À quoi va servir Christophe Castaner au grand port maritime de Marseille ?

Décryptage
le 25 Nov 2022
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Ce vendredi, le conseil de surveillance du grand port maritime de Marseille doit choisir son nouveau président après plusieurs années d'intérim et de vacance. L'ancien ministre de l'Intérieur, Christophe Castaner, est candidat au poste. Les avis sont tranchés sur ce qu'il peut apporter au second port français.

Christophe Castaner à Marseille en 2015. (Photo : EC)
Christophe Castaner à Marseille en 2015. (Photo : EC)

Christophe Castaner à Marseille en 2015. (Photo : EC)

Actualisation le 25/11/2022 : Comme annoncé, Christophe Castaner a bien été élu à la présidence du conseil de surveillance du port ce vendredi matin.

Bientôt deux ans que le navire n’a plus de capitaine. Depuis le décès soudain de Jean-Marc Forneri en décembre 2020, la plus haute instance du grand port maritime de Marseille vogue sans président. Durant un an, le conseil de surveillance a été présidé par intérim, puis le poste a été à nouveau vacant. Il aura donc fallu attendre jusqu’à novembre 2022 pour voir débarquer un remplaçant titulaire, chargé de finir le mandat inachevé, jusqu’en 2024.

Officiellement, son élection doit se tenir ce vendredi. Mais elle est déjà pliée : Christophe Castaner, il le confirme à Marsactu, est candidat au poste. Et à moins d’un retournement de situation soudain, l’ancien ministre de l’Intérieur sera bien élu président du conseil de surveillance. Une charge qu’il cumulera avec ses nouvelles fonctions de président du conseil d’administration du tunnel du Mont-Blanc, un poste plus lucratif que celui du port, puisqu’il donne droit à de confortables indemnités. Que peut-on attendre de lui à Marseille ? Marsactu fait le point.

Le garant de la stratégie

La fonction de président du conseil de surveillance du Grand port maritime est bénévole. Elle consiste à présider les séances plénières – cinq par an pour 2022 par exemple *- et à être le garant des décisions dudit conseil. “La voix du président est prépondérante en cas de partage égal des voix”, indique le service communication du port. Depuis 2008 et la réforme portuaire, il est gouverné via trois instances : le conseil de surveillance donc, qui valide et veille à l’application des orientations stratégiques, mais aussi le directoire, qui est chargé de la gestion et de l’exécution de ces orientations, et enfin le conseil de développement, consulté sur le projet stratégique et sur la politique tarifaire du Port.

La possibilité d’un tandem Castaner-Richard à la tête du port se dessine.

Le conseil de surveillance est composé de 18 membres : cinq représentants de l’État, cinq représentants des collectivités territoriales, trois représentants du personnel et cinq personnalités qualifiées. C’est parmi ces dernières que le président est élu. Il doit préalablement être nommé par un arrêté signé conjointement par le secrétaire d’État à la mer et le ministre des Transports. Après le couac du mois d’octobre qui a entrainé un report de la séance du conseil de surveillance, cet arrêté a finalement été pris. Il nomme Christophe Castaner mais aussi, surprise, une personnalité longtemps pressentie pour le poste : l’ancien patron d’Orange, Stéphane Richard.

Entre-temps, ce dernier a été définitivement condamné à une peine de sursis assortie d’une forte amende pour complicité de détournement de fonds publics, lié à son rôle dans l’affaire Tapie. S’il ne peut plus être président de l’instance, sa nomination pose forcément la question d’une éventuelle co-présidence, partagée entre le politique et le chef d’entreprise.

“En gros, c’est Stéphane Richard qui va faire le taff”

Questionné sur ce point, Christophe Castaner n’a pas souhaité répondre. Idem pour l’ancien patron d’Orange, qui n’a pas donné suite à notre sollicitation. Traditionnellement, le poste de vice-président est plutôt pourvu par le représentant, en l’occurrence la représentante, de la Compagnie nationale du Rhône. Comme Stéphane Richard et Christophe Castaner, Laurence Borie Bancel a été nommée personnalité qualifiée au conseil de surveillance par le même arrêté ministériel.

