À Marseille, les marcheurs sortants trébuchent et les entrants mettent le pied dans la porte

Reportage
par Benoît Gilles & Coralie Bonnefoy
le 13 Juin 2022
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La soirée a été contrastée pour les candidats de la majorité présidentielle. Certains sortants, notamment dans le Nord de Marseille, ont été sèchement battus alors que les nouveaux arrivés, dans l'Est, sont en ballottage favorable.

Alexandra Louis, ancienne députée de la 3e circonscription des Bouches-du-Rhône de 2017 à 2022. (Photo : Emilio Guzman)
Alexandra Louis, ancienne députée de la 3e circonscription des Bouches-du-Rhône de 2017 à 2022. (Photo : Emilio Guzman)

Alexandra Louis, ancienne députée de la 3e circonscription des Bouches-du-Rhône de 2017 à 2022. (Photo : Emilio Guzman)

Une silhouette menue s’éloigne avenue de La Rose, bientôt mangée par la nuit. La députée Agir, Alexandra Louis, a quitté son QG de campagne, avec son directeur de cabinet Wiktor Zamojski. Elle ne reviendra pas faire de déclaration, ni remercier les militants. “Elle est rentrée chez elle”, confie son entourage. Le geste discret illustre cette petite porte par laquelle les sortants sont appelés à sortir. Saïd Ahamada, son collègue de la septième circonscription qui embrasse l’autre moitié des quartiers Nord, connaît le même destin.

Avec 15,8 %, il n’arrive en tête dans aucun bureau de vote, derrière le RN Areski Selloum (23,1 %) et l’Insoumis Sébastien Delogu (37,8 %). Alexandra Louis, avec 21,8 %, parvient tout de même à se hisser en tête dans les noyaux villageois tout au nord du 13e et dans quelques bureaux du 12e. Même la candidature dissidente de Sandrine D’Angio, nouvellement étiquetée Reconquête, ne lui permet pas de battre Gisèle Lelouis (RN).

“Ni juste, ni sympathique”

Dans une scène étrange, le patron de la boulangerie dont le QG d’Alexandra Louis n’est qu’une dépendance fait visiter les locaux à des candidats au rachat. Cette visite n’a aucun rapport avec les résultats du jour dont le proprio n’a visiblement cure. Les militants de la majorité présidentielle quittent un par un les locaux. Ceux qui restent ont sorti des bières. La députée ne prendra pas le temps de l’analyse. Son suppléant, Gérard Blanc, qui centralisait les résultats, tente un commentaire à chaud. “La politique, ce n’est ni juste, ni sympathique, lâche-t-il à une militante. Aujourd’hui, on fait mieux que le président dans ce secteur. Ce sera le testament politique d’Alexandra.” Tous saluent son engagement sur le logement indigne. Mais, reconnaissent-ils, les députés ne sont pas réélus sur le travail fait. À l’école Corot, tout près de la copropriété du même nom sur laquelle elle a beaucoup travaillé durant son mandat, elle arrive en troisième position dans les deux bureaux.

En 2017, la vague était tout autre, suffisamment forte pour porter des inconnus jusqu’au palais Bourbon. Là, à voir les résultats, la vague est double : mélenchoniste à gauche, lepéniste à l’extrême-droite. Au milieu, l’espace politique s’est soudain rétréci. Alors Gérard Blanc pointe “le drôle de jeu de la présidente du département et de la métropole”. Quelques heures plus tôt, elle désignait les deux adversaires “de l’extrême-gauche et de l’extrême-droite” pour expliquer son ralliement au président réélu. “Mais, ici, elle soutient Patrick Pappalardo (LR) et il fait exactement le nombre de voix qui nous manquent pour être au second tour”, lâche amer le candidat macroniste. Une scène vue maintes fois dans ce territoire pour la gauche lorsqu’elle n’était pas unie.

Gérard Blanc partage d’ailleurs son analyse avec Nora Presiozi qui faisait campagne avec le patron d’HMP, le bailleur social dont elle est vice-présidente. “C’est la vague Mélenchon”, répond l’élue départementale. L’échange rebondira sans doute lors d’autres occasions dans cette maison commune où les courants d’air mettent les sortants dehors et favorisent les nouveaux arrivés.

Dans la 5e circonscription qui comprend les 4e et 5e arrondissements et une partie du 6e, la sortante Cathy Racon-Bouzon parvient à se maintenir au second tour, mais dans l’ordre inverse de 2017. Avec 40,3 %, le candidat de l’alliance de la gauche Hendrik Davi caracole en tête, laissant de faibles de chances à la candidate sortante, qui bénéficie de peu de réserves de voix. Au final, à Marseille, seule Claire Pitollat dans la 2e circonscription des quartiers Sud de Marseille a une chance d’entamer un second mandat au soir du second tour.

