Des rabatteurs aux candidats, les fausses procurations de la droite arrivent au tribunal
Ce lundi, 13 prévenus sont attendus au tribunal correctionnel de Marseille pour le procès dit des "fausses procurations" lors des municipales de 2020. Ce procès emblématique de la droite locale, qui rassemble notamment Yves Moraine et Julien Ravier, devra d'abord examiner une demande de renvoi.
Feuille d'émargement dans un bureau de vote à Marseille en 2021. (Photo : Emilio Guzman)
Le 11 juin 2020, la droite ne sait pas encore qu’elle va perdre la bataille des municipales à Marseille. Alors à deux semaines du second tour du scrutin, retardé puisque le pays est sous confinement, chaque voix compte. Chaque voix compte, au point que dans la presse ce jour-là, on apprend l’existence d’un système de “procurations simplifiées”, que la justice appellera, elle, “procurations frauduleuses”, au bénéfice de plusieurs têtes de liste du camp des Républicains emmené par Martine Vassal. Au lendemain des révélations du magazine Marianne et de France 2, le parquet de Marseille ouvre une enquête préliminaire.
Quatre ans plus tard, 13 personnes sont renvoyées devant le tribunal correctionnel. L’enquête, qui retient l’infraction de “faux et usage de faux”, a mis au jour un véritable système, massif, ayant permis de réunir des centaines de procurations. Au bénéfice des listes présentées dans deux secteurs : celui des 6e et 8e arrondissements et, dans une mesure bien plus grande encore, celui des 11e et 12e. Dans un Ehpad de Saint-Barnabé (12e), 56 procurations ont été signées dès le mois de mars sur le dos de résidents âgés, fragiles, malades et sans leur consentement.
L’enquête n’a pas retenu de charges à l’encontre de Martine Vassal, tête de liste dans les 6/8 et candidate à la mairie centrale. Ni contre la sénatrice Valérie Boyer, en seconde position dans les 11e et 12e arrondissements. Au final, seules deux personnalités politiques sont attendues à la barre. D’abord Julien Ravier, maire des 11/12 depuis 2017, réélu en 2020, avant d’être démis de son mandat par la justice administrative. Ensuite Yves Moraine, deuxième sur la liste des 6/8, ancien maire de secteur, qui a failli être jugé cet été via une procédure de plaider-coupable (CRPC). Procédure finalement retoquée à la dernière minute, car inadaptée aux délits dits “politiques”.
Ce lundi 23 septembre, il se pourrait que le sort judiciaire d’Yves Moraine et de ses 12 co-prévenus soit de nouveau retardé. En cause : l’état médical de l’un d’eux, Richard Omiros, directeur de cabinet du maire des 11/12 et présenté par les enquêteurs comme le “chef d’orchestre” du système des procurations frauduleuses. Un renvoi va être officiellement demandé à la barre ce lundi matin. Sans que l’on sache pour l’heure quelle suite y donnera le tribunal.
À l’Ehpad Saint-Barnabé, un procédé industriel
“L’aspect le plus abject de la procédure”, pour reprendre les termes des enquêteurs, s’est bien joué à l’Ehpad de Saint-Barnabé. L’ex-directeur de la structure, Taoufik El Khemiri, ainsi qu’un médecin, Amar Meskine, sont renvoyés devant la justice. Près de la moitié des résidents (56 sur un total de 117) ont été utilisés dans la manœuvre. L’analyse quasi statistique de ces procurations ne laisse pas de place au hasard. Les enquêteurs ont noté que sur 56 dossiers, 44 comportent des copies de cartes d’identité directement issues des registres administratifs de l’Ehpad, auxquels seule la direction a accès. Toutes sont accompagnées d’un certificat médical, toujours le même, signé du médecin Amar Meskine.
Les résidents sont décrits dans l’enquête comme des “personnes dépendantes ou fragiles”, parfois atteintes de “troubles cognitifs”, parfois souffrant d’Alzheimer, souvent maintenues à l’isolement pour cause d’épidémie galopante de Covid-19. Au final, seuls 20 résidents étaient en état d’être entendus par les enquêteurs durant leurs investigations. Et seuls trois d’entre eux ont pensé reconnaître leur signature. D’autres sont décédés depuis. La fille d’une résidente explique au cours de la procédure comment elle s’est assurée que personne n’aille voter “pour [sa] mère” aux deux tours, après avoir eu vent que l’ancien directeur de l’Ehpad, Taoufik El Khemiri, avait demandé à ce que tous les résidents soient inscrits sur les listes. Une forme d’opération citoyenne, avait-il indiqué.
