À Aubagne, l’aménageur de la zone abandonnée des Gargues met la pression sur la métropole

Interview
le 26 Juin 2018
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Après la première victoire, l'offensive. La société aubagnaise pour l'aménagement des Gargues (SAPAG) a obtenu de la justice le rétablissement de la constructibilité des terrains dont la métropole lui a confié l'aménagement. Patron de la SAPAG, Paul des Longchamps met la pression sur la métropole et l'invite à "prendre position" dans ce conflit à 289 millions d'euros.

La zone de la Martelle, avec Auchan comme navire amiral, en contrebas des Gargues.
La zone de la Martelle, avec Auchan comme navire amiral, en contrebas des Gargues.

La zone de la Martelle, avec Auchan comme navire amiral, en contrebas des Gargues.

C’est un conflit à l’enjeu ébouriffant. 289 millions d’euros, réclamés en justice à la métropole Aix-Marseille Provence. Une conséquence juridique de la volte-face politique initiée par le maire d’Aubagne Gérard Gazay (LR), après son élection en 2014. Comme promis pendant la campagne, axée sur le centre-ville, il a tout fait pour enterrer le projet d’urbanisation de la zone des Gargues, entraînant avec lui la métropole. “Nous sommes conscients qu’il y a eu des élections, mais ce n’est pas pour cela que le contrat que nous avons signé n’est plus valable”, fait remarquer Paul des Longchamps, patron de la SAPAG, la société chargée d’aménager la zone.

Ces derniers mois, cette société constituée notamment par Ceetrus (ex Immochan, la branche immobilière du groupe Auchan)* s’est montrée peu diserte sur le sujet, malgré une victoire au tribunal administratif face à la Ville d’Aubagne. Interrogé par Marsactu en avril, Paul des Longchamps avait pour toute réponse le souhait “que le bon sens revienne sur le sujet”. Une position de retrait qui n’est plus de mise. Cette fois-ci, le patron de la SAPAG a accepté de répondre plus longuement à Marsactu.

Marsactu : depuis sa victoire au tribunal administratif, vous étiez resté silencieux. Pourquoi s’exprimer aujourd’hui ?

Paul des Longchamps, président du comité de direction de la SAPAG, filiale notamment de Ceetrus.

Paul des Longchamps : La première raison, c’est que le délai d’appel est écoulé. Le jugement du tribunal administratif d’Aubagne est désormais définitif. Nous sommes consternés par le silence de la métropole, donc on se permet de rappeler qu’on existe, que la ZAC existe toujours. La deuxième, c’est que nous constatons que le projet de cinéma multiplexe de La Ciotat a obtenu son autorisation en commission nationale. Je leur dis bravo. Mais je vois que dans le même temps, La Provence annonce que le projet aubagnais aux Gargues est enterré. Ce n’est pas le cas, on est toujours là ! On est de très loin le premier employeur du territoire, de très loin aussi le premier contribuable, le premier propriétaire foncier, on est inscrit dans le paysage depuis 40 ans ! On ne va pas comme un promoteur dire “tant pis, on va aller ailleurs”. Chez nous c’est Aubagne, on n’a pas d’autre ailleurs et on ne renoncera pas.

Cela dit, la ZAC est au point mort.

Jusqu’à présent, il y avait un obstacle : le PLU d’Aubagne interdisait la constructibilité de la zone, dans des conditions que l’on contestait. Aujourd’hui, avec son annulation partielle, la métropole n’a plus aucune raison de refuser le dossier de réalisation. La balle est dans son camp et elle doit prendre une position.

Cela veut dire que les discussions sont rompues ?

Des contacts peuvent avoir lieu, ce qui nous intéresse ce sont les actes. Je vois quatre options possibles. Soit on reprend le dossier de réalisation là où nous l’avons laissé. Soit la métropole souhaite nous faire part de nouvelles demandes et nous les intégrons. Soit elle nous informe qu’elle souhaite arrêter et il faut nous indemniser. Soit elle laisse le juge décider.

Nous sommes certes un aménageur privé, mais qui agit pour le compte de la collectivité. Si elle souhaite faire évoluer le programme, nous sommes son aménageur, qu’elle le dise ! À partir de là, si cela remet en cause l’économie générale du projet, il faut discuter des conditions.

Pour l’instant, la métropole semble avoir choisi la dernière option, celle du tribunal administratif.

Cela paraît complètement fou ! On ne peut pas mettre la tête dans le sable comme cela. Imaginons que le juge nous dédommage… Même si ce n’est pas 289 millions, mais ne serait-ce que 100 ou 200 millions ? Ou même ordonne la reprise de l’opération ? Ça ne peut pas être une stratégie, cela fait courir un risque énorme à la métropole. Et tout le monde serait perdant dans cette histoire. Nous avons fait réaliser fin 2017 par un cabinet extérieur une étude économique et fiscale sur l’impact qu’aurait eu le projet, que nous avons transmis à la métropole. L’idée est de leur faire prendre conscience des enjeux, puisqu’ils ne faisaient pas la relation entre nos investissements et les recettes fiscales. On est sur un projet considérable dont les chiffres donnent tout de suite le vertige : 400 millions d’euros d’investissements et 13,4 millions d’euros annuels de recettes fiscales, dont 5 millions rien que pour la commune d’Aubagne. Si le projet ne se fait pas, il n’y aura pas de recettes fiscales, pas d’emplois et il ne se passera rien aux Gargues. Il ne faut pas oublier qu’on est majoritairement propriétaires du foncier ! Ils doivent avoir 500 m2 sur 42 hectares…

Le succès de votre demande d’indemnisation n’est pas non plus assuré. Le directeur général des services de la métropole expliquait que la collectivité comptait bien se défendre et mettait en avant le fait que l’annulation du PLU reposait sur une question de forme.

Ce n’est pas un simple problème de forme. Il était quasiment impossible pour la commune de modifier la constructibilité des Gargues sans obtenir l’accord de celui qui a signé le contrat de concession. Il aurait donc fallu que la métropole dise qu’elle était d’accord pour arrêter la ZAC. Et donc qu’elle acceptait de nous dédommager… La procédure suivie par la commune d’Aubagne a voulu contourner cela en se passant de l’avis nécessaire. C’est un problème fondamental !

Vous l’évoquiez, vous n’êtes pas qu’un aménageur agissant pour le compte du public, mais aussi un propriétaire privé. Ce qui vous donne des armes face à la métropole. Comment Auchan en est venu à acheter ces terres ?

Une précision : l’objectif n’est pas de faire une zone commerciale ou une extension de zone commerciale. Ce n’est qu’une partie du projet, qui est un nouveau quartier avec des logements, des locaux pour les entreprises, notamment celles des Paluds qui sont en zone inondable. Ensuite, la raison est que jusqu’à il y a 5 ou 6 ans, c’était la stratégie au niveau national du groupe Auchan de créer des réserves foncières pour maîtriser son environnement et son développement.

* Le groupement SAPAG associe Ceetrus, le groupe de travaux publics NGE et Vaucluse Logement.

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Commentaires

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  1. Chrysostome Chrysostome

    Le combat d’arrière-garde des communistes est pathétique. Après avoir dévitalisé le centre-ville d’Aubagne, mis les finances dans un état d’endettement tel qu’il faudra des dizaines d’années pour retrouver un certain équilibre, ils veulent faire venir une population dont le type électoral leur est favorable, c’est à dire les gens qui vivent des aides sociales.
    La Bête n’est pas morte, elle garde sa puissance de nuisance.

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