À l’entrée de l’A7, la tour Bel horizon cherche une alternative à sa démolition
La tour jumelle est à la porte de Marseille, à deux pas du centre-ville. Minée par les squats et le trafic de drogues, elle n'est toujours pas aux normes anti-incendie. Les pouvoirs publics qui pariaient sur une démolition inéluctable envisagent un sauvetage, sans pouvoir en dire plus.
À l’entrée de l’A7, la tour Bel horizon cherche une alternative à sa démolition
L'enjeu
La Ville de Marseille défend désormais la solution d'une intervention publique massive avec présence d'un bailleur social.
Le contexte
Ciblée comme priorité nationale, cette double copropriété de 19 étages n'est toujours pas fixée sur son avenir.
À l’entrée de Bel horizon 2, des déchets surnagent dans une grande flaque d’eau. À l’ombre du mur qui sépare cette entrée de celle de sa voisine, Bel horizon 1, un canapé attend les employés du point de deal. Dans le hall, l’eau goutte en permanence depuis le plafond. Personne n’est en capacité de dire de quel étage part la fuite. Sur les murs des inscriptions annoncent la qualité de la moula ou du teuch. Il y a quelques mois à peine, côté Bel horizon 1, une fresque faisait la promo du “coffee la tour” avec le menu des produits et le contact Snapchat. Un décor habituel dans les grands ensembles du Nord ou de l’Est de la ville.
Mais ici nous sommes à la porte de Marseille, à cinq minutes à pied de la gare Saint-Charles ou de la porte d’Aix, en bordure du périmètre d’Euroméditerranée, l’opération d’intérêt national qui depuis 25 ans remodèle cette partie de la ville. En fanal de cette opération, cette double tour de 19 étages, divisée en deux copropriétés distinctes, donne à voir l’urgence du mal-logement. Cette urgence hurle depuis vingt ans, suscitant grands plans et promesses de millions par centaines.
“Ce soir ta maison elle brûle”
Pour l’instant, c’est surtout le silence qui domine, bande-son habituelle du sentiment d’abandon. Une situation qui échauffe les nerfs déjà tendus de Pierre-Louis Albert, le président du conseil syndical. Depuis 15 jours, à chaque fois qu’il sort de chez lui, il doit faire face au message de menace et d’insulte, inscrit au marqueur sur sa porte. Il est signé J….0 et prévient : “ce soir ta maison elle brûle”.
En septembre, un autre membre du conseil syndical, s’est fait ouvrir le crâne par un membre du réseau qui en voulait à son portable. Les appels au commissariat de Félix-Pyat sont devenus récurrents depuis le premier confinement et l’installation pérenne d’un point de deal au bas de la tour. L’implantation du réseau est facilitée par la déliquescence avancée de Bel horizon 2, la copropriété plus petite qui a cru bon de peindre en blanc sa façade pour se distinguer de sa voisine. Elle est désormais sous administration judiciaire et comme nombre des copropriétés du même type, minée par les squats, les marchands de sommeil et les incivilités quotidiennes.
Ascenseur, tendance piste noire
Les deux bâtiments joints ont leurs destins irrémédiablement liés. Des coursives permettent de passer d’un bâtiment à l’autre en cas d’incendie et facilitent les va-et-vient. “Leur ascenseur est une vraie piste noire alors ils utilisent le nôtre, constate Pierre-Louis Albert. Résultat, à force d’être sur-utilisé, il est régulièrement en panne”. Les deux immeubles sont également tenus de respecter les règles de sécurité qu’impose un immeuble de grande hauteur (de plus de 50 mètres de haut).
