À Allauch, garder sa terrasse quand on est gérant de bar FN n’est pas un jeu d’enfant

À Allauch, garder sa terrasse quand on est gérant de bar FN n’est pas un jeu d’enfant

Les grenouilles de bénitier d’Allauch n’en ont pas cru leurs yeux. Il y a une dizaine de jours, la place Chevillon qui sert de parvis à une église du XVIe siècle s’est retrouvée ornée d’une nouvelle aire de jeux pour enfants, avec gomme bordeaux posée directement sur les pavés et grenouilles à ressorts. Le tout sous la garde de la police municipale, qui aurait été mobilisée jusqu’à 3 heures du matin pour sécuriser les travaux…

Des riverains s’en sont émus, l’information a circulé. Et certains n’ont pas mis longtemps à trouver une explication politique à cette apparition surprenante : “Suite au dernier conseil municipal, voici la punition infligée au conseiller municipal qui a eu le courage de prendre ma défense et ne s’est pas laissé manipuler dans la fausse préemption de ma maison. Deux jolies grenouilles trônent sur la place du vieux village, entre l’église et l’hostellerie Forbin… Ce commerçant sans histoires a perdu l’essentiel de sa terrasse”, dénonce sur Facebook Lucie Cohen-Desblancs, élue d’opposition dont nous avions raconté les déboires immobiliers le mois dernier. En place depuis 1974, le maire socialiste Roland Povinelli multiplie les anicroches avec elle depuis les dernières élections municipales.

Pour sa part, José Gonzalez, ce conseiller municipal FN qui avait voté contre la délibération de la Ville, ne se risque pas à “faire de lien de cause à effet” entre sa prise de position récente et l’amoindrissement de cette terrasse, d’autant plus que l’établissement ne lui appartient pas. En revanche, il y voit bien “une petite vengeance mesquine contre un gérant de bar qui a eu le tort de laisser son fils venir sur notre liste”.

“Je passe de 22 tables à 12”

L’intéressé, Benjamin Forbin, partage ce sentiment. “Mon fils était sur la liste et je n’ai jamais caché être moi-même militant FN, bien que je ne fasse aucune politique dans mon établissement. Chaque année, j’ai du mal à l’obtenir l’autorisation pour ma terrasse. Là je passe de 22 tables à 12”, se désole-t-il.

Du côté de la municipalité, on confirme ces chiffres à la table près, mais on conteste toutes représailles. “Les élections étaient en 2014, si c’est ce qu’on avait voulu faire on aurait pu le faire bien avant et sans avoir besoin de construire une aire… On répond à une demande sur la commune. On va par ailleurs agrandir le petit parc du Belvédère, pour les enfants un peu plus grand, de 6 à 12 ans. Là ce serait pour les tout petits, 2 à 3 ans. Il y a des mamans qui sont très contentes et qui d’ailleurs consommeront peut-être sur cette terrasse…”

Une source proche de la majorité estime toutefois que cette aire avait l’avantage de réduire l’activité du bar, qui faisait l’objet de “beaucoup de plaintes des riverains”. Le propriétaire précédent, qui tenait un restaurant, se serait d’ailleurs découragé pour cette raison. “Et puis c’est le siège du FN sur Allauch, avec des comportements pas toujours républicains…”

Caputure d’écran Google view de la place.

“On n’a pas fait un parking !”

Politique ou pas, l’affaire a indigné jusqu’au prêtre Guillaume Lepoutre, qui se dit “très surpris de ces travaux qui ont été faits dans la précipitation et pour lesquels nous n’avons pas été prévenus”. Il a donc contacté les services de l’architecte des bâtiments de France, l’édifice dans lequel il officie étant inscrit au titre des monuments historiques. “Ils m’ont dit qu’ils n’étaient pas au courant”, assure-t-il, s’étonnant de l’allure donnée à “cette place provençale typique. Quand on voit l’endroit où c’est situé, entre un escalier et une fontaine, c’est ahurissant. Cela pose même une question de sécurité.” Sur cette place exiguë, l’aire a été posée sans aucune clôture, à proximité immédiate d’une fontaine et de rues ouvertes à la circulation.

“On a mis quatre jeux, on n’a pas fait un parking !”, s’étonne-t-on à la municipalité, sans toutefois se prononcer sur la procédure suivie vis-à-vis des services de l’architecte des bâtiments de France. Nous n’avons pas réussi à joindre ce service du ministère de la culture. Autre grief soulevé par Guillaume Lepoutre, les événements réguliers organisés sur la place, “pas seulement les messes et les mariages : descente des Bergers, marchés de Noël, la cavalcade, le 14 juillet. Au-delà du culte, cette place réunit souvent du monde.” La municipalité indique y avoir pensé : “Les jeux sont fixés de manière à ce qu’on puisse les démonter”. Les manifestations pourront donc avoir lieu. Sur la gomme, la cavalcade fera peut-être moins de bruit, pour le plus grand plaisir des riverains.