À Rognac, la majorité municipale de Sylvie Miceli-Houdais ne tient plus qu’à un fil

Actualité
le 17 Mai 2024
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Le groupe majoritaire, déjà affaibli par dix démissions en quelques mois, traverse une nouvelle période de turbulences après les révélations de Marsactu sur les dépenses réalisées avec la carte bancaire municipale de la maire. Avant un conseil municipal sans relief, une quinzaine d'habitants ont appelé à la démission de Sylvie Miceli-Houdais et à la tenue de nouvelles élections.

La maire de Rognac, Sylvie Miceli-Houdais, ouvre le conseil municipal, le 16 mai 2024. (Photo : Emilio Guzman)
La maire de Rognac, Sylvie Miceli-Houdais, ouvre le conseil municipal, le 16 mai 2024. (Photo : Emilio Guzman)

La maire de Rognac, Sylvie Miceli-Houdais, ouvre le conseil municipal, le 16 mai 2024. (Photo : Emilio Guzman)

“Je suis toujours là et je resterai là.” Il est 18 h 29 et Sylvie Miceli-Houdais (UDI) ouvre le conseil municipal de Rognac, ce jeudi 16 mai, par un “message introductif“. Devant les 17 élus réunis ce soir-là dans la salle du conseil, sous une belle charpente en bois, la maire revient sur “des articles de presse qui ont mis en cause [sa] probité.” Cela a entraîné, assure-t-elle, une “tentative de putsch et de déstabilisation“, à l’égard des élus de son groupe que l’on a essayé “de faire culpabiliser”. Sur le fond, la maire l’affirme : “Oui nous avons des dépenses que l’on peut justifier”. Elle se dit prête à les évoquer lorsque les documents qui s’y réfèrent “sont obtenus de façon légale”.  

Deux jours après l’enquête de Marsactu – qui révèle que la carte d’achat nominative de la première magistrate rognacaise réalise chaque mois des dépenses nombreuses et importantes – la maire évacue elle-même le sujet. Une fois ce préambule posé, l’ordre du jour, disponible en ligne plusieurs jours avant la séance, n’est en rien chamboulé.

C’est peu dire que la séance est rapide. Seuls cinq points sont inscrits au menu des conseillers municipaux. Le tout est expédié en 22 minutes. Sans palabres inutiles. À Rognac, l’opposition n’est représentée que par un seul élu, Noré Boudissa, qui conduisait la liste “Rognac à cœur” en 2020. Il est rarement présent lors des séances du conseil municipal, comme en témoignent les procès-verbaux consultables en ligne. Ce jeudi soir, comme d’ordinaire, il n’est pas là pour porter la contradiction.

Le public devant une télé

Pas de chahut dans le public non plus. Il faut dire que celui-ci est majoritairement maintenu à distance. Le nombre de places offertes aux citoyens dans la salle même du conseil, au 2e étage, est réduit. Ce jeudi soir, neuf chaises rouges et dorées sont alignées. “C’est plus que d’habitude”, note une habitante. Une fois ces places pleines, celles et ceux qui veulent suivre ces (rapides) débats sont orientés, au premier étage, vers une pièce dotée d’un écran de télé. Devant la porte de l’Hôtel de ville, Elisabeth s’en agace et y voit “un déni de démocratie“.

Si tout cela est avéré, c’est une très grosse faute. Et la maire doit démissionner.

 

Un ex-adjoint

Comme cette quadragénaire, ils sont une quinzaine d’habitants à s’être réunis avant la séance du conseil. Le débat, à Rognac, c’est finalement à l’extérieur de l’Hôtel de ville qu’il faut le chercher. Ce jeudi soir, le sujet des dépenses réalisées avec les cartes nominatives de l’ancien maire et sénateur Stéphane Le Rudulier – absent lors de ce conseil – puis de Sylvie Miceli-Houdais, alimente les conversations. Sandrine n’en “revient pas” des dépenses révélées : “Il faut que ça s’arrête ! L’argent de nos impôts ne doit pas servir à ça.” Comme d’autres habitants, elle appelle à “une démission de la maire et de l’intégralité du conseil municipal”.

Joint par Marsactu, un ex-adjoint qui a démissionné il y a plusieurs mois dit aujourd’hui se sentir “un peu fautif” : “Le train de vie de Stéphane Le Rudulier puis de la maire nous a parfois interpellés. Mais on n’avait pas connaissance de tout. Et puis on n’avait pas le droit de dire les choses…”  Un autre ancien conseiller municipal enfonce le clou : “Si tout cela est avéré, c’est une très grosse faute. Et la maire doit démissionner”. Le même regrette également la “passivité” des conseillers municipaux qui siègent encore : “Certains étaient peut-être au courant, d’autres non. Mais, aujourd’hui, ils ne peuvent pas dire qu’ils ne savent pas. Alors rester revient à cautionner tout cela. Et cela me paraît immoral, inadmissible.”

Dix démissions en trois ans

Contactés, plusieurs élus de l’actuelle majorité refusent de commenter les révélations de Marsactu. D’autres répondent. On remet parfois en question “la véracité” des faits énoncés, “car il existe des contrôles administratifs” et “des règles”. Un autre se défend : “Nous, on n’a pas accès à ce type d’information.” Lucien Daret, lui, dit avoir appris l’existence de la carte d’achat de la maire par des posts sur les réseaux sociaux après la parution de l’article : “Il faut respecter la présomption d’innocence. Les preuves, moi, je ne les ai pas”, indique-t-il avant d’ajouter que “si ces personnes ont fait des conneries, elles paieront. Mais pour l’instant la majorité de l’équipe est au travail.” 

