La mairie offre une tournée en bus pour prouver que son “plan écoles” avance
Benoît Payan et le préfet de région ont invité la presse à visiter trois des cinq nouveaux établissements de la rentrée, en attendant de nouvelles inaugurations l'an prochain. Trois ans après son lancement, leur plan conjoint prend de l'ampleur mais laisse encore une bonne part du chemin à parcourir.
Le préfet Christophe Mirmand et le maire Benoît Payan à l'école Malpassé-Les Oliviers, présentée par Anne Michel (SPEM).
C’est ce qu’on appelle une synchronisation du tonnerre. Ce mercredi, dans la cour de la nouvelle école Marceau, à la Belle de Mai (3e), maire et préfet font face, peut-être pour la dixième fois de la matinée aux caméras, afin de vanter l’avancée de ce qui est désormais qualifié de “plan écoles du siècle” dans leur communication commune. Interrogé sur le bilan qu’il livrera à Emmanuel Macron, le préfet Christophe Mirmand se félicite : “Trois ans presque jour pour jour après le discours du président de la République au Pharo, nous avons des réalisations tangibles.” L’affirmation est saluée par un grondement jupitérien qui amuse son voisin.
S’ils ne maîtrisent pas les éléments, Benoît Payan et son équipe avaient tout organisé pour donner à voir les premières concrétisations de la société publique des écoles de Marseille, l’outil monté en commun avec l’État. Deux jours après une rentrée plus classique, autour de la distribution des kits de fournitures aux élèves et du renforcement de l’animation périscolaire, place à la preuve par trois, avec la visite d’une partie des cinq nouveaux établissements.
Séquence souvenirs
Mon prédécesseur, paix à son âme, vivait dans un monde Potemkine.
Benoît Payan
La matinée démarre dans le bureau du maire, où s’alignent une vingtaine de journalistes. “On oublie d’où on est partis”, entame le maire, qui s’emploie à rafraîchir la mémoire collective. “Je me souviens des centaines d’enfants pas inscrits le jour de la rentrée, des milliers qui n’étaient pas inscrits à la cantine avant des semaines et de l’état de délabrement des écoles. (…) L’hiver où il fait 15 degrés, l’été où il fait 40, la pluie dans les classes, les préfabriqués qui perdurent…”
Cet état des lieux, les médias, dont Marsactu, l’avaient largement documenté, avant un rapport définitif de la chambre régionale des comptes en 2019. “Cette question des écoles, c’est notre première responsabilité, c’est notre priorité, c’est le sens de l’engagement de beaucoup de gens dans cette majorité, c’est le début de notre aventure”, considère le maire. Cette prise de parole, à mi-chemin entre la conférence de presse et la confidence de près, se poursuit pendant plusieurs minutes et l’élu glisse sur un sujet qu’il évite depuis qu’il a revêtu l’écharpe tricolore : Jean-Claude Gaudin. “Mon prédécesseur, paix à son âme, vivait dans un monde Potemkine. Sa dernière rentrée a eu lieu dans une école où son passage à pied était borné et où les services avaient refait les salles où il devait passer”, cingle-t-il.
Malpassé-Les Oliviers, avant-après
Au moment de monter dans l’un des trois minibus chargés de convoyer journalistes et officiels pour trois visites d’écoles, l’anecdote appelle une association d’idées. La dernière fois qu’un maire avait organisé ce type particulier de sortie scolaire, le plan com’ avait mal tourné. Les écoles Potemkine n’étaient pas si irréprochables et, surtout, les parents s’étaient invités pour témoigner des mauvaises conditions d’accueil de leurs enfants.
Huit ans plus tard, le risque de fiasco est moindre. Les trois écoles sont neuves (l’élémentaire Abeilles dans le 1er et le groupe scolaire Marceau dans le 3e) ou complètement rénovée (le groupe scolaire Malpassé-Les Oliviers, dans le 13e). Et le déni catégorique de l’ancienne majorité a laissé place à une priorité de campagne et donc de mandature.
