À l’hôpital d’Aix, les petits arrangements d’un ancien cadre débusqués des années après
Un ancien responsable de la sécurité de l'hôpital aixois fait l'objet de forts soupçons. Pendant plusieurs années, il a officié au sein de l'établissement public tout en conservant des activités privées dans le même domaine. Un rapport de la chambre des comptes vient documenter ce potentiel conflit d'intérêts.
Le site d'Aix-en-Provence du Centre Hospitalier Intercommunal d'Aix en Provence Pertuis (CHIAP). (Photo : ML)
Quand la chambre régionale des comptes (CRC) débarque, personne n’est à l’abri en cas de contrôle. Pas même pas un responsable de la sécurité. Les magistrats financiers ont rendu public le 20 mars un rapport sur la gestion du centre hospitalier intercommunal d’Aix-Pertuis (Chiap). Ils y pointent notamment des “irrégularités majeures” autour de Gérald F., en poste de 2014 à 2018 au sein de l’hôpital public. Une situation passée inaperçue pendant de longues années, et que Marsactu a pu documenter de son côté.
Celui qui est d’abord un entrepreneur et se qualifie sur ses réseaux d'”expert en matière de sécurité incendie, sûreté et formation professionnelle”, a piloté les politiques de sécurité de l’établissement alors que des sociétés auxquelles il était étroitement lié travaillaient pour le compte de l’hôpital. “Une situation de conflits d’intérêts manifeste”, ne peut que constater le rapport. Selon les calculs réalisés par la chambre, les différentes entreprises avec lesquelles il était en lien ont perçu près de 9 millions d’euros par le Chiap entre 2014 à 2021.
Un cumul d’activités contraire à la déontologie
Les premières irrégularités apparaissent dès l’embauche par l’hôpital de Gérald F. en 2014. “Historiquement, quand je viens à l’hôpital, c’est pour quelques mois, ce n’était pas mon but de rester. Et tout le monde sait que je suis le patron de la société qui avait le marché, je ne l’ai jamais caché, argumente l’entrepreneur auprès de Marsactu. J’ai également clairement exprimé ma volonté de ne pas renoncer à mes activités extérieures.” Le Chiap décide, malgré ce cumul d’activités privées et publiques, de l’embaucher. “Au final, ils m’ont demandé de rester. J’ai signé 10 CDD”, confirme Gérald F.
Durant la même période, l’homme crée même une autre société. Face à l’ensemble de ces intérêts privés, la direction saisit toutefois sa commission de déontologie interne en novembre 2014. L’instance estime que le responsable de la sécurité peut poursuivre ses activités pendant un an maximum. L’hôpital renouvelle la dérogation l’année suivante puis se désintéresse de la question. Dans son rapport, la chambre pointe les lenteurs de la direction de l’hôpital aixoise pour faire appliquer la décision de la commission de déontologie.
Ce n’est qu’en 2018, avec l’arrivée d’une nouvelle équipe à la tête du Chiap, que les ressources humaines se saisissent de cette irrégularité et exigent de l’employé une mise en conformité. “La première chose que j’ai faite en arrivant, c’est de mettre fin à son contrat”, se félicite l’actuel directeur général de l’établissement de santé Nicolas Estienne. “Ils m’ont demandé de cesser toutes mes activités, j’ai refusé, donc je suis parti”, se remémore de son côté l’entrepreneur.
Durant le contrôle de la CRC, l’hôpital a finalement engagé une procédure à l’encontre de son ancien cadre. Le Chiap lui demande ainsi le reversement de l’ensemble des sommes qu’il a perçues dans le cadre de ses activités privées pendant qu’il travaillait pour le service public, une mesure habituelle en cas de cumul d’activités non autorisé. “Je n’ai absolument rien gagné pendant cette période avec mes sociétés“, jure Gérald F.
Une attribution de marché douteuse
Mais le conflit d’intérêts ne s’arrête pas là. Les magistrats financiers révèlent que Gérald F. a eu des intérêts dans d’autres sociétés privées qui ont, elles, directement travaillé avec le service sécurité de l’hôpital pendant sa période d’emploi. Ainsi, en 2015, une entreprise se voit notifier un marché public par l’établissement pour des agents de surveillance pour un montant de 400 000 euros annuels. Gérald F. avait été actionnaire par le passé de cette société. Ses associés en affaires et son fils y détiennent alors toujours des parts.
La même société obtient en 2016 un nouveau marché d’une durée d’un an, renouvelable trois fois. Selon les éléments recueillis par la chambre régionale des comptes, l’ex-responsable de la sécurité a été pleinement impliqué dans la procédure d’attribution de ce marché, car il était la personne chargée de donner des renseignements techniques et d’analyser les offres reçues. Dont celle de l’entreprise détenue par son fils et son associé en affaires, donc.
Une fois le marché attribué, l’employé de l’hôpital aurait également été chargé de valider la réalisation des prestations pour déclencher les paiements vers la société. “Ceci semble pour le moins problématique dès lors qu’il était en affaires avec les dirigeants de ces sociétés”, résument les magistrats. “Je n’étais pas signataire des marchés, répond l’entrepreneur. Mais on m’a demandé conseil et on m’a aussi consulté pour donner mon avis.” Auprès de Marsactu, il reconnaît aussi avoir travaillé à l’élaboration du cahier des charges.
“Ce n’est peut-être pas très déontologique. Mais si j’avais été une crapule, j’aurais continué”, réagit Gérald F. “Sur ce sujet, nous sommes victimes”, clame de son côté Nicolas Estienne, directeur général de l’hôpital. Dans ce dossier, Gérald F. se prépare désormais à répondre, le cas échéant, à la justice pénale.
Les finances en souffrance de l’hôpital aixoisDans son rapport sur la gestion du centre hospitalier, la chambre régionale des comptes (CRC) analyse également de manière plus détaillée la situation générale de l’hôpital. Les magistrats soulignent par exemple la situation financière dégradée, avec un déficit de 12 millions d’euros en 2017, soit environ un taux de 5 %, et l’absence de contrat de retour à l’équilibre financier. Un vaste projet immobilier a pourtant été lancé la même année, mais les bâtiments ne sont toujours pas livrés et les coûts de production ont explosé depuis son lancement. Nicolas Estienne, directeur général du Chiap, invoque en réponse les “contraintes de gestion quotidiennes d’un établissement de santé” et “un temps tout à fait particulier”, marqué notamment par la crise sanitaire du Covid-19. La direction affirme dans sa réponse écrite à la CRC que “toutes les actions ont été mises en œuvres et/ou réajustées dans la recherche d’un redressement financier”.
Commentaires
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Un véritable cas d’école ! Incroyable ! Si ce n’était pas un article de Marsactu je dirais même que c’est totalement irréaliste !
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C’est l’hôpital qui se moque de la cherté.
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Extraordinaire…..Tout vient à point à qui sait attendre. Ce dossier des marchés de la sécurité avait fait l’objet d’un signalement auprès de la Crc de la part du président de Sos corruption 13. Il y a au moins trois ou quatre ans……………
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Pour une fois Marsactu oublie d’avoir la dent dure dans ses sous-titres : le conflit d’intérêt manifeste aux yeux de la CRC devient “potentiel” dans le chapeau de l’article !
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