Les nouveaux entrants en ballotage favorable au sud

Pour les macronistes, la joie vient du côté des nouveaux arrivants. Dans la première circonscription – qui comprend les 11e et 12e et une partie du 10e arrondissements – Sabrina Agresti-Roubache a dû patienter jusqu’aux alentours de 23 heures pour avoir la confirmation de sa qualification pour le second tour. Proche du couple présidentiel, conseillère régionale dans la majorité de droite et du centre du président de région Renaud Muselier, la prétendante à la députation arrive à la deuxième place (avec 25,4 % des voix) derrière le Rassemblement national (27,3 %), emmené par Monique Griseti (qui n’a pas donné suite aux sollicitations de Marsactu). Thibaud Rosique, représentant socialiste de la Nupes (24,2 %) pointe à la 3e place, à seulement 300 voix de la candidate d’Ensemble. Il ne sera pas présent au second tour et appelle à “faire barrage à l’extrême-droite”.

Toute la soirée, devant le local de campagne de Sabrina Agresti-Roubache à Saint-Barnabé, l’annonce des résultats, bureau par bureau, a mis les nerfs des militants à rude épreuve. Des montagnes russes émotionnelles au gré de chiffres serrés. Au bout du suspense, la protégée du président et de son épouse a laissé éclater sa joie, mais “sans triomphalisme et avec humilité”, a-t-elle assuré.  Avant de promettre d’être “la vigie des Marseillais à Paris” si elle était élue dimanche prochain. Sur ces terres traditionnellement acquises à la droite, elle améliore le score d’Emmanuel Macron en pourcentage (23,4 % au premier tour de la présidentielle) mais totalise 1600 voix de moins que le candidat de la majorité présidentielle en 2017, Pascal Chamassian. Surtout, au second tour, le combat promet d’être rude dans une circonscription où le RN a fini en tête au second tour de la présidentielle.

Lionel Royer-Perreaut, en tête pour la majorité

Dans la 6e circonscription, aussi, les militants ont laissé percer leur soulagement. Lionel Royer-Perreaut est un des rares candidats d’Ensemble à sortir en position favorable du premier tour. Certes, le maire ex-LR des 9e et 10e n’est pas un nouveau venu en politique. Mais c’était sa première campagne dans l’espoir d’entrer au palais Bourbon, et sous cette bannière toute neuve de la majorité présidentielle. Avec 29,7 % des suffrages, il devance de quelque 2000 voix la RN Eleonore Bez (23,9 %) et la Nupes de Magali Holagne (22 %). Surtout, petite vengeance personnelle, il renvoie son ancien camarade de parti Didier Réault – soutenu par le sortant LR Guy Teissier et Martine Vassal pourtant fraîchement ralliée à la galaxie présidentielle – à un score très sec de 8,3 %.

“Je peux comprendre qu’il puisse y avoir ici ou là des déceptions, a d’ailleurs commenté Lionel Royer-Perreaut à l’annonce des résultats finaux. Certains se sont beaucoup interrogés sur le sens de la décision que j’ai prise il y a quelques mois [de quitter LR et soutenir Emmanuel Macron, ndlr]. Il ne s’agissait pas de ma trajectoire personnelle, mais  je pense que nous sommes vraiment arrivés à la fin d’un système.”

Avant d’ajouter, devant plusieurs de ses sympathisants réunis dans sa permanence à la Pauline : “Je suis de droite et le resterai. Je dis à mes amis des Républicains que nous avons encore des choses à écrire ensemble. J’attends d’eux qu’ils puissent se positionner clairement en faveur de notre candidature.”

Message reçu cinq sur cinq. Didier Réault a choisi de ne passer, en vue du second tour, aucun appel à voter : “Car je suis un libéral donc considère que chacun doit faire ce qu’il veut”, a-t-il précisé. Même tonalité chez la candidate Les Républicains, Sarah Boualem dans la 1re circonscription (en 5e place avec 6,6 % des voix) qui ne donne aucune consigne de vote à ses électeurs. Dans le nouveau monde, comme dans l’ancien, les fractures ont la vie dure.

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Commentaires

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  1. Tarama Tarama

    Je suis un peu déçu de lire dans l’autre article que la droite serait balayée, alors que En marche est la droite, et ici que les “nouveaux” en marche sauvent les meubles, alors que ce sont des dinosaures LR.
    J’attends plus de finesse de Marsactu.

    Une seule conclusion, En marche = droite.

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    • Jean-Marie Leforestier Jean-Marie Leforestier

      Bien sûr, il y a dans ces titres une forme d’usage visant à ce que chacun comprenne de quoi l’on parle. Et peut-être un peu de fatigue d’une édition bouclée entre 3 et 4 heures du matin 😉

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  2. Jacques Jacques

    il n’y a pas de justice! parmi les 4 députés macronistes sortants de Marseille, celle qui s’en sort le mieux est Pitollat, la moins bosseuse et la plus combinarde !

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    • Laurent Malfettes_ Laurent Malfettes_

      Exact. Mais dans la circo la plus confortable, puisque la plus à droite… on voit bien que le grand remplacement de Lr par Lrem a parfaitement fonctionné.

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