Deuxième étape du tour, Malpassé-Les Oliviers occupe un statut particulier. La cour plantée, bordée d’alcôves, les brasseurs d’air et autres évolutions vues et revues ces derniers mois prennent ici une résonance plus forte : on peut s’y livrer à l’exercice avant-après. Lors de l’inspection de l’établissement par des cabinets d’audit en 2019, 61 points “critiques” avaient été relevés, un record à l’échelle de la ville. Quand on lui demande de décrire comment c’était avant, Benoît Payan semble saisir l’idée au bond et réclame des photos à son équipe. “C’étaient des sanitaires qui ne fonctionnaient plus, de l’amiante… Et comme la structure métallique était déformée, les fenêtres n’étaient plus étanches. La concierge taillait des bouts de bois pour faire de l’étanchéité. Elle était très fière et c’est vrai que c’était une bonne idée”, se remémore-t-il. En tout cas pour du système D.
Cette déformation de la structure est symptomatique des écoles dites “GEEP”, qui concentrent une part importante des problèmes du parc. Dans cette catégorie, le chantier du groupe scolaire Oasis-Aygalades (15e) a aussi été livré pour cette rentrée et trois autres vont suivre pendant l’année 2025.
Comme une réponse à la droite
L’adjoint aux écoles n’inaugure guère que les écoles créées lors du mandat précédent.
Le groupe d’opposition Une volonté pour Marseille
“En général, dans une grande ville, quand on fait quatre écoles dans le mandat, c’est qu’on a plutôt bien travaillé. On en a livré 17 en quatre ans”, chiffre Benoît Payan, comme réponse aux critiques de l’opposition sur l’immobilisme. Dans sa série trombinoscope de l’exécutif municipal, publiée pendant l’été, le groupe de Martine Vassal affirmait que l’adjoint aux écoles Pierre-Marie Ganozzi “n’inaugure guère que les écoles créées lors du mandat précédent”, tandis que s’accumulaient les “retards dans les travaux”.
La rentrée scolaire approche, les écoliers sont prêts… Mais pas la majorité municipale ! Malgré une aide massive de l’État, elle n’a pas tenu ses promesses pour les petits Marseillais et leurs familles. Résultat ➡️ des établissements en piteux état et un personnel en souffrance. pic.twitter.com/3Jp7d20c3E
— Une Volonté Pour Marseille (@UVPMarseille) August 26, 2024
Dans les 17 écoles revendiquées par Benoît Payan, on trouve effectivement des projets déjà bien mûrs lors de l’alternance (Dromel, Saint-Louis gare) ou réalisés par d’autres même si la Ville les paie (la cité scolaire internationale, notamment). Mais, en cette rentrée, l’équipe municipale engrange des premiers projets qui portent davantage sa marque, et celle de la société publique des écoles de Marseille (SPEM), créée en commun avec l’État pour porter le plan. Et, sauf accident, le chemin des 12 prochaines écoles livrées, pour certaines dès novembre ou janvier, est balisé.
La suite dépend de la capacité de la SPEM à passer à l’échelle supérieure. Après cette première vague en cours de finalisation, elle planche actuellement sur la deuxième — 33 écoles — dont aucun chantier n’a démarré. Elle est pourtant attendue pour la dernière année du mandat, en 2026. Ou 2027, esquisse désormais la communication municipale. Une vague après l’autre, la SPEM s’est déjà vue confier la tâche de lancer les études de la troisième, avec 2028 comme date butoir. Initialement composée de 38 écoles, la liste de cette dernière est rallongée à 42. Quatre autres devraient suivre, en cadence régulière, pour tenir le total de 188 écoles en onze ans, et non plus dix.