Elles exigent notamment la présence d’un gardien 24 heures sur 24. Côté Bel horizon 1, le dernier est parti en maladie sans être remplacé. Mais les difficultés ne s’arrêtent pas là : du fait de sa conception, la façade de l’immeuble est susceptible de faciliter la propagation d’un incendie. Une lourde réhabilitation a été lancée, financée à 100 % par l’agence nationale de l’habitat (ANAH). “Mais depuis deux ans, le projet s’est enlisé dans un conflit technique sur la façon dont devaient être repris les soubassements de fenêtre”, regrette le président du conseil syndical. Entretemps, le syndic professionnel a jeté l’éponge, un nouveau est arrivé, avec la volonté d’avancer.
Le plus important est de redresser les comptes de la copropriété qui fait face à bon nombre d’impayés. Sans cela, la copropriété est à jeter aux loups.
Séverine Legrand, Foncia
“Nous sommes sur le point de nommer un mandataire sécurité pour les deux copropriétés, se félicite Séverine Legrand pour Foncia. Mais le plus important est de redresser les comptes de la copropriété qui fait face à bon nombre d’impayés. Nous le faisons avec pédagogie et accompagnement mais sans cela, la copropriété est à jeter aux loups.“
Les loups, tout le monde les connaît. Ils accompagnent la lente déréliction des copropriétés dégradées : marchands de sommeil, organisateurs de squat, trafics en tous genres et surendettement abyssal. En 2018, dans une étude commandée par Euroméditerranée, le cabinet Urbanis concluait que “rester propriétaire à Bel horizon appauvrit”. <br>Quatre ans plus tard, la maxime n’est toujours pas contredite.
Le spectre de la démolition
Sur l’une des coursives, une habitante du bâtiment 2 fume en admirant la vue à couper le souffle qu’offre la grande hauteur. “Ma mère vit ici et c’est comme un piège pour nous, formule la jeune femme entre deux lâchers de fumée. La seule solution, c’est de tout raser et de nous reloger”.
L’hypothèse n’a rien d’irréaliste. Au contraire, l’étude d’Urbanis recommandait cette solution radicale. Quatre ans plus tard, elle n’est plus vraiment d’actualité. “Sur l’avenir de la tour à moyen terme, nous n’avons aucune perspective”, constate Pierre-Louis Albert. Les habitants ont pourtant tenté de remuer ciel et terre. En mars 2021, un rendez-vous sollicité auprès du maire de secteur socialiste, Anthony Krehmeier, débouche sur la visite du maire de Marseille, accompagné de la préfète de police.
“Nous avons pu exposer nos problèmes de sécurité et évoquer l’avenir de la tour, explique le président du conseil syndical. Ils sont montés jusqu’au sommet pour admirer la vue. Mais depuis, nous avons plus ni son, ni image”. Les habitants mobilisés ont donc sollicité un nouveau rendez-vous auprès du maire, un an plus tard.
L’espoir d’un avenir en HLM
Celui-ci sera honoré par Patrick Amico, l’adjoint au logement, dans les prochains jours. “Pour l’instant, plus personne ne considère que la démolition est une solution satisfaisante, explique l’adjoint au logement de Benoît Payan. D’abord cela a un coût et pose d’importants problèmes de relogement alors que nous sommes dans une situation de pénurie”. Patrick Amico défend donc la solution vertueuse d’une intervention publique massive avec présence d’un bailleur social. “C’est la solution la plus souhaitable, reprend l’élu. Mais cela ne résout pas les problèmes de sécurité posés par les bâtiments de grande hauteur.“
Pour l’heure, les partenaires du plan Initiatives copropriétés – l’État, la métropole et la Ville – débattent d’un possible écrêtement du bâtiment, consistant à en grignoter les derniers étages, 6 environ. La Ville défend l’idée d’une dévitalisation de ces mêmes étages, condamnés mais pas détruits. Une solution qui présente des faiblesses techniques et juridiques pour les représentants de l’État, bien que le bailleur Unicil l’ait expérimenté à la Solidarité (15e).
