A Fos, le futur terminal méthanier doit composer avec les petites bêtes
A Fos, le futur terminal méthanier doit composer avec les petites bêtes
"Adapter le calendrier des travaux à la phénologie des oiseaux", "procéder à un abattage doux" d'arbres pour les chiroptères, détourner le tracé d'une canalisation pour qu'elle n'endommage pas des foyers de myosotis nain. Pour le futur terminal méthanier Fos Faster, qui sera situé au coeur des bassins ouest, les travaux devront composer avec les espèces protégées présentes sur le site.
D'abord imaginés sur un terre-plein artificiel, c'est finalement sur le site portuaire du Caban sud, non loin de l'incinérateur, que les quatre réservoirs destinés à recevoir du gaz naturel liquéfié (GNL) seront construits. S'y ajouteront deux jetées destinées à accueillir les navires et de longues canalisations. Fos Faster, porté par une société éponyme détenue par Vopak et Shell, devrait être d'ici 2020 le cinquième terminal de GNL construit en France. Il rejoint celui du Cavaou mis en service en 2010.
Cette zone du port est à l'origine artificielle, issue d'un remblai réalisé il y a plusieurs décennies. Elle est paradoxalement caractérisée par une grande richesse écologique, de nombreuses espèces menacées y ayant trouvé refuge. Pour l'heure, vu d'avion, on a du mal à se croire – du moins sur cette partie – dans un port industriel :
Les points rouges signalent la présence de flore protégée.
46 espèces protégées concernées
Suite au débat public de 2010 et à une première expertise environnementale, Fos Faster a déjà modifé ses plans pour minimiser l'impact. Elle a tout de même déposé en décembre une demande de "dérogation aux interdictions de destruction d'espèces animales et végétales protégées" auprès de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal). Fos Faster et le port ne peuvent mener à bien le projet de terminal tel qu'il est conçu actuellement que s'ils sont autorisés par le préfet à porter atteinte à 15 espèces végétales et 31 espèces animales. Côté flore, parmi les cas jugés critiques se trouvent la saladelle, du liseron rayé (et non duveteux comme celui de l'incinérateur et de l'affaire Guérini), le myosotis nain ou la plante marine zostère. Si flamant rose et lézard ocellé sont évoqués, c'est le sort du crapaud calamite qui préoccupe le plus les experts. L'étude d'impact cite le golfe de Fos comme un foyer majeur de l'espèce dans la région.
Cette procédure de demande de dérogation n'a rien d'exceptionnel sur les bassins Ouest. En 2008, Ikea avait y eu recours pour l'implantation de son grand pôle logistique au sein du port. Ailleurs, le projet d'aéroport de Notre-Dame des Landes a également eu recours à la même démarche afin de pouvoir enfreindre la protection des espèces en toute légalité. Le processus est le suivant : dans un premier temps, il revient aux opérateurs de prouver l'intérêt public du projet et l'absence d'alternative géographique. Ensuite, en fonction d'études d'impact sur la faune et la flore, les plans sont adaptés afin de réduire les effets les plus importants. Pour ce que l'on nomme les "impacts résiduels" – comprendre inévitables – des mesures compensatoires sont proposées. La première mesure est foncière : à partir de savants calculs, les demandeurs proposent d'acquérir un certain nombre d'hectares sur un autre site naturel. Ces "surfaces à acquérir" selon les termes de la Dreal doivent offrir aux espèces menacées l'habitat qu'elles perdent avec le projet. Pour le terminal Fos Faster, la société éponyme, le port et GRTGaz proposent d'acheter 123 hectares aux Salins-de-Giraud qui seront ensuite transmis au Conservatoire du littoral.
Un chiffrage à 2,7 millions d'euros
Cette proposition est loin de satisfaire les associations écologiques comme Nacicca qui s'intéresse de près à la protection de la Crau, des Alpilles et de la Camargue. "Les hectares proposés n'ont rien à voir avec ceux qui vont être détruits, s'insurge Jean-Baptiste Mouronval, membre de l'association ainsi que de France Nature Environnement. Les lagunes des Salins ne peuvent en aucun cas selon lui "remplacer" les milieux terrestres du Caban. Il a siégé en janvier au conseil national de protection de la nature qui rend un avis consultatif dans ce genre de procédure. "Le conseil a hésité entre avis négatif et positif avec conditions, explique-t-il. Mais pour moi il y a un très gros problème de compensation pour la flore, et il n'y en a aucune pour la faune". Le conseil a finalement opté pour un avis favorable avec conditions. La version régionale de cet organisme a émis un avis plus tranché : "En l'état actuel du dossier, des observations importantes sont à formuler sur la proposition de compensation écologique qui semble globalement insuffisante, partielle et imprécise. Il est donc difficile de se prononcer sur la validité écologique des propositions."
Côté Fos Faster, on considère que l'offre est honnête : "Nous avons fait une proposition très raisonnable, explique son directeur Philippe Cracowski, précisant que le dossier étant en cours d'examen.
Ce n'est pas la nature de l'industrie qui impose une telle procédure mais l'endroit (…) Il y a très peu de lieux où l'on peut construire un terminal méthanier en France.
Mais plus que les hectares en dehors du port, ce sont ceux en son sein qui intéressent les défenseurs de l'environnement. "Le GPMM a des réserves foncières considérables dont certaines sont cruciales pour la biodiversité. Nacicca a demandé au port de faire de la compensation sur ses propres terrains", argumente Jean-Baptiste Mouronval.
