À la métropole, les agents chargés de contrôler les déchets des commerçants sont à bout

Actualité
le 5 Juin 2024
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Six des huit agents métropolitains chargés de suivre et contrôler les déchets des commerces sont en grève depuis lundi. Ils dénoncent des objectifs inatteignables et un manque de moyens. Ces derniers mois, leurs échanges avec la métropole n'ont pas permis d'amélioration.

Soutenus par la CGT, les agents de terrain censés collecter la redevance, expriment leur mal-être. (Photo : OB)
Soutenus par la CGT, les agents de terrain censés collecter la redevance, expriment leur mal-être. (Photo : OB)

Soutenus par la CGT, les agents de terrain censés collecter la redevance, expriment leur mal-être. (Photo : OB)

“On nous a appris à ramener de l’argent et à faire un travail qui nous mettait en danger. Mais à côté de ça, il n’y a jamais eu de structure mise en place pour nous protéger.” Yassine est conseiller en gestion des déchets au sein de la métropole Aix-Marseille-Provence. En tant qu’agent de terrain, son rôle consiste à suivre les professionnels pour tout ce qui touche à la “redevance spéciale”, une taxe dont doivent s’acquitter les entreprises qui dépassent les 70 litres de déchets par jour.

Sur le terrain, Yassine doit contrôler la situation de chacun et déterminer le forfait correspondant au volume de déchets du professionnel. Depuis 2024, cette taxe, qui peut aller de 786 € à 33 393 € par an, vient s’ajouter à la taxe d’enlèvement des ordures ménagères. Les entreprises qui effectuent un tri en amont voient la note réduire légèrement. Un impôt fructueux qui fait de ce service l’un des plus lucratifs pour la métropole, avec 17 millions d’euros récoltés en 2023.

Un travail de terrain propice aux tensions

Mais aujourd’hui, Yassine et ses collègues se sentent débordés, pour de multiples raisons. Depuis lundi 3 juin, ils sont en grève, soutenus par la CGT. Ils tenaient mardi une conférence de presse au sujet de leurs revendications. Parmi elles, la question de leurs effectifs, largement sous-dotés. Si leur service compte 40 agents, seuls 8 sont affectés aux contrôles de terrain, dont six sont en grève. Un effectif inadapté pour suivre les dizaines de milliers d’entreprises réparties sur les 92 communes du territoire, qu’ils doivent couvrir en intégralité depuis 2023. Chacun des agents a plusieurs localités qui lui sont attribuées. “J’ai le 13ᵉ, le 14ᵉ, le 15ᵉ, le 16ᵉ et maintenant, j’ai aussi Vitrolles et Marignane”, précise Yassine. Les agents demandent donc un “recalibrage” de leurs objectifs et l’établissement de réelles fiches de poste, que la métropole ne leur a pas fournies malgré de nombreuses demandes.

À cela, s’ajoutent des problèmes logistiques dans leur travail au quotidien. Bruno est chargé de l’hyper-centre dans les 5ᵉ et 6ᵉ arrondissements de Marseille. “Vous connaissez le 5 et 6ᵉ arrondissements ? Je n’ai aucune possibilité de stationner. C’est-à-dire que l’on ne me donne aucun moyen de paiement pour payer mes stationnements, donc je prends des amendes avec mon véhicule. Et je dois payer mes propres amendes”, concède-t-il, dépité.

Les amendes, en théorie, c’est plutôt à eux de les attribuer. Plusieurs conseillers possèdent la casquette d’agent assermenté qui leur permet de verbaliser les professionnels dont les déchets sont mal gérés. “On peut verbaliser sur trois articles : le dépassement des déchets, le dépôt hors des emplacements autorisés et le dépôt de liquides insalubres”, précise Jacques, qui occupe le même poste que Yassine. Une mission compliquée à réaliser au vu du manque de moyens alloués, dénoncent-ils. Sans parler des tensions qui peuvent survenir lors des interventions, où ils sont seuls face aux entreprises. Avec, dans certains cas, des menaces, voire des agressions physiques. “Vous pensez bien que lorsque l’on voit des professionnels pour leur dire qu’ils doivent payer, on se fait agresser. Moi, j’ai perdu une dent”, témoigne Laurent, conseiller en gestion des déchets.

Les agents doivent aussi répondre des problèmes récurrents de la collecte, dont ils ne sont pas responsables directement. “C’est pas possible d’avoir 3-4 conteneurs pour tout un pâté de maisons où il y a 5 000 riverains avec des commerces au milieu”, glisse par exemple un commerçant soumis à la redevance, interrogé par Marsactu. Ce gérant de bar, agacé, indique avoir déjà été verbalisé pour avoir déposé un sac-poubelle sur un conteneur déjà plein.

