À Gémenos, les salariés de Gemalto “déboussolés”
En trois semaines, les salariés de Gemalto ont vécu de véritables montagnes russes émotionnelles. Après l'annonce d'un plan social, ils ont suivi de près la course au rachat de leur entreprise d'abord par Atos, puis par Thalès. Ce jeudi, en assemblée générale, ce feuilleton a laissé place à la bataille pour le maintien de leurs emplois.
À Gémenos, les salariés de Gemalto “déboussolés”
13 h 30. Le rythme des bips de badges s’accélère au portail de l’établissement Gemalto, vaisseau amiral du parc d’activité de Gémenos. Devant l’entrée du bâtiment principal, une foule s’amasse. Une centaine de salariés patientent pour assister à l’assemblée générale. Anne-Marie Chopinet, déléguée syndicale FO, allume son mégaphone : “À quelques jours des fêtes, j’aurais aimé vous apporter de bonnes nouvelles, vous dire que le plan social a été abandonné. Malheureusement, ce n’est pas le cas”, démarre-t-elle. Au même moment, un AG semblable se tient sur le site de Gemalto de La Ciotat.
Voilà maintenant trois semaines que les salariés du géant spécialisé dans la conception de cartes à puces vivent aux gré des annonces. Le 1er décembre, ils apprenaient qu’un plan social concernant 300 emplois allait s’abattre sur leur entreprise. Un plan censé compenser la baisse d’activité “de 28 % à 35 % entre 2016 et 2017”. En France, environ 3000 personnes travaillent pour Gemalto. Avec celui de Meudon (Hauts-de-Seine), La Ciotat et Gémenos seront les deux sites les plus touchés : 77 postes sur 950 à Gémenos, 130 sur 750 à la Ciotat.
Course au rachat et sprint pour les syndicats
Parallèlement se lançait une course au rachat de l’entreprise, lancée par Atos mais dont c’est finalement le groupe français Thalès, spécialisé dans l’aérospatial, la défense, la sécurité et le transport terrestre qui est sorti vainqueur. “Nous partageons les mêmes valeurs et Gemalto, dans cette nouvelle configuration, pourra poursuivre son projet industriel, accélérer son développement et réaliser sa vision de la sécurité numérique”, déclarait le 17 décembre dernier Philippe Vallée, le directeur général de Gemalto, voyant ainsi l’opportunité de créer “un leader mondial du marché en croissance rapide de la sécurité digitale”.
Pour les salariés, la suite est en revanche beaucoup moins certaine. Il y a quelques jours, certains se sont pourtant laissé emporter par la magie de Noël, lorsque Atos, le premier candidat au rachat, a indiqué dans la presse par la voix de son PDG vouloir conserver les emplois. “Nous n’avons aucune garantie et sommes de simples observateurs dans ce dossier, mais je crois que ces paroles, si elles nécessitent quelques précisions, peuvent être prises au sérieux”, espérait alors Anthony Vella, délégué syndical CFE-CGC.
Cette fois-ci, les choses sont claires : “Le plan social est conservé”, a réaffirmé ce jour à Marsactu Frédéric Vasnier, vice-président exécutif de Gemalto. Si une “bourse de l’emploi” – c’est-à-dire des propositions de reclassement en France – a été promise par Thalès, les syndicats continuent de demander l’annulation du plan mais préparent en parallèle les négociations sur les départs. “Nous avons désormais quatre mois pour négocier le plan. C’est un sprint. Nous voulons sauver un maximum de postes mais aussi avoir un maximum d’avantages pour ceux qui doivent partir, reprend Anne-Marie Chopinet de FO. La prochaine étape sera donc la redéfinition des catégories socio-professionnelles, sur lesquelles ils vont se baser pour licencier.”
En clair, la loi interdit de licencier nominativement une personne : c’est sa fonction au sein de l’entreprise ainsi que son statut social (enfants à charge, ancienneté…) qui, combinés, doivent permettre de désigner les personnes qui seront licenciées. “Aujourd’hui à Gemalto, il existe trop de catégories. En l’état le plan social ne sera pas accepté par la Direccte [direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi, ndlr]. Il faut donc les redéfinir pour pouvoir négocier les plans de départs anticipés et bénéficier du regard de la Direccte pour la suite”, détaille Anthony Vella de la CFE-CGC. Du côté de la direction, on confirme en effet être en négociation à ce sujet.
Résignation
Responsable commercial chez Gemalto, Bruno* arrive trop tard pour assister à l’AG mais n’en pense pas moins. “Ces dernier temps c’est mouvementé ici, débute-t-il. La prise en considération de notre travail est très faible. Le gestion globale est faite de telle sorte que ce sont nos dirigeants qui en profitent, pas les salariés”, juge-t-il avant de faire état d’une “situation difficile, avec une démotivation importante surtout pour les personnes déjà concernées.” Ces dernières années, une intersyndicale avait mené une campagne pour un partage des bénéfices plus important au profit des salariés.
Dans ce contexte morose, certains arrivent cependant à trouver des points positifs. “Atos c’est une société de service alors que Gemalto a aussi une activité industrielle. Avec Atos on risquait donc de perdre cette activité. Et puis, Thalès est un groupe français, qui a moins mauvaise réputation qu’Atos en ce qui concerne le management. On va dire que Thalès c’est moins pire”, essaye de relativiser André*, ingénieur. Pour lui, l’annonce du plan social début décembre n’a pas été une surprise : “On est résigné, on en entend parler depuis tellement longtemps”, lâche-t-il avant de retourner à son poste, “parce que oui on licencie, mais on a quand même du travail”.
De leur côté, les syndicats préparent un recours en justice afin de contester l’argumentaire de la direction de Gemalto qui s’appuie sur des raisons économiques pour justifier le plan social. “Pour nous racheter, Thalès a dû faire une rallonge de 500 millions par rapport à Atos, faisant passer l’offre de 4,3 milliards à 4,8 milliards, retrace Anne-Marie Chopinet. Le plan social lui permettra d’économiser 30 millions ! Quand on voit les chiffres, on est en droit de se poser des questions”, soutient-t-elle. Un argument que balaie Frédéric Vasnier vice-président de Gemalto : “Que le repreneur soit Atos, Thalès ou Monoprix ne change pas grand chose, se défend-il. Le marché américain de la carte SIM et celui de la carte bancaire sont en déclin !”. Selon certaines projections, Gemalto pourrait réaliser cette année jusqu’à 300 millions d’euros de bénéfices.
*À la demande des personnes, les prénoms ont été modifiés.
Commentaires
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Je ne comprends toujours pas bien pourquoi Gemalto/Thallès se sépare de 300 profils majoritairement “supérieurs” dans un contexte où le MEDEF se plaint de ne pas trouver preneur à ses emplois, où l’Etat indique ne plus vouloir former les supérieurs déjà bien assez formés. C’est si compliqué de recycler un collaborateur fidèle expert télécom en expert cyber-Sécurité ou Internet Of Things, un ? Où c’est moins cher (sur certains papiers) de faire télé-travailler un ingénieur Russe/Indien/chinois qu’un ingénieur Ciotaden ou de jeter en “Région SUD” pour ré-embaucher en “Région Ile de France” ?
Une pierre de plus pour la French Tech Aix-Marseille, ça va faire 250 nouveaux hotes de The Camp à Aix … ou 250 gites de France ! Et on attend une nouvelle pluie de stock options sur les courageux décideurs Gemaltiens :o))
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