Photo Benoît Gilles
En plus des compensations foncières, GRTGaz, le port et Fos Faster proposent de financer diverses opérations en faveur des espèces concernées : projet de recherche sur le myosotis nain, transplantation d'herbiers de Phanérogames et même construction de petites piscines pour amphibiens. L'ardoise proposée s'élève à 2,7 millions d'euros, assumés par Fos Faster LNG, le port et GRTGaz dans une moindre mesure. L'acquisition de terrains en représente une grosse moitié. "On ne s'attendait pas à une telle enveloppe, admet Philippe Cracowski de Fos Faster. C'est sûr que ça fait partie de l'économie du projet. Si le port n'avait pas été maître d'ouvrage, nous aurions eu à assumer l'intégralité de la somme. On en vient à se demander si c'est aux industriels de régler tout ça". Rappelons tout de même que le projet Fos Faster représente un investissement de 800 millions d'euros.
Le dossier doit encore être examiné par le préfet qui prendra un arrêté pour autoriser la dérogation. Sauf surprise, il devrait approuver cette demande. Dans le port de Fos, de telles procédures devraient se multiplier au gré des projets industriels dans les années à venir. Non loin du futur terminal méthanier, la question de la liaison fluviale entre les bassins de Fos et le Rhône préoccupe les écologistes qui se battent pour qu'elle ne traverse pas arbitrairement le nord du Caban. Il se peut donc que les crapauds et petites fleurs de Fos refassent parler encore d'eux sous peu.
Commentaires
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La suite de la phrase a sauté à la fin du paragraphe sur les 46 espèces protégées : « L’étude d’impact cite le golfe de Fos comme l’un »
En principe le crapaud calamite a de beaux yeux : « L’iris est jaune vif, plus ou moins verdâtre, parfois grisâtre, veiné de brun, de vert ou de noir » : http://fr.wikipedia.org/wiki/Crapaud_calamite
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Difficile parfois de suivre cet article par ailleurs intéressant. Il manque la fin d’une phrase relative au crapaud calamite (“L’étude d’impact cite le golfe de Fos comme l’un…” ?). En outre, quelle est la nature exacte de l’opération envisagée de “transplantation d’herbiers de Phanérogames” ? Tous les végétaux à organes reproducteurs apparents (fleurs par exemple) sont des phanérogames : s’agit-il ici de posidonies ?
Et pourquoi, en regardant la belle photo de Pélobate cultripède au début de l’article, ai-je l’impression de voir l’affiche de campagne de Gaudin 2014 ?..
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Visiblement les grenouilles s adaptent plus à leur environnement que ce que les écologistes imaginent puisqu’elles ont prosperé dans un environnement plus qu’industrialisé… La biodiversité se réadaptera à la construction de ce nouveau terminal… La nature reprend toujours ses droits… J’aime bien cette idée de cohabitation… Et puis il vaut mieux concentrer les sites que les éparpiller sur tout le littoral non?
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Encore un batracien rare, c’est ce samedi 15 mars : http://www.waaw.fr/#!evenement/badam-2014
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Ce Crapaud est sympathique mais est-il si rare ? CF Wikipedia Distribution[modifier | modifier le code]
Cette espèce se rencontre en Estonie, en Lettonie, en Lituanie, en Biélorussie, dans le Nord-Ouest de l’Ukraine, en Russie dans l’oblast de Kaliningrad, en Pologne, en Slovaquie, en République tchèque, en Allemagne, au Danemark, dans le Sud de la Suède, dans le Nord de l’Autriche, en Suisse, aux Pays-Bas, au Luxembourg, en Belgique, en France, en Espagne et au Portugal, et en points dispersés sur la côte en Irlande et en Grande-Bretagne1,3. Elle est présente jusqu’à 2 540 m d’altitude.
Il est partout présent en France, jusque dans l’agglomération de Paris. Mais il n’est abondant que dans le sud et dans quelques secteurs de la frange maritime occidentale où il possède une distribution continue et homogène2. Un noyau important se trouve dans la région de la Brenne. Il est en déclin en Champagne-Ardenne, en Franche-Comté ou en Savoie.
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Malgré les pollutions, avérées ou supposées, tout un écosystème s’est installé. Le crapaud de la photo n’est pas très beau, on le dirait tout droit sorti d’une flaque de mazout. Dans Google images il y en a de plus jolis : http://photosinsectes.free.fr/batraciens/calamite.html
2 869 habitants en 1968 avant le « séisme » de Fos, puis 15 453 en 2009, les pollutions ne semblent pas avoir dissuadé les humains de s’installer dans ces confins du département et de s’y reproduire. Y a-t-il des études de l’impact des pollutions sur la population ?
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Au delà de la pertinence de la protection de la nature il n’ est non moins pertinent de se poser la question de l’ utilité de ce nouveau terminal gazier.Actuellement le terminal gdf du cavaou rencontre de très grande difficulté en terme d approvisionnement de par la situation mondiale du marché du gaz .En effet le marché spot de vente de lot gazier tant à privilégier l’ extreme orient plus rentable pour les exportateurs.Gdf a dans les cartons une étude prévoyant le doublement des capacités du terminal du cavaou doublement qui serait d un cout peu onéreux eu égard à la réserve foncière et aux canalisations dejà existantes .Une sorte de joint venture avec shell et vopak permétraient des économies d’ échelles importantes et préserverait les sites existants
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En tout état de cause il n’y a pas que le crapaud calamite mais plusieurs dizaines d’espèces protégées ou non car la nature ordinaire et les gens qui vivent dans le coin ont le droit à la paix et à l’arrêt de l’urbanisation et l’industrialisation déchainée !!! M***e à la fin !!!
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