Des réserves et des hic
La prochaine vague annoncée, a priori dans les mois qui viennent, devait initialement constituer un pic, à 64 écoles. “C’est comme en surf, on prend les vagues de plus en plus hautes”, image Benoît Payan, qui reconnaît que “c’est celle-là qu’il faut le plus affiner”. Déjà, le directeur général de la SPEM a émis des réserves sur l’amplitude du pic. “Il y a ce jeu d’équilibre à trouver entre l’objectif politique, qui fait consensus et correspond à une vraie demande, et avoir une maîtrise technique de sa mise en œuvre”, expliquait Vincent Bourjaillat dans nos colonnes en avril. Depuis, Marsactu a pu confirmer que ce haut fonctionnaire était sur la sellette, et c’est en son absence notable que la visite s’est déroulée.
De la Belle de Mai à Saint-Charles, celle-ci recèle quelques indices de la complexité du plan. À Marceau, de son nom provisoire, l’effet avant-après est un peu faussé par la persistance de l’avant, l’école Busserade-Masséna, dont les élèves ont migré de quelques dizaines de mètres en septembre. “Notre volonté, c’était d’offrir aussi le beau, quel que soit le quartier. On le touche ici du doigt : ce n’est pas la même chose d’étudier dans ces conditions [à Marceau] que dans des algécos au pied d’une caserne désaffectée”, formule le maire, dans le confort de l’école neuve. Problème : d’ici un ou deux ans, Busserade-Masséna va reprendre du service pour accueillir les élèves de l’école élémentaire National, qui doit être complètement restructurée. Le cas est différent, argue le maire. “Cela ne peut être fait que pour une école tiroir le temps de travaux, deux ans, pas douze comme c’était le cas.” Mais à moins de 100 mètres, une autre école provisoire, Ahmed-Litim, apporte encore sa contribution au grand mikado du plan écoles, dans ce quartier où la pression démographique est intense.
Aux Abeilles, entre la gare et les Réformés, la pression n’est pas moindre et le tiroir est déjà ouvert. La nouvelle école accueille sept classes en provenance de l’ancienne, située de l’autre côté de la rue et appelée à une rénovation dans la vague 2. Dans les mots de l’architecte José Morales, la complexité du chantier s’éclaire : “Nous sommes dans un bâtiment Second Empire, dont il a fallu respecter l’enveloppe, en travaillant avec l’architecte des Bâtiments de France”, explique-t-il. Sur ce terrain de 500 mètres carrés, entouré d’immeubles de toutes parts, tout a été pensé au cordeau pour développer 2500 mètres carrés de surface. “Ici, vous ne pouvez pas couler du béton, il a fallu le faire venir des Alpes, vous ne pouvez pas avoir trop d’artisans en même temps, tout est plus compliqué”, poursuit Benoît Payan. Sans compter sa grande crainte : toucher à la structure d’autres immeubles en faisant les travaux. Des conditions qui tiennent du défi que le plan écoles retrouvera de plus en plus sur sa route lors des prochaines vagues.
Commentaires
L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.
Vous avez un compte ?
Mot de passe oublié ?Ajouter un compte Facebook ?
Nouveau sur Marsactu ?
S'inscrire
“Ici, vous ne pouvez pas couler du béton, il a fallu le faire venir des Alpes, […]”
Des Alpes ?
Se connecter pour écrire un commentaire.
Marsactu, vous confirmez? Le ciment provient bien des Alpes ou c’est une erreur?
Se connecter pour écrire un commentaire.
L’article parle de beton
Se connecter pour écrire un commentaire.
Je ne comprends pas bien l’article…
Se connecter pour écrire un commentaire.
Effectivement cet article a sûrement un sens mais lequel ?. Payan annonce que la vague va être de plus en plus haute donc des difficultés en perspective ,donc des délais difficilement tenables.Ou alors il s’autoprescrit une bonne vieille méthode Coué des familles?.
Le DG qui se fait porter pâle ou convié à rester à la maison,pas bon tout cela.
La campagne des municipales est précoce contrairement aux résultats.
Se connecter pour écrire un commentaire.
Je trouve que c’est une belle opération, bien menée vu de loin,
avoir mis en place une société dédiée a permis d’accélérer les cadences;
j’espère que les ingénieurs et archi sont à fond
Bravo
Se connecter pour écrire un commentaire.