En tout cas, Bel horizon figure toujours à l’agenda des discussions entre les partenaires du plan signé en 2018 qui donnait aux deux immeubles le rang de priorité nationale. La copropriété sera aussi évoquée lors du comité d’engagement de l’Agence nationale de rénovation urbaine, le 9 mars prochain, au titre du projet grand centre-ville et une étude urbaine devrait être commandée à Euroméditerranée pour réfléchir à sa meilleure intégration dans le quartier. En attendant l’issue de ces discussions, les habitants de Bel horizon peuvent se réjouir de la présence d’un voisin bien pratique : leur bâtiment surplombe la caserne des pompiers. Ultime espoir en cas d’incendie…
Commentaires
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En lisant l’article je pensais au film Les promesses…(I.Huppert, R.Kateb) qui pose bien tous ces enjeux autour des copropriétés dégradées.
Toujours les mêmes questions : pourquoi a-t-on laissé ces situations se mettre en place et se dégrader ?
Pourquoi n’y a-t-il toujours pas une action forte et réelle, contre les causes de la degradation et pour la sécurité des habitants, seulement des discours, des réunions, des promesses… et on laisse traîner ?
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Pourquoi ne pas la démolir?
Elle obstrue totalement la perspective sur Notre Dame et constitue une verrue architecturale à l’entrée même de Marseille.
Sans compter que cela va coûter aussi cher de la remettre aux normes.
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Bonjour, la démolition est toujours un scénario possible même s’il y a plusieurs obstacles, notamment techniques, liés à la présence de l’autoroute à l’aplomb du bâtiment. Il y a également un enjeu patrimonial : Dunoyer de Segonzac est un architecte respecté. De l’extérieur, c’est une tour assez banale. À l’intérieur, les appartements des étages sont traversants et plutôt bien foutus.
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c’est quoi une verrue architecturale ?
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Ah ben oui c’est sur , faut aussi démolir la tour La Marseillaise, “verrue architecturale qui bouche la vue sur le port” et pendant qu’on est l’amour CMA CGM, qui bouche la vue sur Notre Dame.
Et puis repousser 450 habitants vers le Nord?
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Pour visiter Bel Horizon et rencontrer quelques habitants (ou ex habitants), voici un webdoc produit il y a qq années sur la tour :
http://bel-horizon.net/
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Merci pour ce beau partage.
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formidable ! merci beaucoup, très beau documentaire. écoutons les habitants, effectivement.
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Cette tour est dangereuse pour ses habitants. Chaque instance doit assumer ses responsabilités : la ville doit prendre un arrêté d’insécurité, la préfecture de police faire évacuer et la métropole reloger. Le risque d’incendie est largement connu et documenté depuis plusieurs décennies, ces instances seront responsables en cas de sinistre.
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Marseille est une belle v ille où les services publics ne fonctionnnt pas, où la mairie, la préfecture, la police ont longtemps baissé les bras face à ce qu’on appelle pudiquement le ” particularisme marseillais”. et moins pudiquement le ” laxisme”.
Des amis barcelonais installés depuis et pour quelques mois à Marseille pour raisons professionnelles sont étonnés d’observer la ” non intervention” des institutions publiques face auX déréglements qu’ils observent en matière d’incivilités, de logements, de propreté, de nuisances sonores, de stationnement interdit, de protection des enfants mineurs ( mendicité au centre ville avec de jeunes enfants …). ” Ce ne serait pas possible à Barcelone, disent-ils, la ville est mieux gérée et encadrée, des associations dédiées interviendraient pour ne pas laisser des enfants de deux ou trois ans assis sur le trottoir dans le Mistral “.
Car en effet, comment ces tours ont été laissé ainsi à la merci des ” loups” trafiquants, marchands de sommeil, délinquant en tout genre ? Pour les mêmes raisons qui font que de jeunes enfants traînent sur les trottoirs dans un pays dit “républicains” : abandon des instances publiques … Les machines administratives tournent sur elles-mêmes, pratiquent l’autosatisfaction, s’épuisent en budget de fonctionnement, de salaires … mais pour quels objectifs et quels résultats.
