LA SOLIDARITÉ À MARSEILLE
Dans la situation de crise économique et sociale dans laquelle nous nous trouvons en ce moment, la solidarité a un rôle considérable dans une ville comme Marseille. Questionnons-nous sur ce qu’est une « solidarité marseillaise ».
La solidarité : une vieille histoire à Marseille
La solidarité est un engagement politique qui consiste à être à l’écoute de l’autre et à former avec lui une relation permettant d’être solide face aux obstacles et aux imprévus de la vie. C’est pourquoi dans la périodes de crise au cours desquelles notre existence même est menacée, il est important de se voir reconnaître une place dans les réseaux de la solidarité. À la fois quand elle était une ville riche et prospère, mais dominée par des institutions et des entreprises cherchant à asseoir leur qu’importance et leurs gains sur l’exploitation de celles et de ceux qu’elles faisaient travailler et dans les périodes de crise et de difficultés au cours desquelles la pauvreté trouvait une place dans les rues de la ville, Marseille s’est toujours trouvée en position de construire de véritables réseaux de solidarité permettant de construire des pratiques sociales venant combler les manques et les besoins laissés par les organisations de la société. Un tissu associatif fort, des partis politiques venant mettre en œuvre des pratiques solidaires, des organisations fondées sur l’engagement religieux aussi, ainsi que des associations de solidarité unissant les personnes issues des mêmes pays, tout ce tissu a, au cours du temps, construit un maillage serré de protection et de défense des habitantes et des habitants de la ville. Ce fut, par exemple, le rôle des associations de quartier ou des « comités d’intérêts de quartier ». De plus, Marseille a construit, de cette manière une sorte de double appartenance fondant une véritable dynamique de solidarité, puisque la ville est à la fois en France et dans l’espace méditerranéen, les réseaux politiques et institutionnels de ces deux espaces se complétant et se renforçant au fil des siècles. Les crises du monde méditerranéen se font sentir dans la ville en y manifestant des réseaux et des politiques de solidarité destinées à celles et à ceux qui vivent les crises particulières de ce monde.
La solidarité dans la politique de la ville
C’est ainsi que l’espace politique de la ville ne s’est pas seulement construit par des institutions et des acteurs de pouvoir, mais s’est aussi structuré dans les réseaux de la solidarité. À Marseille plus que dans d’autres villes, en raison de son histoire, la citoyenneté prend la forme de la solidarité : habiter Marseille et y construire son identité politique, cela passe par l’exercice de la solidarité. S’engager à Marseille, c’est prendre la mesure de la place de l’autre et de ses besoins et, par là même, prendre conscience des manques de la politique institutionnelle pour compléter les pouvoirs par les engagements citoyens. La « Nuit de la solidarité », organisée tous les ans par des acteurs importants de la vie politique de la ville illustre cette articulation constante entre citoyenneté et solidarité. Il faut ajouter qu’à Marseille, et, en particulier, cette année, les rues sont habitées par des personnes ayant besoin de la solidarité de tous pour pouvoir vivre, par des gens qui habitent Marseille en attendant de la ville les moyens d’une existence digne et reconnue. Marseille, plus que d’autres villes, s’est confrontée, pendant toute son histoire, à la nécessité d’imaginer et de mettre en œuvre une véritable politique solidaire de l’urbanité. Dans le domaine de l’emploi, dans celui du logement, dans celui de l’alimentation, tous les domaines de la vie sociale mettent en évidence ce que l’on peut appeler l’impératif urbain de la solidarité. Vivre en ville, c’est, justement, ne pas vivre seul, isolé, c’est vivre dans un véritable monde dans lequel, dans le regard des autres, on se trouve aussi sous les yeux des acteurs de la solidarité. La politique de la ville s’exprime dans l’exigence de la solidarité et dans la mise en œuvre de pratiques en mesure de répondre à cet impératif urbain, afin que nul ne soit écarté ni laissé de côté, hors de la veille solidaire des autres.
Solidarité et urbanité à Marseille
L’urbanité marseillaise repose sur la solidarité, sans laquelle il n’y aurait pas de ville. Mais cette urbanité s’inscrit aussi dans des situations aiguës de crise. Dans « La Marseillaise » des 18 et 19 janvier, A. Garino, adjointe au maire chargée des affaires sociales, nous rappelle que deux personnes sont mortes dans la nuit du 14 au 15 janvier parce qu’elles étaient dans la rue, sans institutions pour les protéger dans une situation de pauvreté et de précarité qui fait des la vie même une épreuve. Cela montre une véritable absence, un véritable manque des politiques dans l’espace urbain. Si de tels événements peuvent se produire de nos jours, c’est que le politique ne prend pas toute la place qu’il devrait prendre, qu’il ne remplit pas la mission que l’on attend de lui. À force d’ignorer les personnes pauvres et dans le besoin pour ne s’occuper que des personnes en situation dominante, l’État et les institutions ne remplissent pas leur mission première : permettre et garantir à tous l’existence sociale dont tous ont besoin et à laquelle tous ont droit. Réduire la politique et les institutions à des acteurs et à des pratiques de pouvoir, c’est oublier que les institutions ont, d’abord, pour rôle, de rendre possible à toutes et à tous ceux qui habitent un pays – en l’occurrence une ville – une existence reconnue par tous. Être citoyen ne consiste pas seulement à se livrer à des pratiques politiques exprimant des choix et des engagements, c’est aussi – avant tout – avoir une existence sociale, être un être vivant politique, un zôon politikon, comme disait Aristote. Mais encore faut-il, pour cela, avoir la possibilité même de l’être, et c’est le rôle de tous, dans la solidarité, d’assurer l’existence sociale de chacun. L’urbanité marseillaise est là : elle est dans l’assurance que l’espace social de la ville ne laisse personne de côté, que chacun puisse y trouver une place, reconnue et défendue par tous les autres. La seule façon, pour la ville, d’être sûre de son existence et de son avenir est de les garantir à celles et à ceux qui y vivent. Marseille doit permettre à toutes et tous ceux qui y habitent de vivre dans ses maisons et non dans ses rues, oubliés et négligés par tous les autres.
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