Mais, pour certains initiés, vice-président ou pas, la possibilité d’un tandem avec le patron d’Orange semble évidente. “En gros, c’est Stéphane Richard qui va faire le taff !”, lâche, sous couvert d’anonymat, un habitué de la place portuaire. “Il sera forcément là pour l’épauler, comme un premier lieutenant”, ajoute Philippe Maurizot, ancien vice-président régional LR, qui a siégé plusieurs années au conseil de surveillance et dispose toujours d’antennes au sein du port.

Christophe Castaner, d’un point de vue extérieur, ne connait pas la gestion d’entreprise de manière professionnelle. Il a été ministre, maire, mais pas chef d’entreprise.

Philippe Zichert, président de Via Marseille-Fos

Philippe Zichert, vice-président de la chambre de commerce et président de l’agence de promotion portuaire Via Marseille-Fos tente une analyse : “La nomination de Stéphane Richard est surprenante. Mais Christophe Castaner, d’un point de vue extérieur, ne connait pas la gestion d’entreprise de manière professionnelle. Il a été ministre, maire, mais pas chef d’entreprise. Stéphane Richard a été le président d’une grosse entreprise, il sait comment manager. Ils peuvent travailler en tandem.”

“Il y a un gouffre entre Forneri et Castaner”

Mais alors, qu’est-ce que Christophe Castaner va pouvoir apporter au port de Marseille ? “J’ai fait acte de candidature pour accompagner, avec l’ensemble des acteurs, le grand port maritime de Marseille, répond l’intéressé, très évasif. Si je suis élu, j’irai au contact de ces acteurs et je ne souhaite pas m’exprimer par presse interposée, mais directement avec ceux qui font vivre le port.”

Dans la pratique, la fonction de président du conseil de surveillance consiste à faciliter les relations entre les différentes entités portuaires. “Ce poste est très important, surtout ici. Il doit faire le lien entre les membres du conseil et le directoire, mais aussi les collectivités territoriales, les co-financeurs qui investissent dans les projets. Il a un rôle de liant qui n’est ni inutile, ni secondaire”, pose Roland Blum, ancien adjoint de Jean-Claude Gaudin qui fût représentant de la Ville au conseil de surveillance du port durant plus de quinze ans. S’il vante les mérites de l’ancien maire de Forcalquier pour ce poste, du fait notamment de sa carrière politique, d’autres sont beaucoup moins convaincus.

Manager et dialoguer avec les syndicats

“Je ne vois pas ce que Christophe Castaner peut apporter au port de Marseille”, lâche sans détours Philippe Maurizot. L’ex élu a également siégé au conseil de surveillance de la Compagnie nationale du Rhône et pour lui, l’efficacité d’un président dépend de la personnalité de celui qui occupe le poste. “J’en ai connu des cools et des mordants. Forneri était très présent, très sachant. Il avait les billes pour surveiller. Il faut des compétences en finance, en management, il faut pouvoir négocier avec les syndicats. Il y a un gouffre entre lui et Castaner.” Comment l’ancien ministre se positionnera-t-il face aux syndicats, et notamment face à la CGT qui pèse lourd sur le port de Marseille ? Du côté du bassin Est, à Marseille donc, Pascal Galéoté de la CGT des portuaires se dit “rassuré sur les investissements à venir”. Mais le ton n’est pas le même à Fos.

Soit notre projet est repris, soit on va se fâcher. Nous demandons un plan d’urgence.