Pour Véronique Dolot, coordinatrice de la CGT à la métropole pour la collecte et la propreté, la métropole “envoie les agents au front”, sans protection ni outils adaptés. Ils demandent ainsi, depuis des mois, une protection juridique, la reconnaissance du cadre de leur métier et de la pénibilité subie.

“Ils demandent des choses irréalisables”

Interrogée, la métropole relativise l’ampleur du mouvement de grève. “Nous avons répondu à 7 des 8 personnes qui avaient des revendications”, assure Roland Mouren, vice-président de la métropole délégué à la propreté et aux déchets. Pour apaiser les tensions, l’élu indique que la proposition a été faite à la CGT de mettre en place “une prime d’intervention de l’ordre de 50 € par mois”. Une mesure assez éloignée des revendications des agents, qui réclament de la clarté sur leur statut et de bonnes conditions pour mener leur mission.

“Il y a une grève. On a répondu. C’est un peu compliqué parce qu’ils demandent des choses irréalisables, prolonge Roland Mouren. Ce sont des problèmes de ressources humaines. Ils veulent être agents de maîtrise, mais ils ne font pas de management. Il y a des élus qui ont fini au tribunal pour avoir distribué des postes qui n’en étaient pas”. Le syndicat CGT annonce en tout cas que la grève durera tant que leurs propositions ne seront pas étudiées. Un désagrément pas tout à fait anodin pour les caisses de la métropole, qui compte sur ce service pour faire rentrer plus de 23 millions d’euros dans ses caisses en 2024.

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Commentaires

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  1. Patafanari Patafanari

    “Si leur service compte 40 agents, seuls 8 sont affectés aux contrôles de terrain”.
    Le ratio de l’administration française est respecté.
    Bientôt les agents de terrain seront remplacés par des drones vérificateurs assermentés.

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    • RML RML

      Vu les conditions de travail, j’ai envie de dire : qu’ils passent agents de maîtrise et picotent les drones depuis leur bureau.

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  2. MarsKaa MarsKaa

    L’article met en avant un problème évident d’organisation du service :
    8 personnes chargées d’effectuer, seules, le contrôle de secteurs aussi denses en restos, boulangeries et fastfood que le 5e ET 6e arrdts ! Ou les quartiers nord + Marignane ET vitrolles !
    Et qui sont seul face aux recalcitrants …
    C’est tout bonnement impensable. Pour le moindre contrôle de police, de transport, d’entrée dans un lieu payant… c’est organisé autrement.
    Comment ce service peut-il être efficace ?
    Ils devraient travailler en équipe.

    Sur la fin, entre les paroles des agents,du syndicat et de leur responsable R. Mouren, on a l’impression qu’il y a d’autres revendications, qui s’éloignent du pb central soulevé.
    [” Vous connaissez le 5 et 6ᵉ arrondissements ? Je n’ai aucune possibilité de stationner”… comment dire ?… c’est pas la metropole qui organise les transports en commun, avec des parking relais gratuit ??]

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  3. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    Je comprends mieux pourquoi, dans ma rue, un restaurant fast food peut se permettre de n’avoir aucune poubelle et de remplir celles des immeubles voisins, évidemment sans l’ombre d’un tri préalable de ses déchets : avec un tel effectif du service chargé de le contrôler, il a plusieurs années de tranquillité devant lui avant de devoir payer sa redevance et se mettre en règle…

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  4. Noel13 Noel13

    C est sur qu ils doivent être bien accueilli ces agents! Affronter des commerçants en colère à cause de cette redevance et y aller seul c est limite de la mise en danger de la part de la métropole.Quand au stationnement dans le centre ville si les pauvres doivent prendre le bus pour se déplacer la c est sur qu’ils n ont pas fini

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    • MarsKaa MarsKaa

      Le centre-ville est desservi par le metro 2 lignes et les tram, dans le 5e et le 6e tout peut de faire à pieds, et je vous garantie que c’est bcp plus rapide qu’en voiture !

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    • RML RML

      @marskaa vous êtes drôle vous!

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    • Mistral Mistral

      Je suis d’accord avec MarsKaa dans le 5e et le 6e ils iront plus vite à pied ou à vélo !

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  5. Jeanne 13 Jeanne 13

    Toujours le même problème dans cette ville les élus prennent des décisions comme celle de la verbalisation des déchets enfin !
    Sauf que les dotations de containers sont sous évalués et que certains commerces minuscules n ont pas d espace pour ranger leurs propres containers
    Et comment le DGS et les directeurs de ce service pensaient qu en dédiant 8 agents pour le contrôle sur toute la métropole ça allait fonctionner
    Le problème des contrôles de terrain c est aussi vrai pour la ville
    Les effets d annonces ne seront jamais concrétisés sans les recrutements nécessaires….

