Valérie Boyer, Catherine Pila et Pierre Robin cités à comparaître pour diffamation publique

Le tribunal correctionnel de Marseille. (Photo C.By.)

La tension ne fait que monter ces derniers temps entre la gauche et le centre-droit sur les réseaux sociaux, et notamment sur X (ex-Twitter). Cela passe par des publications quotidiennes à coup d’attaques politiques ou personnelles. Mais cette fois-ci, le conflit en ligne risque de finir devant la justice. Selon des informations confirmées par Marsactu, la sénatrice Valérie Boyer (Les Républicains) et les conseillers municipaux Catherine Pila et Pierre Robin (également LR) ont reçu une citation à comparaître devant le tribunal correctionnel de Marseille en tant que prévenus pour diffamation publique envers un citoyen chargé d’un mandat.

Cette procédure judiciaire a été lancée par l’élue à la Ville de Marseille Farida Benaouda, membre de la majorité du maire divers gauche Benoît Payan. La citation directe a l’avantage de ne pas passer par une plainte au commissariat et l’avis du parquet, qui peut décider de classer sans suite. Elle évite également la case juge d’instruction qui, au bout de son enquête, peut également classer sans suite.

Le document, que Marsactu a pu consulter, a été remis aux trois élus il y a une quinzaine de jours. Les faits reprochés remontent à cet été. En juillet, la mosquée des Bleuets, dans le 13e arrondissement, a fait l’objet d’une menace de fermeture engagée par la préfecture de police en raison de propos tenus par son imam principal, Smaïn Bendjilali. Il a depuis annoncé se retirer de ses fonctions pour que la salle de prières reste ouverte. Le 21 août, Farida Benaouda, qui est élue dans les 13e et 14e arrondissements, a posté sur X un message de “soutien à l’institut musulman des Bleuets face à la décision de fermeture par la préfecture de police et refus d’une punition collective”.

Un tweet d’Une volonté pour Marseille à l’origine du litige

Mais le 5 septembre, le groupe d’opposition à la Ville, “Une volonté pour Marseille”, publie un montage reprenant l’en-tête du média Le Figaro, le titre d’un de leurs articles et plusieurs des faits reprochés à l’imam, dont la photo figure également en bas de l’image. On y retrouve aussi le début du post de Farida Benaouda à ce sujet, ainsi que celui d’un autre élu, Sami Benfers. Cette publication est retweetée par Catherine Pila et Pierre Robin. Valérie Boyer ajoute quant à elle une phrase au sujet de la majorité du maire divers gauche de Marseille, Benoît Payan, “qui a soutenu l’imam placé en garde à vue pour « apologie du terrorisme »”.

➡ @BenoitPayan deux de vos élus ont soutenu un imam dans le viseur des autorités pour apologie du terrorisme. Votre silence sur ce sujet est aussi assourdissant qu’inquiétant. Quelle est votre position ? pic.twitter.com/Ks180QVcSN

— Une Volonté Pour Marseille (@UVPMarseille) September 5, 2024

Face à ces propos, sur le fond, Benoît Candon, avocat de la conseillère municipale dans ce dossier, affirme que “ce montage impute clairement à Madame Benaouda de soutenir cet imam”. Il précise : “Or, une telle imputation porte atteinte à l’honneur et à la considération de Madame Benaouda.” Sur la forme, le conseil défend : “Retweeter des articles diffamatoires est consécutif d’une diffamation.” Et avance : “Le retweet propage le délit.” Dans la citation à comparaître se pose également la question de la responsabilité d’Une volonté pour Marseille, qui est à l’origine de la publication sur laquelle reposent toutes les accusations. “Ce groupe n’a pas de personnalité juridique, mais le compte X qui porte son nom appartient à ce groupe informel, qui est a posteriori représenté par sa présidente”, estime la défense de Farida Benaouda.

D’autres éléments sont répertoriés dans la citation à comparaître pour étayer les faits de diffamation publique. Un article du journal La Provence titré “Mosquée des Bleuets : deux élus de la gauche marseillaise dans le viseur de la droite” est mentionné dans la procédure. Dans le quotidien, Catherine Pila revient sur cette affaire et rajoute : “Monsieur Benfers et madame Benaouda ont soutenu un imam que les autorités estiment dangereux pour Marseille et qui va comparaître pour apologie du terrorisme. Lorsqu’on représente les Marseillais, tous les Marseillais, on ne doit pas tomber dans ce type d’écueil.” “Les propos de madame Pila sont clairs et accusateurs”, reprend le conseil de la conseillère municipale dans son argumentaire.

7500 euros demandés par Farida Benaouda

“Farida Benaouda a été victime de très nombreuses réactions et interpellations, de toutes parts, d’inconnus comme de proches, et elle a dû, à chaque fois, longuement se justifier”, avance aussi Benoît Candon. Contactée par Marsactu, la conseillère municipale confirme ces éléments et commente : “Ce n’est pas ma conception de la politique, je m’élève contre ces pratiques, je ressens une profonde déception face aux accusations infondées portées contre moi. Je refuse de me laisser intimider. Je fais confiance à la justice pour accomplir son travail.”

L’avocat de la conseillère municipale demande au tribunal la suppression du post sur le compte d’Une volonté pour Marseille et des retweets reprochés, ainsi que la mention du jugement, le cas échéant, sur les quatre profils concernés. Le conseil souhaite également qu’un extrait de la décision de justice, si le dossier arrive jusqu’à ce stade, soit publié dans La Provence et La Marseillaise, ainsi que le versement de dommages et intérêts. Contactés par Marsactu, les trois élus accusés ont indiqué ne pas souhaiter commenter l’affaire et réserver leur argumentaire pour le tribunal. L’audience est programmée au mardi 12 novembre.