Du côté des mandataires, ils sont 47 à affirmer durant l’enquête penser avoir pris la procuration de simples séniors en incapacité de se déplacer. Ils avaient été contactés par l’équipe de campagne de Julien Ravier, avec pour consigne de voter pour le maire de secteur sortant. Parmi eux, on compte 20 fonctionnaires territoriaux, dont trois colistiers de Julien Ravier. Enfin, toutes les procurations de l’Ehpad ont été enregistrées par le même commandant de police, Roland Chervet, sur ses jours de congés. En tout, le fonctionnaire est à l’origine de 194 procurations irrégulières.
Dans les 11/12, des dysfonctionnements en série
Pour analyser les 138 procurations validées par le policier, en plus du lot provenant de l’Ehpad, les enquêteurs se sont concentrés sur un “échantillon” de 12 mandataires, des anonymes, des “pions”. Comme ce certain M., qui a établi une dizaine de procurations et qui, à ce moment, cherchait un logement social. “Il lui avait été conseillé par plusieurs personnes de rapporter des procurations à la permanence pour se faire « bien voir » et obtenir plus facilement un logement”, rapportent les enquêteurs.
Avant même le second tour, la justice avait déjà reçu plusieurs alertes. Comme celle adressée par une commission de contrôle des élections, qui rapportait des dysfonctionnements liés à des procurations dans trois bureaux de vote du 12e arrondissement. Lors du premier tour, “certains mandataires [s’étaient présentés] sans savoir qui était leur mandant, d’autres recevaient des SMS leur indiquant le nom de leur mandant”, écrivent les enquêteurs.
Enfin, l’enquête a identifié une cellule de rabatteurs dans le quartier des Caillols, autour de deux militants associatifs, Karim Rebouh et Rémi Matar, qui ont été félicités d’être des “monstres de la procu” par Julien Ravier lui-même, par SMS. Une vingtaine de procurations auraient été réunies par ce procédé, récoltées auprès de jeunes du quartier.
Dans les 6/8, une politique “agressive”
Dans les 6e et 8e arrondissements en revanche, il semblerait que c’est surtout l’assouplissement des procédures de procuration, décrétées dans l’entre-deux-tours, qui aurait encouragé le début de la fraude. Le 17 juin 2020, en pleine crise du Covid-19, un décret vient faciliter la création de procurations à distance. Dès le 18 juin, les personnes souhaitant établir une procuration peuvent signer le document de chez elles, sans fournir de certificat d’impossibilité de déplacement.
Dans les 6/8, plusieurs mis en cause et témoins rapportent qu’Yves Moraine aurait incité ses colistiers à s’emparer du dispositif. Lors d’une réunion, un objectif de 1000 procurations aurait été posé par le candidat. Avocat de profession, “ses propos étaient crédibles et tous les colistiers lui faisaient confiance”, rapporte une colistière. Cette dernière a assuré qu’Yves Moraine lui-même lui avait conseillé de rencontrer l’équipe de campagne des 11/12 pour voir comment le système s’était établi là-bas. Là-bas, le directeur de cabinet du maire des 11/12, Richard Omiros, expliquait que les procurations pouvaient ensuite être centralisées au commissariat du secteur. Roland Chervet, le policier, en a enregistré une trentaine en provenance des 6/8.
Dans un premier temps, Yves Moraine a nié être à l’origine de cette politique “agressive” de procurations, qu’il impute à la direction de son équipe de campagne. Il finira par admettre son implication, au point, donc, d’être prêt à plaider coupable. L’ancien maire de secteur fait partie, avec Julien Ravier, de ce que les enquêteurs appellent les premiers “bénéficiaires” de la fraude organisée par Richard Omiros. Viennent ensuite les “coordinatrices”, Joëlle Di Quirico, colistière de Julien Ravier, habilitée par le tribunal judiciaire à établir les procurations en tant que “tiers délégué”, et Christel Simonetti, colistière de Martine Vassal dans les 6/8.
Enfin, les motivations du “poinçonneur” Roland Chervet, le policier aux 194 procurations, restent floues aux yeux des enquêteurs. Le fonctionnaire semble n’en n’avoir tiré aucun enrichissement financier. C’est ce qu’il a assuré au cours de l’enquête, en précisant par exemple que lorsqu’il avait sollicité Julien Ravier pour favoriser l’affectation de collège de sa fille, cela n’avait pas fonctionné. En l’absence de motivations financières, ce qui réunit avant tout les 13 prévenus du dossier, c’est donc bien une certaine idée de la politique et de son exercice.
