À La Marseillaise, un plan social aux airs de saignée syndicale
Soldé pendant ce mois d'avril, le plan social devrait mettre un terme aux tensions qui s'étaient cristallisées ces dernières semaines au sein du journal. Très critiques vis-à-vis de la direction et porteurs d'un projet de reprise, des représentants du personnel SNJ-CGT sont poussés dehors. Pour la cinquantaine de salariés restant, l'avenir est encore suspendu à un feu vert du tribunal de commerce sur le plan de redressement.
À La Marseillaise, un plan social aux airs de saignée syndicale
Une nouvelle page se tourne à La Marseillaise. Début avril, 36 salariés ont reçu leur lettre de licenciement. Ils seront effectifs à la fin du mois, à l’issue de la période légale en cas de plan social. En redressement judiciaire depuis novembre 2016, le journal vit là une troisième réduction massive d’effectifs en trois ans.
Le 19 avril, en ce jour de grève interprofessionnelle, seule une demi-douzaine de journalistes a répondu à l’appel du syndicat SNJ-CGT à se rassembler devant le siège, cours d’Estienne d’Orves. “Irresponsabilité économique”, “irresponsabilité politique”, “irresponsabilité sociale” : le triptyque de l’appel à la grève est rude envers une direction accusée d’avoir “confondu les objectifs politiques avec la gestion d’une entreprise de presse”. Cette remise en cause ouverte du parti communiste, doublée d’une volonté affichée de bâtir un projet de reprise en coopérative, a tendu les relations au sein d’une équipe déjà usée par les plans sociaux successifs. “Fossoyeurs”, “faux nez de Mélenchon” : les qualificatifs n’ont pas manqué pour disqualifier les porteurs de ce projet nommé “La Marseillaise en commun”.
“Le SNJ-CGT, c’est le seul qui porte l’habit de deuil. C’est pour cela que l’on fait ce mouvement de grève, pour appeler les copains à la solidarité. Ils sont où ceux qui agitent des banderoles devant la préfecture ?”, lance Jean-Marie Dinh, délégué syndical. Une référence à la manifestation organisée en février à l’appel de la nouvelle section CGT des personnels, créée avec le soutien de l’union départementale en réaction aux positions du SNJ-CGT.
Secrétaire de cette section, Émilie Parente ne peut nier le caractère minimaliste des conditions du plan social, que le SNJ-CGT a refusé de signer. “Comme on n’est pas une entreprise qui licencie pour faire des bénéfices, il n’y a pas d’indemnités supra-légales”, concède-t-elle. Mais elle souligne que plusieurs améliorations ont été obtenues, notamment le maintien de trois postes et une enveloppe un peu rehaussée pour l’accompagnement à la recherche d’emploi. Reste une inquiétude, partagée, “pour ceux qui ont entre 40 et 55 ans et ont toujours travaillé à La Marseillaise. Beaucoup de collègues pensent à une reconversion.”
Des représentants du personnel sous pression
En janvier, un incident avait déjà fait monter le ton en interne. Interrogé dans le cadre de la page quotidienne “La Marseillaise vivra”, le député Modem Mohamed Laqhila livrait une position toute macronienne sur la nécessite de trouver un modèle économique hors des subventions publiques, ponctuée par cette phrase, reprise comme titre : “J’espère un repreneur”. Le lendemain de la parution, l’auteure de l’article, par ailleurs syndicaliste SNJ-CGT, est prise à partie en conférence de rédaction. Puis s’enclenche une procédure disciplinaire qui finira par un blâme, étendu à l’ensemble de la chaîne de relecture, jusqu’au rédacteur en chef, “pour tenter de rendre crédible ce que le SNJ-CGT dénonçait d’emblée comme une véritable chasse aux sorcières”, estime un communiqué du syndicat.
Finalement retirée, cette sanction illustre cependant les “pressions très fortes” subies par les représentants du personnel, commente Nathalie Fredon, secrétaire du comité d’entreprise. Une situation à laquelle le plan social va, de fait, mettre fin. Sur les dix encartés SNJ-CGT restants après la scission de février, huit sont licenciés. Dont trois des cinq représentants du personnel que comptait le syndicat. “La section va disparaître, constate Nathalie Fredon. On n’a pas de sentiment d’échec, on est fiers des combats qu’on a portés, on a œuvré pour les droits des salariés. Maintenant une page se tourne.”
Elle s’interdit d’accuser la direction d’avoir ciblé certains salariés, ce qui serait illégal. Mais Jean-Marie Dinh évoque une impression plus générale de “cousu main” dans l’élaboration de ce plan. “Cela correspond au volume de licenciements”, répond Alain Hayot, président de la société éditrice, qui se défend de tout ciblage : “Tout a été fait dans le respect des règles, chapeauté par deux administrateurs judiciaires.” Trois élus affiliés au Filpac-CGT sont d’ailleurs inclus dans le plan social.
Crucial mois de mai
Quoi qu’il en soit, l’élection de renouvellement des représentants du personnel post plan social devrait confirmer l’émergence de la nouvelle section CGT des personnels. Mais avant cela, La Marseillaise devra encore passer la barre de l’ultime audience au tribunal de commerce prévue le 9 mai. La direction, qui avait obtenu de multiples reports, devra alors convaincre de la viabilité de son projet. “Le plan de redressement est entre les mains du tribunal depuis une semaine”, annonce Alain Hayot.
Prévues dans ce document, l’arrivée d’un directeur du développement et d’un directeur administratif et financier ont été anticipées. Quant à la nouvelle formule, avec l’apparition d’hebdomadaires départementaux (lire notre article), elle devrait être lancée “dans la deuxième quinzaine de mai”. “La Marseillaise continuera à vivre”, veut croire Alain Hayot.
Correction le 26 avril : contrairement à ce que nous écrivions, l’intégralité des représentants du personnel SNJ-CGT ne sont pas licenciés, mais trois sur cinq, aux côtés de trois élus Filpac-CGT.
Commentaires
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Les dirigeants coupent la brindille sur laquelle ils étaient en équilibre, bye bye la Marseillaise !
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Article très bien fait : les journalistes sont en voie d’extinction, comme les vieux lions et les rhinocéros…. En tous cas, merci à Marsactu d’être là… Et j’espère que vous serez là encore pour longtemps !!!
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