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    • RML RML

      Mais Martine Vassal ne pense pas que ça va fonctionner. Surtout pas. Il faut pas qu’elle perde son electorat de petits commerçants. Donc très peu de répressif. Juste ce qu’il faut pour remplir la caisse en envoyant quelques agents sur des contrôles cibles.
      Ca s’appelle une politique publique…

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  6. Alceste. Alceste.

    Je suis mort de rire à la lecture de cet article.
    A mettre sur le site de l’office du tourisme marseillais, avec la mention ” bienvenue à Marseille ” tout y est.
    La saleté, je m’enfoutisme des commerçants, les combines pour évacuer les déchets chez les voisins,les politiques hors sols, les effectifs, la grève, les revendications syndicales habituelles dont la penibilite et je remets une couche , le vocabulaire guerrier avec les agents vont au front,et le père Mouren qui est complètement s’attellisé.Sans oublier que pour les Marseillais le travail est pénible.
    La conclusion de l’article. Tout cela pour plumer le contribuable à hauteur de 23 millions sans que cette ville soit propre.
    C’est Marseille bébé,

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    • Richard Mouren Richard Mouren

      cher Alceste, vous faites de nouveau un amalgame entre l’article et vos propres préoccupations. Je ne vois là aucune “revendication syndicale habituelle dont la pénibilité” ni vocabulaire guerrier, ni travail pénible pour les Marseillais en général. Ce sont des lampistes envoyés seuls au casse-pipe (dans une zone de responsabilité ahurissante) par un représentant de la Métropole complètement méprisant. Ce monsieur Mouren se borne à ne mentionner que la revendication salariale (en s’en moquant, d’ailleurs) sans jeter même un coup d’œil sur le problème d’organisation. Je suis plutôt admiratif envers ces 6 personnes qui se dressent en face de l’administration de la métropole. Par contre, les responsables du service n’ont pas dû trop se mouiller……

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  7. Oreo Oreo

    La posture et l’idéologie des élus de la Métropole est de détester et mépriser le fonctionnaires. C’est très sensible dans le ton des propos de M Mouren qui parle des ces équipes comme de gueux qu’il est indigne d’écouter et qu’il faut ignorer. Bien entendu le haut encadradement leur emboîté le pas. Cela donne une structure maltraitante et inneficace.

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  8. Karo Karo

    Les commerçants peuvent faire appel à un prestataire privé si ils ne veulent pas payer la redevance spéciale qui pour le moment est définie au doigt mouillé et souvent à l’avantage des commerçants et non sur la réalité de la production de déchets. Si un vrai travail de définition des déchets des commerçants étaient fait il n y aurait plus rien dans les poubelles des particuliers.
    Une expérimentation est en cours avec certains commerçants du cours Julien.

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  9. Forza Forza

    Je croyais que c’était 8 pour tout Marseille, ce qui n’était déjà pas lourd… mais c’est 8 pour la Métropole… Autant dire que l’objectif n’est pas de gérer le problème en exerçant ses compétences métropolitaines mais de faire semblant, avec juste ce qu’il faut de “marge” pour que ça reste juteux. Au détriment des particuliers et des agents concernés, et à l’avantage des commerçants #menfouti dont les tonnes de déchets font progressivement augmenter la TEOM de tout le monde (sans même parler de la gueule de nos trottoirs à toute heure du jour et de la nuit).

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  10. Mistral Mistral

    8 personnes pour toute la métropole, compte tenu du nombre de professionnels qui ne respectent pas la règle c’est vraiment le signe que la Métropole ne veut pas gérer le problème, il faudrait qu’ils soient 10 fois plus nombreux.
    Combien de restaurateurs du vieux port ont un conteneur dédié à leur activité ? et combien déposent leurs déchets dans les conteneurs destinés aux habitants ?

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    • Alceste. Alceste.

      Mistral, votre déduction ou décompte est audible. Ce qui m’interpelle c’est qu’à part le service du protocole de MPM rien ne fonctionne dans cette institution.
      Alors plusieurs hypothèses. A) les zélus sont nuls B) l’organisation est déficiente C) les fonctionnaires ne travaillent pas assez D) les fonctionnaires ne sont pas assez nombreux, mais c’est déjà l’armée mexicaine, alors si vous inflattez par 10 imaginez ( le raisonnement peut tenir pour la mairie,aussi )E) les marseillais se
      foutent de tout et les sanctions ne sont pas appliquées.
      Compliqué

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    • Richard Mouren Richard Mouren

      Ce que je vois, c’est un service public hyper rentable: il est prévu pour récupérer 575.000 euros par agent par an (23M/40). Ça laisse un peu de marge pour étoffer les contrôleurs, non?

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