À Arles, le Nouveau front populaire confronté à un député RN “fantôme” mais bien installé
Avec son député sortant Emmanuel Taché de la Pagerie, le Rassemblement national semble pouvoir conserver la 16e circonscription des Bouches-du-Rhône. Le Nouveau Front populaire de Nicolas Koukas espère combler l’écart des européennes, mais ne sera pas aidé par les macronistes et Patrick de Carolis, le maire Horizons d’Arles, qui usent de la syntaxe des "extrêmes" en bon élève du camp présidentiel. Et rendent compliqué un front républicain.
Tous les samedis depuis l’annonce de la dissolution, une manifestation contre l’extrême droite, en soutien au Nouveau Front populaire a lieu à Arles. (Photo : l'Arlésienne)
“Bonjour les terroristes“, s’amuse Cyril Girard, soutien de l’union de la gauche, face au millier de personnes réunies sur la place de la République d’Arles, dans la 16e circonscription des Bouches-du-Rhône, ce samedi 22 juin. Une blague du conseiller municipal d’opposition arlésien qui fait référence à l’interview que le député sortant du Rassemblement national (RN) a donné à La Provence quelques jours auparavant. “J’imagine que ce sont les mêmes qui ont soutenu les terroristes du Hamas”, avait déclaré Emmanuel Taché de la Pagerie, à destination des manifestants contre l’extrême droite.
“On a un député fantôme ici sur la circonscription qui ne fait qu’une chose : se prendre en photo avec des Arlésiennes, se prendre en photo aux Saintes-Maries-de-la-Mer, mais où est-il dans les combats, où est-il dans les luttes, quand il faut défendre le service public ? Quand il faut défendre le Fret à Miramas ?”, attaque Nicolas Koukas, candidat pour le Nouveau Front populaire, devant les manifestants. Effectivement, à part ce court entretien accordé à La Provence, des posts sur les réseaux sociaux et quelques tractages discrets, Emmanuel Taché de la Pagerie ne fait pas vraiment campagne.
Pas de campagne, pas de permanence, mais favori dans les urnes
D’ailleurs, si le député sortant est assez assidu à l’Assemblée nationale, il n’a pas jugé utile d’avoir une permanence en circonscription. En 2022, alors fraîchement parachuté, il n’avait pas non plus fait une campagne active sur le terrain pour les précédentes législatives. Mais il n’a pas eu besoin de beaucoup se montrer pour être élu largement avec 54,94 % des voix exprimées dans cette circonscription de l’Ouest du département qui englobe Arles, Port-Saint-Louis-du-Rhône, les Saintes-Maries-de-la-Mer, Tarascon, et une partie de Miramas.
Une campagne fantôme qui lui avait donc plutôt bien réussi la première fois. Lors de son élection, au second tour, il avait quasi 4000 voix d’avance lors du duel avec l’union de la gauche, alors baptisée Nupes. Avec à l’époque, une participation de 45,57 % sur 91 764 inscrits. Depuis 2022, cette tendance s’est même accentuée. Lors des élections européennes, le bloc d’extrême droite (RN et Reconquête) a creusé l’écart avec la gauche (à 29%) en recueillant 48,5% des suffrages exprimés et 3000 voix de plus que lors du second tour des législatives de 2022.
Je suis d’un naturel optimiste, mais sur le papier, c’est compliqué.
Nicolas Koukas, candidat du Nouveau front populaire
“J’entends beaucoup de personnes qui se mobilisent, de nombreuses procurations”, remarque Nicolas Koukas (PC), le candidat Nouveau front populaire, non sans cacher que les chances sont minces. “Je suis d’un naturel optimiste, mais sur le papier, c’est compliqué. Je suis en mode guerrier, je me bats contre des idées. On fera tout pour qu’Arles résiste”, lance ce petit-fils de résistants, candidat aux dernières municipales arlésiennes et ancien conseiller départemental. Bref, une tête connue par les habitants de la ville la plus importante de la circonscription. Il a pour suppléant Christophe Caillault (PS), élu de la Ville de Miramas et candidat lors des dernières législatives pour la Nupes. Pour ces élections législatives anticipées, comme pour les précédentes, la gauche part unie, hormis la candidature de Lutte ouvrière.
Les macronistes bottent en touche
En 2022, le camp présidentiel, pourtant sortant, n’avait pas réussi à se maintenir au second tour. Puis les voix de la droite républicaine ne s’étaient pas toutes reportées sur la Nupes. Et cette fois-ci non plus, ce n’est pas la vigueur des consignes locales qui aidera l’idée d’un front républicain. Patrick de Carolis, le maire d’Arles, étiqueté Horizons, a choisi le couplet de l’amalgame entre la gauche et l’extrême droite. “Je le dis avec force, les extrêmes ne sont pas une solution pour la France”, lance-t-il sur les réseaux sociaux en singeant la position du chef de l’État.
Un an plus tôt, lors des élections régionales, Patrick de Carolis n’avait pas appelé à voter Renaud Muselier alors qu’il était le seul recours face à l’extrême droite. Un élu de la majorité municipale formule son malaise face au positionnement du maire : “Je suis d’une droite gaulliste, sociale, je suis très mal à l’aise avec ce discours avec l’extrême droite et ne pas faire front commun contre ses idées”. Aux comptoirs de la place du Forum, les observateurs locaux sont nombreux à tiquer sur le boulevard à l’extrême droite que laissent les macronistes locaux.
Initialement, pour les représenter, Mandy Graillon était d’abord pressentie. Cette trentenaire, conseillère départementale et deuxième adjointe au maire, ancienne reine d’Arles, aurait eu un profil à récupérer des voix au RN. Et lors des législatives de 2022, il ne manquait à la majorité présidentielle qu’à peine 700 voix pour passer devant la gauche au premier tour et affronter le RN au second tour.
Le camp présidentiel est représenté dans ce scrutin par une quasi-novice en politique, Marion Biscione.
Cette fois-ci, le scrutin de ce dimanche ressemble à une mission impossible pour les macronistes. La candidate Marion Biscione (Ensemble pour la République), se présente aux électeurs pour la première fois en son nom. Trentenaire, conseillère municipale de Fontvieille, elle est agricultrice de profession, adhérente au syndicat Jeunes agriculteurs, mais aussi membre du Réseau des femmes élues. Candidate malheureuse aux sénatoriales en 2020, on l’aperçoit souvent sur les photos de déplacement de ministres ou du président de la République dans la région. Selon La Provence, son nom pour la circonscription aurait été directement soufflé par le ministre de l’Agriculture Marc Fesneau. De temps en temps, elle intervient également en mairie d’Arles ou récemment lors d’une réunion publique comme conseillère juridique pour son père, promoteur immobilier.
Marion Biscione mise sur une “candidature d’apaisement”, comme elle l’annonce dans La Provence, en précisant aussi qu’elle porte le costume d’Arlésienne. Mais, ici, la tradition et ses emblèmes n’ont pas de couleur politique attitrée. Sur les réseaux sociaux locaux, une image d’un musicien traditionnel provençal est de plus en plus partagée. Le “tambourinaïre rouge” avec son instrument siglé Nouveau front populaire affiche un message rare en provençal : “Provençau antifascisto, toutis ensem contro li FAF !“. Sur les traditions locales comme sur tout le reste, Emmanuel Taché de la Pagerie, quant à lui, n’a pas besoin de dire quoi que ce soit.
Éric Besatti et Clémentine Morot-Sir pour L’Arlésienne
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