Jeux, émoi
Jeux d’argent
La médaille d’argent de Mélina Roger-Michon, au disque, valorise les succès obtenus par des structures d’entraînement modestes et obstinées. Qui sont moins gênées à Rio par des adversaires médicalisés. Et qui ne se préoccupent pas de la cohabitation au village avec les milliardaires venus se détendre aux JO.
Jeux d’argent
On peut être surpris de voir des sportifs se satisfaire de l’argent ou du bronze, quand l’or leur a échappé. Cependant, les torrents d’émotion qui ont coulé sur les écrans après la 2e place de Mélina Roger-Michon au disque, et la 3e obtenue par Dimitri Bascou sur 110 m haies ont abondamment démontré que certaines performances sont de toute façon des succès inoubliables, spectaculaires et réconfortants.
La lanceuse de disque a construit petit à petit une carrière enviable en choisissant de s’entraîner chez elle, avec un entourage familial protecteur et compétent. A 37 ans, elle atteint son objectif suprême, une médaille olympique, alors que plusieurs rivales ont déçu. Elles devaient craindre les contrôles et ne sont plus habituées à se battre à armes égales. Et les Russes qui ne sont pas là, pour les raisons qu’on sait, laissent des places sur les podiums : Choubakov, champion du monde sur 110 m haies, n’a pas couru à Rio.
Même explosion de joie autour du bronze arraché par Dimitri Bascou, juste devant Pascal Martinot-Lagarde. La tradition française sur les haies, installée au plus haut niveau par Guy Drut, Stéphane Caristan, Ladji Doucouré, Michèle Chardonnay et ¨Patricia Girard, est maintenue. Et d’autres médailles suivront à l'avenir avec un réservoir bien rempli de promesses.
On a découvert Giscard Samba-Koundy, l’entraîneur de Bascou. Il a crevé l’écran avec un discours superbe de maîtrise et d’élévation intellectuelle avant la course. Et un déferlement de fierté et d’émotion après la médaille obtenue par son poulain, déjà champion d’Europe. Il y a eu même un soupçon de règlements de comptes, car le petit monde des hurdlers est souvent agité par des rivalités d’entraîneurs, tous compétents, et les passages fréquents des athlètes dans des clubs concurrents sur fond de primes d’engagements et d’aides financières. Comme Cindy Billaud, transférée au SCO Sainte-Marguerite à Marseille.
La tradition française sur les obstacles s’exprime aussi sur 3000 m steeple. Après Villain, Mahmoud, Debacker, Tahri, on voit Mahiedine Mekhissi et Yoann Kowal garder le flambeau et éclairer la discipline.
Ces athlètes sont aussi des professionnels, vivants souvent modestement grâce aux prix obtenus par leurs victoires ou leurs médailles. Ils doivent par conséquent soigner leur communication, et il est amusant de voir la différence de styles entre le discret Bascou et le flamboyant Martinot-Lagarde.
La même situation est vécue par les boxeurs, qui sont en train de réaliser une véritable razzia olympique, concrétisée par une nouvelle médaille d’argent pour le talentueux et sympathique léger Sofiane Oumiha (21 ans), dominé en finale par la furia d’un Brésilien, et le bronze recueilli par le mi-lourd Mathieu Bauderlique, si fair-play après sa défaite devant le Cubain Julio Cesar La Cruz, triple champion du monde.
Ces résultats sont examinés au village olympique par des nababs du sport professionnels : basketteurs, golfeurs, footballeurs, tels Neymar, ou cyclistes, comme Christopher Froome. La vieille dispute olympique quant à la confrontation des amateurs et des professionnels n’a plus lieu d’être désormais. Tout le monde, ou presque, gagne de l’argent grâce au sport, ou espère y parvenir bientôt. Mais le débat s’est déplacé sur la présence au programme de disciplines qui n’ont pas besoin de la scène des JO pour survivre et qui bouffent toute la place le reste du temps sur les écrans télévisés. Certaines stars ont du reste renoncé à perdre du temps et de l’argent en venant à Rio. Mais la plupart ont compris que l’exposition olympique ajoutait au rayonnement mondial de leur discipline, et cherchent à réaliser leurs rêves de gamins. On ne voit pas pourquoi il faudrait les rejeter dehors.
Le problème du programme semble plus résider dans la multiplication des médailles que peuvent récolter les gymnastes, les nageurs et certains sprinteurs en athlétisme et en cyclisme. Alors qu’il est impossible de réaliser une grosse récolte quand on pratique d’autres disciplines, sinon en prolongeant sa carrière.
L’haltérophilie, par exemple, a perdu les titres attribués aux divers mouvements (arraché, développé, épaulé-jeté). Ce sport de base qui sert à déterminer qui sont les hommes les plus forts est en grand danger de disparaître aux Jeux, pour n'avoir pas été capable d’écarter les soupçons de dopage systématique. Il permet pourtant aux pays pauvres de participer. Il faudrait l’aider à se soigner pour redevenir exemplaire.
En revanche, on se passerait bien de la natation synchronisée, du taekwondo, et du beach-volley. La course en ligne en canoë-kayak n’a pour utilité que d’occuper plus longtemps les bassins d’aviron, très coûteux à réaliser. Au moins les concurrents n’ont -ils pas à tourner le dos à la ligne d’arrivée !
Les intérêts financiers dans le sport devaient beaucoup à Joao Havelange, ancien patron de la FIFA pendant des décennies. Il a beaucoup œuvré pour favoriser leur installation dans un milieu qui s’en est méfié très longtemps, et qui n’avait pas forcément tort. Il est décédé à 100 ans, pendant les Jeux organisés dans sa ville, dans un stade olympique qui porte son nom.
Le chef des Comités olympiques européens, l’Irlandais Patrick Hickey, est soupçonné d’être mêlé à un trafic de vente illégale de billets pour les compétitions. Vu le nombre de places libres, on se demande qui peut bien acheter des billets au noir. Mais s’il fallait une preuve supplémentaire qu’il faut faire du ménage dans les institutions qui gèrent le sport, elle ne pouvait tomber au meilleur moment.
VIGNETTES
# Le Canada continue de réussir ses Jeux. Il obtient le titre masculin de la hauteur grâce à Derek Drouin (2,38m).
# Les « voileux » français sont dans le coup, mais ils n’ont pas encore touché le vent de la réussite, après leurs deux premières médailles. Dixième à Londres, Bernaz (Laser) n’est que 5e à Rio. En Nacra, l’équipage mixte Marie Riou-Billy Besson termine 6e. Besson, quatre fois champion du monde, était handicapé par une douloureuse hernie discale. Il sera opéré dès son retour en France.
# Les gymnastes tricolores n’ont pas réussi à décrocher une médaille, et doivent se contenter d’une 4e place aux arçons et une 7e aux anneaux, où c’est un Grec qui s’est imposé. La concurrence est devenue si impressionnante à chaque appareil, que les meilleurs des classements généraux, individuel et par équipes, ne parviennent plus à faire leur marché comme naguère.
# En football, les Brésiliennes échouent aux tirs au but en demi-finale face aux Suédoises. Comme les garçons (qui nourrissent encore un espoir), elles n’ont jamais été championnes olympiques, malgré deux finales, et ne peuvent plus offrir que le bronze à leur public déçu.
# Handballeuses et basketteuses bleues ont obtenu une place en demi-finales au terme de quarts irrespirables face aux Espagnoles (hand) et aux Canadiennes (basket). Leurs homologues masculins semblent disposer de plus de marge pour continuer leur chemin vers une médaille ou un titre.
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