La CGT des bassins Ouest

Ce mercredi, lors d’une conférence de presse, la CGT des dockers des bassins Ouest a tenu à développer ses attentes. Relancer la solution fluviale, développer les infrastructures routières et ferroviaires, mener des états généraux de l’industrie… Des revendications qu’ils ont même compilées dans un document, sorte de schéma stratégique prêt à l’emploi. “Soit notre projet est repris, soit on va se fâcher. Nous demandons un plan d’urgence pour que nos enfants ne finissent pas à servir des cafés à la marina du J1, a prévenu Christophe Claret, secrétaire général. Pour le moment, aucun échange n’a eu lieu. “Nous n’allons pas nous mettre en grève le premier jour de son mandat“, tempère le représentant des salariés. Reste que des difficultés de relations entre l’ancien ministre de l’Intérieur et les syndicalistes, qui se souviennent de lui comme “l’éborgneur de gilets jaunes”, pourraient surgir à tout moment.

Tenir les promesses d’Emmanuel Macron

À quel point Christophe Castaner aura-t-il le pouvoir de rebattre les cartes du grand port maritime ? “Le président du grand port est censé être les yeux de l’État, recadre Philippe Zichert, de la CCI. Mais le vrai président du port, c’est celui du directoire, Hervé Martel. Et le vrai pouvoir, il est à Paris. C’est le président de la République qui décide, c’est lui qui nomme le président du conseil de surveillance et celui du directoire”.

En septembre 2021 lors de son allocution dans le jardin du du Pharo, Emmanuel Macron disait vouloir faire de Marseille “une tête de pont de l’axe Rhône-Saône. Et à cet égard, la transformation du port maritime en un grand port fluvio-maritime allant de Marseille à Lyon.” Un projet qui, promettait-il, serait accompagné “d’aménagements nouveaux et d’investissements exceptionnels”. Christophe Castaner a-t-il été nommé pour concrétiser ces promesses ? L’implication de l’ancien maire de Forcalquier dans ses nouvelles fonctions en sera le gage.

*Le conseil de surveillance s’est réuni cinq fois en 2022, et non deux comme nous l’avions écrit. Précision apportée le 25/11/22 à 11H.

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Commentaires

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  1. bernard bernard

    Entre le poste garanti bien indemnisé de PDG de la société d’Etat gérante du Tunnel du Mont Blanc et la possibilité de présider gratuitement deux fois par an les séances du Conseil de surveillance d’un port dont il ignore tout la raison devrait conduire à choisir le premier le plus stable et le plus attrayant financiérement . Mais la gourmandise est un vilain défaut et on peut perdre au poker…..

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    • petitvelo petitvelo

      on subodore un arrangement : le tunnel pour la paie, avec en échange le port pour faire l’homme de paille de M Richard. …

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  2. Richard Mouren Richard Mouren

    Ca va lui servir à essayer de relancer sa carrière politique, sacrément affaiblie. Il a peut-être gardé des relations nouées lors de son passage à Marseille. Ca pourrait servir dans certaines discussions. Un dirigeant hybride: le tunnel pour la gamelle, le port pour la gloire.

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  3. Jb de Cérou Jb de Cérou

    Le Président du Conseil de surveillance d’un établissement public comme le GPMMest un peu la reine d’Angleterre. Il n’a pas à manager, ni a décider, mais à surveiller, accompagner le Président du Directoire et le Directoire qui sont l’exécutif. Il peut aider sur certains dossiers, en particulier, dans les relations avec les Ministères, s’il a une dimension nationale. Il peut faire tampon avec les syndicats. Sur ces thèmes, pourquoi pas Castaner qui a été aussi adjoint de Vauzelle à la Région en charge de l’Economie.
    Sur le fond, l’une des vraies questions d’avenir est de repenser ce port comme celui de Marseille-Lyon et d’agir concrètement en ce sens. la aussi, pourquoi pas Castaner?

