À Aix, les vieux platanes ne survivront pas à la rénovation du quartier du palais de justice
La rénovation future des trois places autour du palais de justice à Aix ne cesse d'attiser les points de tension. Après la durée des travaux - au moins deux ans et demi - et la suppression des places de parking, c'est l'abattage de vieux platanes, malades, qui soulève l'indignation de nombreux riverains.
À Aix, les vieux platanes ne survivront pas à la rénovation du quartier du palais de justice
“Si vous vouliez une chaise, vous n’aviez qu’à l’apporter de chez vous”. Le tacle de la maire d’Aix à une des élues de l’opposition résume bien l’ambiance chargée en électricité qui régnait lors de la réunion publique organisée par la municipalité au sujet de la rénovation des places Verdun, Prêcheurs et Madeleine, le mardi 27 juillet. Avec 8600 m2, l’ensemble forme “le plus grand espace public de la ville après le cours Mirabeau”, précise la présentation du projet sur le site internet de la municipalité. Pour Maryse Joissains, ce chantier qui nécessitera trois ans de travaux est le plus important de son troisième mandat. La salle des États généraux de Provence dans les locaux de la mairie était d’ailleurs remplie de riverains et de commerçants venus dire toutes leurs craintes et mécontentement quant à ce chantier qui doit commencer à la rentrée. Beaucoup d’entre eux resteront debout pendant les trois heures. Certains sont venus avec le magazine municipal sous le bras. Ce mois-ci, il consacre 12 pages à la gestion des arbres malades de la ville.
Le titre choisi pour cette une, illustrée par la photo d’un arbre dont la cime paraît saine mais dont le tronc est vide, donne le ton : “Platanes malades : la sécurité avant tout”. Les riverains ont pour la plupart appris par ce dossier que la quasi totalité des vieux arbres des trois places du centre-ville promises à rénovation allaient être abattus. Par le même truchement, la municipalité annonce que les premiers tomberaient “probablement durant la première quinzaine du mois d’août”. Le sujet a donc monopolisé une grande partie de cette réunion publique – houleuse – consacrée au projet de rénovation.
A abattre dans les plus brefs délais
Comme dans beaucoup de villes, les platanes d’Aix sont victimes du chancre coloré, la fameuse maladie qui a ravagé les arbres du canal du Midi mais aussi du pourridié des racines, un champignon qui les ronge. Si des tentatives de traitement sont menées, la plupart du temps, une fois les diagnostics menés, les mairies décident de procéder à l’abattage des arbres jugés dangereux pour éviter tout risque de chute.
Les 23 arbres des places situées autour du palais de justice ont été examinés dans le cadre d’une première d’analyse des 2400 platanes que compte la ville. Chaque individu est classé sur une échelle qui va de 1 à 6. Pour les deux derniers grades, 5 et 6, l’abattage “dans les plus brefs délais” est préconisé par les experts. Sur les 746 arbres analysés à ce jour, une centaine a connu ce sort dès l’été dernier. D’autres continuent régulièrement d’être enlevés. Fin juin, la place de la mairie a perdu deux de ses arbres emblématiques, remplacés par des ormes génétiquement modifiés pour résister aux maladies les plus courantes. Dans le cas des arbres des trois places autour du palais de justice, deux analyses ont été menées. L’entreprise Aval de Montpellier a fait un premier diagnostic puis Agrobiotech, de Nice, un second plus détaillé. Verdict : tous les arbres doivent être coupés.
Une troisième analyse
Ce verdict sans appel provoque la colère de bon nombre de riverains très opposés à la disparition des arbres et donc aux travaux qui la précipitent. “Nous avons fait faire une analyse par deux experts qui disent que seuls deux sont à abattre”, défend Eric Farcis, président de l’association Palais Prêcheurs Demain. “Une expertise ? Très bien, transmettez nous ces données”, lui répond Christophe Chenaud, directeur des infrastructures de la Ville. Le représentant des riverains doit alors confesser que les conclusions de cette études ne sont qu’orales. “Seuls 6 arbres sur 23 sont au stade le plus grave ! Pourquoi les abattre tous ?”, s’exclame une autre habitante du quartier. “Nous ferons faire une troisième expertise”, promet Maryse Joissains, Mais ceux qui seront déclarés dangereux seront coupés sans état d’âme. Si un arbre tombe c’est la responsabilité du maire”.
Cette dernière analyse serait en cours, pas question donc de commencer à abattre les arbres à partir du 1er août comme annoncé dans le magazine municipal. “On démarre les travaux le 29 août, qu’on coupe les arbres ou pas”, défend l’architecte Vincent Guillermin lors de la présentation du projet de rénovation. Après les trois ans de travaux prévus, le marché reviendra s’étaler sur les trois places comme aujourd’hui. C’est un engagement de la maire. Tout comme le maintien des terrasses de cafés existantes sur la même superficie. En revanche, les places de parking sont appelées à disparaître même si la circulation automobile est toujours prévue. La ville porte d’ailleurs “en compensation” selon le terme d’Alexandre Gallese, adjoint à l’urbanisme, un projet de nouveau parking souterrain de 300 places au niveau du Cours des Arts et Métiers.