Commentaires
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Début du match “aller” avec la droite marseillaise et bientôt le match ” retour” avec la gauche marseillaise.
Ça c’est de la politique !
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Pour l’instant c’est la droite, restez donc cincentre là-dessus, merci!
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*concentré
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Elle a bien de la chance de passer toujours entre les gouttes, Notre-Dame de la Procuration. Dans l’attribution du marché de l’eau à Veolia tout comme dans cette affaire de fraude, elle est évidemment blanche comme sur ses affiches électorales de 2020.
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Une mécanique de fraude qui continuerait tranquillement sans l’intervention de France 2 et Marianne. Mécanique qui protège la plus haute de la meute et lui permettra de se présenter en 2026, vêtue de probité candide et de lin blanc. Mécanique qui inclut un élément de la police, ceux qui tiennent les flashball quand le peuple ose s’exprimer. Et ceux qui sont censés veiller sur nos vieux. Rassurant. Gageons qu’on ne va pas s’ennuyer d’ici les Municipales.
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Julien Ravier et Yves Moraine sont un peu nos Alain Juppé (qui a payé les malversations de Chirac pour les emplois fictifs à la ville de Paris). La prestance intellectuelle en moins, on peut être sûrs qu’ils ne finiront pas leurs carrières au Conseil Constitutionnel.
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Allez ruedelapaixmarcelpaul, ne soyez pas timide et ouvrez votre champ de vision gauche , vous factorisez la droite marseillaise par -1 et la gauche a les mêmes pratiques déplorables.
Le personnel politique marseillais est prêt à tout pour garder les postes et la gamelle. Car que savent t’ils faire d’autre ? : Rien.
Alors on trafique, on triche,on manipule.. Et je ne parle même pas de morale , nous sommes dans la politique de la panse C’est Marseille bébé
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bien sûr vous avez absolument toutes les preuves de ce que vous annoncez !
sinon ça fait discussion de comptoir et vous n’êtes pas gourio…moins marrant et encore moins “bref” !
(brèves de comptoir – jean marie gourio…vous l’avez ? ha ha ha)
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Alceste, restez concentré sur l’affaire en cours. Quand ce sera le tour de la gauche, le tribunal via la presse nous préviendra.
A moins que vous n’incarniez le procureur de Marseille, auquel cas il vaudrait mieux vous taire, devoir de réserve oblige.
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Personnellement, je suis concerné par ce dossier. Ma mère, décédée depuis, à fait partie des personnes qu’on a fait voter sans son assentiment ( elle avait perdu la tête) et avec la copie administrative de sa carte d’identité, l’original étant chez moi.
J’ai d’ailleurs été interrogé par la presse à l’époque.
Je n’oublie pas.
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Des comportements honteux vis à vis des personnes âgées qui en plus avaient des difficultés de compréhension.
De sales types et typesses.
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habitant le secteur très voisin, la population avait été très choquée et j’espère qu’une publicité maximum sera faite.
on peut comprendre sans l’excuser, ni l’admettre, qu’ils aient fraudé. ils seront punis ; probablement comme d’habitude…..pas trop quand même. ( “ya pas mort d’homme” )
mais par ailleurs, quel est l’esprit malade qui a eu l’idée de manipuler les résidents d’un ehpad ?
mais s’attaquer à des personnes vulnérables de la sorte, profiter de leurs faiblesses, c’est immonde. ca dénote une inhumanité incroyable.
à gerber, il faudra se souvenir du nom de ces gens là !
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la droite n’arrête pas de nous dire que les fraudeurs sont les pauvres et les immigrés mais là ?
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Excellent commentaire !
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En plus si j’ai bien compris ils ont utilisé des petits jeunes des cités pour rabattre des voix dans ces milieux populaires que ces élus de droite exècrent et méprisent pourtant. Clientelisme, manipulation. C’est dégueulasse.
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Dans un bureau de vote du 7ième, j’ai vu quelqu’un accompagner dans l’isoloir une vieille personne qui ne comprenait rien à ce qui se passait, incapable de choisir elle même un bulletin
j’ai alerté le président du bureau, qui a préféré fermer les yeux
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À quelle élection ?
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