À vendre Marseille habitat, société d’économie mixte mise en examen, prix à débattre
La loi oblige la Ville de Marseille à céder ses parts dans Marseille Habitat, la société d'économie mixte notamment chargée de la lutte contre l'habitat indigne. La métropole a proposé de racheter la société mixte, riche de 3600 logements, à 15 euros l'action. Une proposition pour l'heure rejetée.
Un chantier de Marseille Habitat, rue Sénac, en 2012. (Photo : Julien Vinzent)
L’annonce n’est pas encore sur leboncoin.fr mais le dossier est bien sur le bureau du maire depuis quelques mois. La Ville est prête à vendre ses parts dans Marseille habitat, la société d’économie mixte dont elle est le principal actionnaire, notamment chargée de la lutte contre l’habitat indigne. “C’est une obligation née de l’adoption de la loi Elan qui impose le regroupement des bailleurs sociaux”, indique-t-on du côté de l’Hôtel de ville.
En effet, depuis 2018, les bailleurs sociaux dont le patrimoine est inférieur à 12 000 logements ont l’obligation de se regrouper ou de fusionner pour former des groupes de plus grande taille. Cette mesure vise notamment à accroitre la production de logements sociaux neufs en obligeant les offices HLM à mettre en commun leurs moyens. D’après la loi Elan, cette fusion devait intervenir avant le 1er janvier 2021 pour les organismes HLM comme pour les sociétés d’économie mixte telles Marseille habitat, dont les capitaux sont détenus par des collectivités et des acteurs privés.
Date butoir dépassée
Marseille habitat est donc en retard, très en retard. Avec le risque d’être mise en demeure par la ministre du Logement de céder son patrimoine. Pour la société, le couperet est encore loin du cou. Mais l’hypothèse d’une vente est loin d’être écartée. “Cela fait partie des solutions que l’on regarde, confirme-t-on dans l’entourage du maire. Mais, pour l’heure, rien n’a été arrêté”.
Interrogée par Marsactu, la présidente (PM) de la société d’économie mixte et adjointe au maire, Audrey Gatian est sur la même ligne : “la vente fait partie des hypothèses que l’on étudie parmi bien d’autres. Nous réfléchissons à d’autres types de coopération avec des bailleurs sociaux comme la loi nous y autorise. Il faut regarder toutes les hypothèses, y compris celle d’une société de coordination qui nous permettrait de nous associer à d’autres acteurs. Aucune d’elles n’a pour l’heure notre préférence”.
Proposition de rachat à 15 euros l’action
En cas de vente, la Ville a déjà reçu une première offre. La métropole Aix-Marseille-Provence a proposé de racheter la participation de la Ville qui représente aujourd’hui 52,93% du capital. “La métropole nous a proposé de racheter nos parts à la valeur nominale des actions, ce n’est pas acceptable”, indique-t-on à la mairie. À l’époque de sa fondation, l’action Marseille habitat avait été fixée à 100 francs, soit 15,26 euros. L’offre de la métropole culminait donc à quelque 230 000 euros pour plus de 3000 logements. Cette proposition est confirmée dans les couloirs de l’établissement public, qui voit ce rachat comme un choix cohérent, dans la lignée de sa position de chef de file sur les questions d’habitat qu’elle exerce de plein droit depuis 2018.
Malgré tout, dans ses promesses de campagne comme dans l’organigramme du gouvernement municipal, la nouvelle majorité place toujours la lutte contre l’habitat indigne dans ses priorités, même si elle n’a plus vraiment de manettes pour agir, en dehors du service de sécurité des immeubles. La métropole a déjà récupéré l’office HLM de la Ville, Habitat Marseille Provence, en 2017. Cet office est appelé à fusionner avec Pays d’Aix habitat, malgré l’opposition de la maire aixoise Maryse Joissains.
Mais si la Ville de Marseille envisage de vendre c’est à la valeur économique des parts qu’elle détient. Pour ce faire, il faut expertiser son patrimoine. “Il n’est pas question de brader”, indique-t-on encore dans l’entourage du maire.
Un patrimoine mixte
Or, les quelque 3000 logements de Marseille habitat ne sont pas tous des logements sociaux. Seuls 59% sont conventionnés comme tels, notamment dans cinq grandes copropriétés notamment au nord de la ville, comme au parc Bellevue (3e) et au parc Kalliste (15e). Elle possède également 650 logements dans le centre-ville de Marseille dont une partie est conventionnée en logement social. L’essentiel provient de rachats dans le cadre de l’action lancée par la société d’économie mixte dans le cadre de l’éradication de l’habitat indigne, notamment dans les grandes copropriétés dégradées.
À ce titre, la présidente de Marseille habitat, l’élue Audrey Gatian penche plus volontiers pour une association avec un bailleur social via, par exemple, un rapprochement avec la filiale habitat de la caisse des dépôts. Celle-ci intervient déjà sur le champ de l’habitat indigne, notamment au parc Corot, grande copropriété dégradée, visée par un plan de sauvegarde. Le directeur régional du groupe Caisse des dépôts, Richard Curnier, confirme que cette hypothèse a été discutée entre actionnaires, puisque le groupe public possède déjà près d’un tiers des actions.
L’épineux problème de la rue d’Aubagne
Le calendrier de la vente ou du regroupement n’est pas fixé. Dans un entretien à TPBM, le 2 juin, Audrey Gatian met en avant la date anniversaire du drame du 5 novembre 2018 pour justifier le délai dans la décision : “Voir la société s’adosser à une autre au lendemain de cet événement tragique aurait donné une image désastreuse. Comme si elle cherchait à fuir ses responsabilités dans un tour de passe-passe institutionnel…”, explique-t-elle dans la revue spécialisée. Dès sa prise de fonction, Audrey Gatian avait assumé ses responsabilités face aux juges d’instruction qui ont décidé de mettre en examen la société pour son rôle potentiel dans la mort des huit habitants du 65 rue d’Aubagne.
Si l’actionnaire principal décide au final de vendre ses parts, la question des conséquences judiciaires et financières des effondrements fera l’objet d’une clause spéciale. Il n’est pas certain que le futur acquéreur soit prêt à s’acquitter des éventuels millions d’euros de dommages et intérêts à verser aux ayant-droits des victimes.
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