Le problème est certes complexe, mais si rien n’est fait pour régler, si, même, les institutions font semblant de ne rien voir nous allons dans le mur. Un exemple de cet abandon est le cas de ce notaire qui depuis des années sévissait comme marchand de sommeil. Il a été enfin condamné, mais la peine est faible au regard du préjudice pour la société … et l’Etat, la Caf ne se sont même portés partie civiles contre lui, alors qu’il a détourné de l’argent public et percevant des prestation Caf pour des taudis. Quans l’efficacité cessera de se diluer dans une forme d’indifférence et de laisser-faire ?
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Une légère précision à apporter,les Catalans ont plus qu’une certaine unité d’éducation et de mentalité ce qui fait que Barcelone et la Catalogne n’ont strictement rien à voir avec Marseille qui n’est qu’un vaste foutoir.
Et malheureusement nous en voyons et subissons les conséquences.
Alors cet immeuble délabré, architectes connus ou pas, et qui n’est quand même pas la chapelle Sixtine, faut raser.
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Tout à fait Didier L : les propriétaires qui ont achetés entre 25 et 30 000 euro et qui se goinfrent 5000 euro par an mais qui ne peuvent pas payer les charges ??? De qui se moque-t-on ?
Marseille crève de ces pratiques.
On ne rase pas au prétexte que les pauvres n’ont pas d’autre choix que d’habiter dans une zone insalubre, le nez et les oreilles sur l’autoroute (mais avec une belle vue sur la mer, hein ?) , leur gamin n’ont d’autre choix que le collège Versailles qui n’a de Versailles que le nom et qui fait régulièrement, lui aussi, le bonheur des gazettes. Ces croquants ont quand même bien de la chance d’habiter une tour construit par un architecte de renom.
Mais qu’a fait le député de secteur, un dénommé Mélenchon, pour que des lois soient votées afin d’empêcher un tel scandale ? Ah ben, il n’est jamais dans le quartier, alors il n’a peut-être rien vu ni entendu ?
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Pascal L, Melanchon est bien venu,mais c’était l’homme invisible et vous ne l’avez donc point aperçu.
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L’écrêtement est une solution qui marche très bien : elle a été utilisée pour la tour de Fontvert par Logirem il y a une trentaine d’années. En 2017, Marseille Habitat était prêt à s’impliquer, mais n’a pas eu le feu vert de sa gouvernance. C’est ainsi que se prépare tranquillement depuis des années un 2e Noailles avec l’indifférende de l’Abf, d’Euromèditerranée, du service sécurité de la Ville de Marseille, des marins pompiers, des services de l’Etat..
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il faut la détruire !!!
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Bonsoir je ne pense pas que les marins pompiers restent indifférents à cette situation. d’insécurité. C’est leur faire injure. Eux qui sont en première ligne pour tous les pb de sécurité incendie. Ils ont certainement émis des avis depuis longtemps auprès des autorités en soulignant les risques. Mais ils n’ont pas le pouvoir de décision.
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Bonjour, à l’époque de la décision de construire cette tour, j’étais très jeune urbaniste dans la petite agence d’urbanisme exclusivement municipal, rattachée aux services techniques de Georges Lacroix, situé au Pharo, sous la houlette d’André Pierre Hardy, architecte en chef.
Il avait fait faire une maquette de l’entrée de l’autoroute avec en point de mire ND de la Garde ( elle doit encore exister), et il avait mis au point un espèce de périscope à l’envers qui permettait de placer son œil sur l’autoroute pour visualiser si ce bâtiment maquetté obstruait ou non la vue sue la Bonne Mère ! Je me souviens de Gaston Defferre visant la chose dans le périscope un peu trompeur !
Il avait finalement décidé d’accorder le permis à ce gentleman architecte qu’était Dunoyer de Ségonzac, auteur de cette cagade sans intérêt autre que financier.
Je serais plus tard la cheville ouvrière des nouvelles plages du Prado.
André Bigo.
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