MARSEILLE : LE MOUVEMENT, LE CONFINEMENT, L’ÉCHANGE

Billet de blog
le 16 Août 2024
0

Marseille est exposée à un risque : la disparition de l’urbanité, menacée par le risque de la fragmentation, du morcellement de la ville en raison de la disparition des échanges.

Les échanges ont construit Marseille

Toutes les villes se sont construites sur les échanges : c’est l’échange qui a donné naissance à la ville comme fait social, économique, culturel – mais aussi géographique. Les villes se sont formées par la rencontre de peuples et d’habitants qui échangeaient entre eux des biens grâce au commerce, des paroles et des mots grâce à l’information et à la communication, qui menaient des débats grâce à la politique, l’art de la polis, l’art de la ville. Comme Marseille est un port, né de la rencontre entre l’étranger et l’habitant local, de la rencontre entre Protis et Gyptis, l’identité de la ville s’est toujours exprimée dans l’échange. Après tout, c’est tout de même dans cette ville qu’est née La Marseillaise, le chant dans lequel, encore aujourd’hui, se reconnaît la nation française. Mais, si les échanges ont construit la ville, leur diminution la menace. Ce qui met Marseille en danger, c’est qu’elle pourrait bien ne plus se situer au cœur des échanges qui façonnent le monde méditerranéen et qui forgent son identité. Le soi-disant plan « Marseille en grand » imaginé par un dirigeant qui n’est même pas de Marseille, mais qui cherche à l’imposer à la ville, ne donne pas assez de place à l’ouverture vers l’autre, mais prétend faire retrouver sa richesse et sa grandeur à la ville sans la laisser développer les échanges, alors que, de nos jours, les échanges continuent, mais sans être les mêmes qu’auparavant. Alors qu’au temps de sa richesse, les échanges unissaient Marseille au reste de la terre en lui donnant une place dans le monde, les échanges ne se situent plus seulement ainsi, mais c’est au sein même de l’espace urbain que Marseille doit poursuivre sa politique d’échanges et de relations. Les échanges ont construit Marseille et ils doivent poursuivre ce « grand œuvre », mais c’est entre les habitantes et les habitants qui y vivent que Marseille doit retrouver le sens de l’échange. C’est devenu une urgence.

 

La fragmentation et la disparition de l’identité

C’est que Marseille s’est morcelée. Entre les quartiers riches du Sud et les quartiers pauvres du Nord, entre les quartiers abandonnés et les quartiers en développement, entre les quartiers bien entretenus et ceux qui le sont moins, Marseille s’est fragmentée en petits morceaux qui ne se reconnaissent plus et qu’il devient urgent de réunir en un espace urbain dans lequel ils puissent se retrouver. L’identité de la ville n’est plus commune à ces fragments de ville que sont devenus les quartiers, elle n’est plus partagée entre eux parce que les conditions de vie y sont devenues trop différentes et les projets d’urbanisme trop inégalement partagés pour que l’on puisse parler d’une politique de ville commune. L’identité marseillaise s’est fragmentée : comme une pièce de vaisselle qui se serait cassée en tombant à terre, Marseille a éclaté en une multiplicité de petits fragments de ville qui ne se reconnaissent plus entre eux, qui ne communiquent plus, qui n’échangent plus entre eux. Ont-ils seulement des mots communs, une langue commune, des sites partagés ? C’est la culture de la ville qui finit par ne plus être commune aux cités des quartiers Nord et aux « beaux quartiers » du Prado, qui finit par ne plus être partagée entre les quartiers qui vivent du port et ceux qui vivent de la culture et du spectacle. L’identité marseillaise n’a plus de spectacles communs pour se retrouver, et cela explique l’enthousiasme qu’a suscité la reconnaissance de Marseille comme lieu partagé d’une partie des Jeux olympiques de 2024. À défaut d’une fierté qui s’exprimerait dans la durée grâce à des activités économiques et à des métiers présents dans la permanence d’une activité ancrée dans la ville, ce sont les « strass et paillettes » des Jeux olympiques qui ont pu donner l’ »illusion d’une ville redevenue grande.

 

Le morcellement et l’enfermement des quartiers sur eux-mêmes

Ce qui guette Marseille de nos jours, c’est le repli sur soi de celles et de ceux qui vivent dans la ville et qui la font vivre. Trop d’inégalités, trop de différences séparent les quartiers de la ville et les éloignent les uns des autres par des préoccupations tellement différentes qu’elles les séparent au lieu de pouvoir les réunir. Les quartiers se sont refermés sur eux-mêmes en n’ayant, peu à peu, plus rien à échanger les uns avec les autres. Au lieu d’être un réseau qui réunit les lieux de la ville et celles et ceux qui y vivent, les transports publics sont de moins en moins des « transports en commun ». Alors que la ville a fondé son identité sur l’échange, elle est en train de la perdre faute d’échanges économiques et symboliques propres à réunir les habitantes et les habitants. Les quartiers de la ville ne se reconnaissent plus les uns les autres, et il faut le sport pour que la ville retrouve un peu de fierté, du temps de la gloire de l’O.M. ou du temps des Jeux olympiques d’aujourd’hui. Mais il faut prendre garde au fait que cette gloire et cette fierté ne se situent que dans un spectacle offert aux habitantes et aux habitants et non dans la réalité d’une activité vraiment commune et partagée. Une fois passé le moment de la gloire, il est à craindre que les quartiers ne retrouvent leur enfermement, leur confinement. Au lieu d’un « Marseille en grand » qui n’existe, pour le moment, que sur du papier, il faut que les emplois et les activités reviennent dans la ville pour la faire vivre. Pour qu’ait réellement lieu le retour d’une richesse, d’une culture, d’une grandeur et d’une ambition partagée, il faut que les sites de la ville et celles et ceux qui y vivent retrouvent les lieux pour échanger, les transports pour s’y déplacer, les mots pour se parler : Marseille doit réapprendre à « faire ville ».

Commentaires

L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.

Vous avez un compte ?

Mot de passe oublié ?


Ajouter un compte Facebook ?


Nouveau sur Marsactu ?

S'inscrire