À Marignane, le RN fait son marché sur les terres du député LR Éric Diard

Reportage
le 25 Mai 2022
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Marine Le Pen est venue soutenir Franck Allisio dans une 12e circonscription que son parti espère ravir. Le sortant mise sur son ancrage et l'absence d'opposant Renaissance pour garder son siège.

"On travaille à te déloger", a lâché Marine Le Pen à l
"On travaille à te déloger", a lâché Marine Le Pen à l'attention du député sortant Eric Diard. (Photo : JML)

"On travaille à te déloger", a lâché Marine Le Pen à l'attention du député sortant Eric Diard. (Photo : JML)

Éric Diard déboule avec quelques amis à l’angle d’un étal. Il peste contre “le cirque” qui lui fait face. Une petite dizaine de caméramans et de photographes mitraillent une Marine Le Pen qui ne fait pas trois mètres sur le marché de Marignane sans qu’on lui réclame un selfie. À ses côtés, son conseiller Franck Allisio joue parfois les photographes pour offrir aux chalands l’image espérée. Le conseiller régional et municipal de Marseille espère ravir le siège de député à Diard, ancien maire de Sausset-les-Pins (LR).

“On travaille à te déloger”, lui lâche Marine Le Pen lors d’un bref échange souriant. Si la patronne du RN accompagne son poulain ce mardi, c’est parce que, cette fois, son parti espère bien l’emporter. Il y a 27 ans, il s’était installé à l’hôtel de Ville. Alors l’ex-présidente du RN pousse : “Envoyez-moi Franck à l’Assemblée !”. L’homme a été dépêché là à dessein. “La commission d’investiture a pensé qu’il serait le meilleur candidat sur cette circonscription, le plus à même de rassembler pour obtenir plus de 50 % des voix au second tour”, assure-t-elle.

Dans cette 12e circonscription qui couvre un territoire de la Côte bleue à Vitrolles, elle a réalisé 59 % au deuxième tour de la présidentielle. Un peu mieux qu’en 2017 même si le score était déjà élevé. À l’époque, elle avait parachuté un autre de ses proches pour les législatives. Arrivé en terrain conquis, Jean-Lin Lacapelle était vite reparti, éliminé au premier tour car troisième derrière Diard et la candidate LREM de l’époque. “Aujourd’hui, les Français sont convaincus qu’ils peuvent avoir des députés Rassemblement national, ce n’était pas le cas il y a cinq ans”, veut croire Marine Le Pen.

Diard qualifié de “demi-macroniste”

Cette fois, le chemin vers le 2e tour semble plus dégagé. Une des raisons tient en l’absence de candidat estampillé majorité présidentielle. La majorité a laissé 17 circonscriptions en France sans candidat car jugées “à risque RN”. Yaël Braun-Pivet, devenue depuis ministre des Outre-mer et présidente sortante de la commission des lois de l’Assemblée a précisé sur France info : “Éric Diard a partagé beaucoup de nos combats, il a été un député extrêmement constructif et nous avons pu avancer ensemble sur un certain nombre de sujets comme la radicalisation.”

S’il n’y a pas de candidat en face, c’est qu’il a dû lourdement frapper à la porte d’Emmanuel Macron.

Franck Allisio (RN)

Si ce pacte de non-agression rend “la haie plus haute”, selon Franck Allisio, il offre aussi un angle d’attaque tout trouvé au Rassemblement national, dont le candidat a démarré sa carrière politique chez LR. “Je lui ai dit qu’il était soutenu par Emmanuel Macron. Faut assumer, dans ces conditions. Il y a un accord passé entre le président et les instances locales LR pour qu’il n’y ait pas de candidat En marche face à eux, ce sont des députés demi-macronistes et je trouve que demi-macroniste, c’est déjà trop”, raille Marine Le Pen. “S’il n’y a pas de candidat en face, c’est qu’il a dû lourdement frapper à la porte d’Emmanuel Macron”, renchérit Franck Allisio.

La visite de Marine Le Pen a suscité l’intérêt des clients du marché et attiré la presse. (Photo : JML)

Sur le marché mardi matin, Éric Diard se défend de tout soutien. “C’est leur seul argument. Je suis engagé LR, je suis de droite. Je ne suis pas macroniste, je ne rejoins pas Renaissance”, clarifie-t-il entre deux serrages de main. Les tracts de six pages qu’il distribue ne portent aucun logo distinctif et vantent son bilan sans aucune trace d’un positionnement sur l’échiquier politique. “Je n’ai qu’une seule priorité, celle de vous représenter au mieux sans aucun esprit partisan”, y affirme-t-il.

Allisio dépeint en “parachuté”

En retour, le sortant tance son opposant RN, “parachuté” depuis Marseille. Franck Allisio avance son “mandat régional” et la “maison familiale de Sausset” pour se justifier. “1-1, balle au centre”, s’amuse le maire de Marignane Éric Le Dissès. La candidate RN vient de faire un détour pour le saluer, il lui a souhaité “la bienvenue”. Le Dissès était le suppléant historique de Diard mais cette fois, c’est son adjointe qui s’y colle. Il clarifie : “Je soutiens Éric Diard qui est mon ami.” Mais il a un mot gentil pour Franck Allisio, “un candidat qui peut faire mal”.

Le député sortant avait coutume de dire que le maire de Marignane, qui s’est encore signalé ces jours-ci pour son arrêté anti-burkini, était son assurance anti-FN. “À l’élection présidentielle, ils font 70 % mais aux municipales, ils font 15 %, l’image qu’ils ont laissée ici est déplorable”, raille Éric Le Dissès, réélu au premier tour en 2020. En 1998, Daniel Simonpieri avait gagné la mairie avec l’étiquette FN avant de terminer quelques années plus tard par un transfert vers la droite locale, une défaite puis une inéligibilité décidée par la justice. Une histoire dont Franck Allisio, 41 ans, prend soin de se détacher : “J’avais 14 ans en 1995. C’est un passé qui a du positif et du négatif mais on n’est plus du tout là-dedans.” Il espère cette fois renouer l’histoire de son parti avec ce territoire qui compte aussi Vitrolles. Parmi les autres obstacles qu’il rencontrera, un candidat Reconquête, Jacques Clostermann dont son parti rappelle qu’il a “un palmarès”. En 2017, son score (4,7 %) avait largement contribué à faire perdre Jean-Lin Lacapelle.

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