MARSEILLE ET LES BOUCHES-DU-RHÔNE À L’ISSUE DU PREMIER TOUR

Billet de blog
le 5 Juil 2024
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Donc, c’est fait : Marseille a voté pour le premier tour des élections législatives. Le second tour aura lieu dimanche prochain. Quels enseignements pouvons-nous tirer de ce premier tour ?

Élections européennes juin 2024 (Photo : JV)
Élections européennes juin 2024 (Photo : JV)

Élections européennes juin 2024 (Photo : JV)

La participation électorale

La participation à ce premier tour s’élève à plus de 60 %. Certes, ce n’est pas un mauvais chiffre, les électeurs se sont déplacés pour dire qu’ils ne voulaient pas du R.N., mais, surtout, pour dire leur intention de prendre pleinement part aux processus politiques en cours dans notre pays, et, plus encore, dans notre métropole. La participation a été, à Marseille, nettement plus importante que lors des élections législatives de 2022. Comme si la dissolution et la menace du R.N. ressentie pendant la campagne avaient éveillé les citoyennes et les citoyens et les avaient rappelés à leur devoir électoral. Toutefois, on ne peut pas, pour autant dire, qu’il s’agit d’une participation très élevée. Une sorte de hiatus, de décalage, semble se confirmer entre la vie politique et les habitantes et les habitants de la métropole. Cela peut manifester le désir d’exprimer la participation à la vie sociale d’une autre manière que par les procédures institutionnelles comme les votes. Mais cela peut aussi manifester un éloignement des institutions, dont on pourrait trouver une autre trace dans la polémique suscitée par les conditions dans lesquelles le Nouveau Front populaire a investi des candidats dans certaines circonscriptions de la métropole – en particulier dans la cinquième.

 

Le R.N. à Marseille

Comme partout en France, le R.N. est le vainqueur de ce premier tour. Il est le parti qui bénéficie du plus grand nombre de voix. Mais, d’abord, répétons-le, il faut ramener le nombre des voix qu’il a obtenues à une participation qui n’est que d’environ 60 %, et, surtout, il ne s’agit pas nécessairement d’une implantation massive. Sans être toujours élevé, une sorte d’arrière-plan d’extrême droite est sous-jacent depuis longtemps dans la politique marseillaise, que l’on peut expliquer de deux façons. D’abord, Marseille connaît une situation critique sur le plan économique et social, et cette situation de crise pousse à la recherche de sortes d’idoles d’autorité manifestant des imaginaires fondés sur l’idéologie de la force et de la violence du R.N. Par ailleurs, cette situation du R.N., qui est, d’ailleurs, la même que partout en France, est une illustration de plus du décalage entre la vie politique et celles et ceux qui vivent à Marseille et dans la métropole. La force du R.N. peut se lire comme l’expression d’un rejet des partis politiques légitimes dans l’espace marseillais. Depuis un certain 21 avril 2002, le R.N. a conquis, plus peut-être à Marseille qu’ailleurs dans le pays, une légitimité qui ne lui était pas reconnue.

Le Nouveau Front populaire

Le Nouveau Front populaire est une union des partis de gauche constitué pour ces élections législatives, fondé sur ce qu’avait été la NUPES. D’abord, son nom est un emprunt à l’histoire et à l’épisode très important de la troisième république que constitua le Front populaire de 1936, avec le gouvernement dirigé par L. Blum, à l’origine de nombreuses recompositions sociales dans notre pays. Cette année, le Front populaire entendait marquer une rupture avec les politiques « classiques » d’union de la gauche. À Marseille, il s’agit d’une recomposition des identités classiques de gauche que représentent les Insoumis, le P.S. et le P.C.F. On doit noter que deux candidats du N.F.P. issus de la France insoumise ont été élus à Marseille dès le premier tour, M. Bompard et S. Delogu, et que d’autres candidats comme H. Davi dans le 5ème arrondissement de Marseille semblent bien placés pour le deuxième. Le Nouveau Front populaire représente, à Marseille, une sorte d’issue à la crise économique et sociale de la ville, comme une façon, pour la vie politique, de réparer le décalage observé avec le succès du R.N. Le N.F.P. est une réponse politique légitime grâce à laquelle les habitantes et les habitants de la ville et de la métropole peuvent se retrouver dans des figures de la vie politique, ce qui explique son relatif succès.

 

Les autres partis

Comme dans le reste du pays, ce premier tour des élections législatives aura marqué un rejet de la politique menée par le président E. Macron, dont la majorité n’en est plus une. Les candidats d’Ensemble (le regroupement du parti macronien Renaissance, du MODEM de F. Bayrou et du parti fondé par l’ancien premier ministre É. Philippe, Horizons) sont très mal placés à l’issue du premier tour, et, dans la ville et le reste de la métropole. En ce sens, le pari macronien est un échec. Cela permet de comprendre le succès du R.N. davantage comme un rejet de la politique macronienne que comme une véritable adhésion. Sans doute aussi peut-on lire ce rejet comme une manifestation d’un autre décalage, celui qui éloigne le macronisme des spécificités et des aspirations de la politique de Marseille et de la métropole.

 

Quelles leçons de ce premier tour pour demain ?

On peut tirer deux leçons de ce premier tour pour le second. D’abord, il est nécessaire que les partis saisissent l’occasion de ces élections législatives pour formuler de véritables projets pour Marseille. Même s’il est vrai qu’ils avaient disposé de peu de temps en raison de la dissolution, il demeure qu’ils n’avaient pas assez pensé leur projet pour Marseille et pour la métropole depuis 2022, alors qu’une recomposition politique de Marseille avait été engagée (ou aurait dû l’être) à l’occasion de l’élection présidentielle. La deuxième leçon importante à tirer de ce premier tour est la nécessité d’un véritable ancrage marseillais de la politique nationale. À cet égard, le succès de M. Bompard et de S. Delogu montre bien que certains partis ont su, plus que d’autres, « parler le marseillais ». Peut-être ces élections constitueront-elles l’amorce de nouvelles identités politiques pour la ville et pour la métropole. Le soi-disant plan « Marseille en grand » d’E. Macron semble oublié et, au contraire, c’est d’un projet issu localement de leurs habitantes et de leurs habitants que la ville et la métropole ont besoin. Il faut que les marseillaises et les marseillais retrouvent, enfin, leur voix, leurs mots et leur parole.

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