme l’intéressé. Je suis d’une famille de militaires. L’hommage à nos morts c’est sacré”.
À quelques mètres de là, la candidate socialiste Isabelle Rovarino piaffe d’impatience devant sa permanence. Elle a prévu un tractage à la sortie d’une école et midi se rapproche. Le militant qui conduit se trompe d’établissement. “Pas là David. C’est celle où mes enfants sont scolarisés et je leur ai promis de ne pas y faire campagne.” Arrivée à bon port, elle a le temps de distribuer tracts et invitations pour la réunion publique du soir. Accueil poli mais peu d’échanges. À part avec un témoin de Jéhovah qui tente de la convaincre que le monde a besoin d’un seul dirigeant. Elle écourte poliment.
“La France insoumise veut tuer le PS”
Pour l’adjointe à l’économie du maire de Vitrolles, cette première campagne n’est pas simple. Elle est partie tôt, épaulée par le sortant Vincent Burroni qui ne se représente pas, mais la présidentielle a bouleversé la donne. Dans la circonscription, Benoît Hamon qu’elle défendait après avoir été vallsiste durant la primaire a dépassé avec peine les 5 %. Elle est désormais coincée entre la France insoumise qui “veut tuer le PS” selon elle et la dynamique En marche. Elle dit y croire mais ses chances d’être au second tour sont minces. Alors elle tape sur la candidate LREM, l’avocate marseillaise Camille Bal et la politique “ultra libérale” du gouvernement. “Pour moi, c’est un mouvement de droite. L’État, les services publics, cela ne se gère pas comme une entreprise et je sais ce que je dis, c’est d’où je viens.”
Elle pointe volontiers l’inexpérience de son adversaire LREM, investie in extremis et glisse que les militants locaux ne sont pas au rendez-vous. Elle en sait quelque chose, bon nombre sont d’anciens du PS. Elle-même a adhéré “dix jours, pour voir”. “Je suis allée à une réunion et en suis ressortie vaccinée. J’ y ai croisé beaucoup d’anciens guérinistes, des rejetés de tous les partis. Je n’ai pas compris ce qu’ils allaient faire ensemble à part suivre un gourou.” En poussant un peu la métaphore, elle compare le nouveau président à un hand spinner, cette toupie de doigts qui fait fureur chez les enfants, “Macron est à la mode, mais les modes passent si vite“.
“F comme fasciste, N comme nazi, cela ne marche plus”
Au-delà de cette législative où elle espère “une bonne surprise” à en croire l’accueil des gens, elle s’inscrit sur le long terme, dans la perspective des municipales de 2020 et de la reconstruction de son parti. Car, en regardant les résultats électoraux bureau par bureau, elle a vu glisser vers le FN des quartiers qui votaient à gauche. Une victoire du FN donnerait corps à la théorie des dominos qui verrait basculer les communes du territoire dans l’escarcelle de l’extrême-droite. “Pour moi, le FN est l’ennemi quand les autres sont des adversaires, formule-t-elle. Mais on ne fait plus barrage en criant ‘F comme fasciste, N comme nazi’, cela ne marche plus. Il faut écouter, comprendre. Et c’est vrai que cela prend du temps”.
Pour la candidate En marche, le FN est dès à présent l’adversaire. Malgré son investiture tardive et son ancrage marseillais, Camille Bal croit crânement à ses chances, portée par la dynamique En marche. “La campagne a été courte mais riche en rebondissements, sourit celle qui a dû remplacer la candidate investie au pied levé. Mais nous avons réussi à faire de belles choses. Nous sommes un mouvement organisé et depuis l’élection d’Emmanuel Macron, de nombreux militants nous ont rejoints.” Militante des droits de l’homme, elle a soutenu Jean-Pierre Mignard lors de sa candidature aux législatives à Marseille en 2012. Elle n’est donc pas une novice en politique même si elle met d’abord en avant son engagement citoyen et professionnel.
“Candidat Airbus ou TGV”
Plutôt que sur sa gauche ou en la personne d’Éric Diard, elle pose Jean-Lin Lacapelle en cible principale, qualifié de “candidat Airbus ou TGV” pour son faible ancrage local comme si la dynamique En marche allait effacer la quatrième position de Macron au premier tour de la présidentielle. Dans un récent post sur Facebook, elle pointe ainsi son appartenance au GUD et sa proximité avec Frédéric Chatillon, mis en examen dans l’information judiciaire sur des soupçons de financement irrégulier des campagnes électorales du FN en 2014 et 2015.