On resserre donc les rangs dans le groupe de Sylvie Miceli-Houdais. Mais le devenir de la majorité fait aussi partie des questions qui se soulèvent ces derniers jours : tiendra, tiendra pas ? Car nul ne l’ignore ici, l’équipe majoritaire ne tient qu’à un fil et avec lui le conseil municipal de Rognac. Emmenée en 2020 par Stéphane Le Rudulier (LR), elle est fragilisée par ce nouvel épisode, après avoir affronté de nombreuses tempêtes. Dans cette petite ville de 12 000 habitants, 32 conseillers municipaux siègent en plus de la maire UDI, désignée le 1er novembre 2020 lorsque son prédécesseur devient sénateur. Au fil des mois, les dissensions internes ont fissuré le groupe majoritaire : dix élus – cinq adjoints et autant de conseillers municipaux – ont démissionné tour à tour. Une élue est décédée. Or, comme le rappelle l’article L258 du Code électoral, lorsqu’il ne peut plus être fait appel au suivant sur la liste et que le conseil municipal a perdu le tiers de ses membres, il convient de procéder à des élections municipales partielles dans les trois mois après la dernière défection.

On est là, on a un engagement moral sur la durée vis-à-vis des Rognacais. Personnellement, je continuerai d’œuvrer pour l’intérêt commun.

Patrick Savelli, 3e adjoint

Dit autrement : le départ d’un élu dans la majorité et la démission en bloc de la liste d’opposition entraîneraient, de fait, la tenue d’un nouveau scrutin municipal. “Il n’y a aucun souci dans la majorité. Nous sommes tous très solidaires”, évacue Serge Frizzarin, le 7e adjoint. Un autre élu reconnaît qu’il y a eu “beaucoup” de défections, “pour des motivations diverses”. Comprendre qu’elles ne sont pas toutes liées à la politique menée par Sylvie Miceli-Houdais. “On est fragiles, c’est vrai. Mais je ne pense pas qu’il y ait un problème au sein de la majorité”, enchérit Lucien Daret. Pour l’heure, pas de démission à l’horizon le concernant. L’octogénaire dit être “élu par les Rognacais” et entend “faire le job jusqu’au bout”. Sur la même ligne, Patrick Savelli, le 3e adjoint, maintient son cap : “On est là, on a un engagement moral sur la durée vis-à-vis des Rognacais. On ne suit pas une personne mais une liste quand on s’engage. Personnellement, je continuerai d’œuvrer pour l’intérêt commun.”

Complot

Le son de cloche est différent auprès d’anciens colistiers. Ceux qui, ces derniers mois, ont choisi de quitter le navire ou qui ont été “débarqués“, comme le dit l’un d’eux. Auprès de Marsactu, tous requièrent l’anonymat. “Désolé si cela manque un peu de courage. Mais c’est pour être tranquille”, pose un ex-adjoint. La crainte de représailles est souvent exprimée. Tous pointent, en outre, la ligne de défense qu’ils qualifient de “lunaire”, choisie par Sylvie Miceli-Houdais après la mise en ligne de notre enquête. Depuis mardi, réunions de crise et discussions internes entre élus ou auprès des agents avancent la thèse selon laquelle les documents que Marsactu a consultés auraient été dérobés à l’Hôtel de ville ou piratés, par ceux que la maire qualifie “d’opposants”.

“C’est faux, totalement faux, soupire une ex-élue. Quoi ? Des gens seraient entrés à la mairie et repartis avec ça sous le bras ? Sérieusement ?” Une personne qui a occupé un poste d’adjoint analyse de son côté : “Cette défense basée sur un grand complot orchestré par une opposition – on ne sait jamais de qui la maire parle vraiment – c’est juste une façon de détourner le sujet d’elle et d’allumer un contre-feu. C’est plus aisé de toujours rejeter la faute sur les autres”. Certains de ces ex-élus n’attendent qu’une défection dans le camp Le Rudulier-Miceli pour se lancer dans une nouvelle bataille électorale. Elle n’aura pas eu lieu le temps de ce conseil municipal express.

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Commentaires

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  1. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    En son temps, la revue “Le Ravi” tenait un “banc d’essai de la démocratie” qui l’amenait à assister à des réunions de conseils municipaux pour en apprécier le fonctionnement.

    Nul doute qu’elle aurait été ravie d’assister à celle-ci : 22 minutes, et en public mais pas trop.

    Qui rappellera à certain·es de nos élu·es qu’il ne sont pas propriétaires de leur mandat ni de l’argent public qui leur est confié, mais uniquement mandataires provisoires de celles et ceux qui les ont élus ?

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  2. Danielle BEULAYGUE Danielle BEULAYGUE

    Bonjour
    Tout d’abord, merci pour ce travail d’enquête sur le séisme qui secoue ma petite commune.
    Petit rectificatif : la liste conduite par SLR en mars 2020 comptait bien 35 candidats, mais aujourd’hui cette leste s’est réduite comme peau de chagrin à la suite des 12 disparitions, un décès, malheureusement,( une adjointe formidable que tous appréciaient et regrettent encore aujourd’hui) et 11 démissions. Aujourd’hui au conseil municipal, (24 membres) siègent donc 23 élus de la majorité et le seul et unique élu de l’opposition.

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    • julijo julijo

      c’est un peu bizarre, que le préfet ne s’en mèle pas, il y a généralement un nombre de conseillers municipaux en fonction du nombre d’habitants…il devrait y en avoir au moins 30 dans votre commune ?

      avec un seul élu de l’opposition, bien évidemment que le rudulier et miceli ont les coudées franches !

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