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  4. BRASILIA8 BRASILIA8

    A la lecture de l’article je suis tenté de dire qu’il ne servira à rien pour le Port
    par contre il ne faut pas oublier que du temps ou il était socialiste il s”était présenté aux Régionales et il envisage peut être un retour dans la Région avec l’aide des nouveaux convertis de la bande à Muselier

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    • Zumbi Zumbi

      Ses frais de déplacement et de séjour cinq fois par an à Marseille lui serviront à entretenir et développer ses réseaux au cas où, cédant à des pressions amicales, retenez-moi retenez-moi, il aurait des visées sur un fauteuil à la Région…
      Et puis il aura de précieux conseils techniques à donner sur l’art d’éborgner les futurs manifestants contre les mégacitésHLM de croisière, ça compte, c’est pas de la compétence, ça, bande de médisants ?

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  5. Marc13016 Marc13016

    Le GPMM comme port “Marseille-Lyon” ? Sûrement une bonne stratégie, avec du multimodal à fond sur la zone Ouest, et tout le bienfait que ça apporte à l’emploi et l’environnement. Les dockers CGT de Fos le proposent aussi apparemment.
    Mais ne serait il pas temps de repenser le GPMM-Est comme port de “Marseille-Ville” ? Les bassins Est devraient s’orienter vers des activités plus citadines. Pas des serveurs de resto pour croisiéristes Haut de gamme, mais pas non plus des pelleteurs d’alumine ou de bauxite, ni des caristes en produits chimiques.
    Souhaitons que les nouveaux dirigeants prennent la mesure de ces mutations. Ils devraient en parler avec le Maire de Marseille, ils étaient potes à une époque ?! Au fait, qu’est ce qu’il en pense ? Son adjoint à la mer a-t-il enfin pris possession de ce dossier ? Allez les “cocos”, engagez vous … (le terme est à la mode !).

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    • Pascal L Pascal L

      C’est vrai que le GPMM s’est arrogé le droit de gérer le littoral de la moitié nord de Marseille et qu’il y fait ce qu’il veut sans aucun contrôle démocratique.

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    • Marc13016 Marc13016

      Oui, et on peut craindre qu’il gère son “domaine” à la façon d’un rentier … Le nombre de zones délaissées, gardées pour “plus tard”, le laisse penser. Le message, c’est “Touche pas à ma propriété”, “on est chez nous”, “c’est notre patrimoine” … Ben non, c’est le domaine public !

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  6. LOU GABIAN LOU GABIAN

    Tout le monde oublie que le grand port maritime appartient au contribuable

    Ces postes qui coutent un pognon de dingue on les retrouve partout , pour assurer la participation de l ‘état et voter des budgets

    Castaner ou un autre c ‘est pareil mais on a le personne que la ville mérite

    IL ne sera pas bénévole il y a une carte de crédit , des frais remboursés ou pris en charge , des tables ouvertes des nuits d’hotel , des voyages d’étude même dans les pays sans port……

    Ca me rappelle un ancien président de la FFF QUI DISAIT ETRE BENEVOLE , mais dont ligne comptable des frais dans la gestion de la fédération était de 500 000 € chaque année

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    • Andre Andre

      Je ne sais pas ce que Castaner peut
      bien apporter au port mais, par contre, on peut compter sur lui pour relancer la vie nocturne marseillaise…

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    • LOU GABIAN LOU GABIAN

      Je viens de lire qu’ il vient d’être nommé président du tunnel du mont blanc et du tunnel de Fréjus
      A l’époque Balladur travaillait a 50000 par mois pour cela chauffeur et logement inclus je crois

      Sacré fromage en perspective, j ai aussi appris que la direction du tunnel sous le vieux port a commandé pas mal de bon whisky……

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    • BRASILIA8 BRASILIA8

      On peut espérer qu’il relance le tunnel du Rove dont il pourra prendre la présidence en complément du Mont Blanc et du Fréjus

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  7. Fabienne Fabienne

    Je suis curieux de voir si Castaner ou le nouveau conseil va repondre aux citoyens qui ont interrompu le conseil hier pour s’opposer a l’activité des mega-croisieres, malheureusement l’article n’en parle pas du tout.

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