“Nous faisons campagne sur les questions de formation qui doivent permettre d’apporter une réponse au chômage massif des villes de la circonscription, explique-t-elle. L’action du gouvernement doit leur permettre de reprendre espoir car c’est avant tout par désespoir qu’ils se tournent vers le Front national. Or, les candidats En marche offrent une nouvelle façon de faire de la politique, moins clivante. Ce sont des hommes et des femmes qui connaissent les souffrances des Français et qui apportent des solutions à leurs problèmes.”
Une rhétorique que l’on retrouve paradoxalement chez les candidats de la France insoumise. Même si le programme et la méthode diffèrent en tout, il y a là aussi la volonté de faire de la politique différemment, en faisant table rase des partis installés.
Damien Merono, l’enfant du pays
Pour cette élection, les insoumis ont choisi un enfant du pays, Damien Merono, étudiant de 21 ans, Vitrollais né à Marignane. Il se désole d’avoir une candidate du PC, Laurence Jouanaud, face à lui, comme à Marseille où certains candidats communistes font face à des candidats FI. “On a essayé de les convaincre mais ils n’ont rien voulu savoir. Le déclin du PCF a commencé avant la France insoumise mais s’ils veulent survivre, il faut qu’ils nous rejoignent”, déroule le jeune homme qui maîtrise déjà bien les éléments de langage maison.
Pour l’heure, il joue au bateleur dans un utilitaire transformé en caravane de la France insoumise. “C’est notre permanence, rigole sa suppléante Nathalie Chabrand. Comme les gens ne viennent pas à nous, nous venons à eux.” En bande-son, des chansons détournées en ode à leur mouvement. Au micro, Damien qui bat le rappel pour “faire barrage au gouvernement” dès qu’il voit une silhouette humaine.
Vitrolles, ville voiture
Le problème c’est qu’à Vitrolles, Marignane ou ailleurs, on circule surtout en voiture. Peu ou pas d’endroits où les gens se réunissent. Ils restent les jours de marché, les plages. “Nous ciblons en priorité les quartiers populaires mais c’est vrai qu’avec le ramadan, c’est un peu le désert”, reconnaît le jeune candidat.
Lui n’a pas connu la gestion FN de Vitrolles ou Marignane. “Mes parents m’ont raconté et la condamnation de Daniel Simonpiéri [ancien maire de Marignane condamné pour favoritisme à 12 mois de prison avec sursis et 5 ans d’inéligibilité, ndlr] c’était en 2011, je m’en souviens bien”, explique-t-il. Lui non plus ne veut pas stigmatiser mais expliquer comment le programme de Jean-Luc Mélenchon peut apporter des solutions. “On diabolise le FN et avec lui son électorat mais il faut passer par d’autres voies, il faut convaincre qu’on peut combattre le gouvernement tout en construisant un nouvel espoir. C’est ce que permet notre programme.”
Sortie d’école
Dans la caravane, l’ambiance est joyeuse même si la sono à fond fait un peu cirque Pinder. Elle s’approche d’une école, quartier du Liourat où Damien Merono a grandi et où vivent encore ses parents. Les militantes se déploient tandis qu’il bat le rappel. “Dites bien à tes parents que ce soir nous faisons une fête près de la médiathèque, ils peuvent venir vers dix heures après le repas”, énonce une militante à une grappe d’écoliers. Certains parents prennent un tract et filent. D’autres s’arrêtent et discutent.
Une mère de quatre enfants prend le temps d’interroger le candidat : école, cantines, services publics, réforme des prisons et de la justice. Tout y passe, on croirait même une comparse tant elle permet aux deux militants de gauche de dérouler le programme.
Dans ce quartier populaire, il n’est pas question du FN, mais du programme Macron qu’ils ne craignent pas de caricaturer pour mieux convaincre de la nécessité d’une opposition de gauche à l’assemblée. La dame repart convaincue, ses trois fils sur ses talons. Ira-t-elle voter dimanche ? Dans la caravane insoumise, personne ne le jure. À Vitrolles, au second tour de la présidentielle, l’abstention représentait plus de 25 %. Au bout d’une séquence électorale interminable, le taux devrait monter.
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Le “pousse toi d’là que j’m’y mette” théorisé par la France “insoumise” : “s’ils veulent survivre, il faut qu’ils nous rejoignent.” Oui, mais à genoux et soumis aux conditions des “insoumis” : on ne va tout de même pas perdre de temps à discuter pour trouver des convergences à gauche.
Le résultat de cette très intelligente stratégie du “je me tire une balle dans le pied” se verra dans la prochaine assemblée nationale, où l’on peinera à trouver une opposition de gauche.
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