Ce projet architectural “est compatible avec les arbres actuels ou avec de nouveaux”, défend l’architecte. Sur les visuels projetés, ce sont de tout jeunes arbres qui ont été représentés. “Trente-six à tige caducs et douze décoratifs”, est il présenté dans le projet. Magnolias, tilleuls, frênes, érables sont évoqués. “Nous voulons des garanties pour les vieux arbres qui pourraient être sauvés, lance à son tour une habitante. Dites nous que le maximum sera fait pour les préserver, que la ville prendra des précautions”. Le sort des vingt-trois platanes actuels, de grande taille, semble pourtant être arrêté. Mais la lecture des fiches rédigées par un des deux experts mandatés par la Ville, mise en consultation sur place, est riche d’enseignements.
“Mutilations racinaires” et mauvais traitements
Certes, sur vingt-trois platanes, six sont classés en niveau 6, et sept en niveau 5, avec la mention “À abattre dans les plus brefs délais”. L’autre moitié d’entre eux est dans une situation tout à fait différente. Tous sont contaminés par des champignons aux doux noms de polypore hérissé, amadouvier, phellin tacheté ou ganodermes mais ne menacent pas de tomber. Le spécialiste qui a rédigé ces fiches évoque une “progression lente” des maladies pour ces derniers, sans réel danger pour ceux qui passent à proximité. La perspective de travaux est pourtant problématique pour leur santé, du fait du “stress”, des dommages causés sur le sol… Le cabinet conseille donc “l’abattage en cas de travaux”, afin de ne pas prendre de risques.
Le rapport tire une autre conclusion, plus embarrassante pour les services de la Ville. Les platanes souffrent de champignons, certes, comme beaucoup en France, mais aussi de la manière dont ils sont traités. Photos à l’appui, sont répertoriées toutes les mutilations dont ils ont fait l’objet et qui ont affecté leur état : “cerclage, câble”, “coupe de racines”, présence de béton” au pied qui “bloque tout croissance radiale indispensable pour la survie de l’arbre”. Pour un des arbres, place Verdun, le constat est encore plus dur : “Des travaux récents dans l’environnement très proche, pour l’installation d’un horodateur concernant le parking, ne sont pas sans conséquence. Ils interpellent par l’ampleur des mutilations racinaires qui en résultent”.
Si la question des platanes mobilise l’attention, elle se trouve au revers la crainte d’une place aseptisée, minérale à l’excès, à l’image de ce qui a pu avoir été fait place des Cardeurs. Tandis que les commerçants se plaignent de la disparition des places de parking et de la durée des travaux, les “opposants” au projet interrogent ce que seront ces futures places qui auront perdu une de leurs caractéristiques principales actuelles, les platanes, mais aussi les voitures. “Ces espaces de convivialité dont vous nous avez parlé, comment se matérialisent ils ?”, demande l’une, “Mais qu’est ce qu’il va y avoir là au milieu car la nature a horreur du vide”, ajoute une autre. Les voitures pourraient quant à elles disparaître complètement, les aménagements permettant une éventuelle piétonisation. Avec, là encore, bien des débats à venir.
Commentaires
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Le “visuel” proposé dans l’article, comme la crainte exprimée “d’une place aseptisée, minérale à l’excès”, interrogent tout de même sur la façon dont on gère aujourd’hui l’espace public urbain. Tout le monde connaît, du moins je l’espère, le phénomène des “îlots de chaleur” lié à l’imperméabilisation des sols et à la disparition du couvert végétal en ville. Entre un espace végétalisé et un espace imperméabilisé, l’écart de température en été atteint plusieurs degrés, comme on peut le voir sur ce document (qui concerne Strasbourg) : http://www.adeus.org/productions/les-notes-de-ladeus-ndeg140-environnement/files/note-140_ilots_fraicheur_web.pdf
Sous notre climat très chaud en été, la première préoccupation des aménageurs de l’espace urbain devrait être de préserver, de créer ou de recréer a contrario des “îlots de fraîcheur” partout où c’est possible, notamment en plantant des arbres (y compris le long des rues), qui rafraîchissent par leur ombre mais aussi par l’humidité qu’ils dégagent. L’abattage de certains arbres est peut-être nécessaire, mais leur remplacement et, sans doute, l’augmentation de leur nombre le sont par conséquent tout autant.
C’est ce qui n’a pas été fait sur le Vieux-Port de Marseille… Accessoirement, les arbres et plantations offrent une qualité paysagère bien supérieure aux monstrueuses terrasses de restaurants qui, à Aix, défigurent totalement la place des Cardeurs…
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Que l’on puisse s’empoigner de la sorte pour l’avenir de 26 platanes en ces temps difficiles me reconforte grandement!
Maintenant Electeur du 8eme à raison la place des arbres en ville semble remise en cause à chaque rénovation.
Il faudrait que cela redevienne une évidence quitte à choisir une autre espèce que le platane si symbolique de la Provence mais cible de tant de maladie.
Personnellement je ne regretterai pas le parking inesthétique ne laissant aux piétons qu’un tout petit bout de trottoir rabougri.
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