Lieux Publics : l’aventure extérieure
À un peu plus d’un an de son arrivée à la direction de Lieux Publics, Alexis Nys a la tête sur les épaules et les idées en ébullition. 2024, c’est l’année des quarante ans de ce Centre national des arts de la rue, dont le nouveau directeur célèbre lui aussi ses quarante printemps, « mais ça c’est une autre histoire », souffle-t-il. Il nous raconte plutôt l’histoire du lieu, et de ses nouveaux projets.
Alexis Nys. (Lieux Publics)
Lieux Publics fusionne en 2022 avec l’APCAR, l’Association pour la Cité des arts de la rue — créée par Michel Crespin, « son père fondateur », afin de coordonner le site regroupant une petite dizaine de structures culturelles. L’idée est de renforcer l’équilibre des deux structures, afin que la plus solide, Lieux Publics, soutienne la plus fragilisée. Les équipes aussi ont fusionné, sauf les directions qui ont quitté le navire pour diverses raisons. Selon Alexis Nys, un temps est nécessaire en post-fusion, pour retrouver un régime permanent. « On est encore en train de digérer cette transition », constate le nouveau directeur. Il s’agit là en effet de deux cultures d’entreprise différentes, entre grosse machine d’une part et bricole de l’autre, un fonctionnement avec lequel le tout nouveau quadra était jusqu’alors plus familier.
Spécialiste des arts de la rue depuis une vingtaine d’années, Alexis Nys a œuvré longtemps au développement de compagnies artistiques. Il a notamment travaillé avec Animakt en Île-de-France, un lieu de fabrique pour les arts de la rue qui développe un lien fort avec le territoire et ses habitantes. L’ancrage territorial est l’une des lignes de force de son projet pour la Cité des arts de la rue, déjà bien développé par ses prédécesseurs mais qu’il souhaite davantage étendre sur le territoire des quartiers Nord, avec les voisins et voisines. Le marché du Dimanche aux Aygalades, rendez-vous identifié et apprécié, et les actions culturelles déjà en route participent à l’ouverture du lieu sur l’extérieur, et Alexis Nys entend bien continuer sur ce chemin-là. Il sait pouvoir compter sur une équipe solide, quand lui a une posture plus « politique », à enchaîner les réunions tout en poussant une direction afin d’asseoir une ligne claire quant à son nouveau projet : « L’équipe est là pour porter plein de choses, ça fonctionne bien, et visiblement de mieux en mieux. »
Transition écologique
Le nouveau directeur, plus souvent en mouvement qu’assis derrière son bureau, propose que la rencontre se fasse tout en visitant ce vaste lieu qu’est la Cité des Arts de la Rue. En commençant par ce coin de verdure où chante une rivière, le ruisseau des Aygalades. On descend en direction de la cascade, en contrebas de la Grande Halle. « L’APCAR a grandi en valorisant le ruisseau, notre curiosité principale ». Le cours d’eau et ses abords sont réhabilités grâce à un chantier d’insertion mené avec une dizaine de personnes éloignées de l’emploi, investies dans des missions d’aménagement paysager et d’entretien général du site. Au bout du chemin qui mène à la cascade, on découvre un coin paisible et frais, la surface de l’eau est très souvent jonchée de bouteilles en plastique et autres déchets, qui reviennent avec le courant dès qu’il pleut. Le collectif des Gammares et le Bureaux des Guides œuvrent particulièrement à la sensibilisation et la mise en valeur du ruisseau, et le parcours pour y descendre est jalonné de mécanismes artistiques à actionner. Ce « petit joyau » qu’est le ruisseau donne la capacité au site à travailler sur la transition écologique.
« Comment un lieu culturel dans les quartiers Nord de cette ampleur-là peut être autre chose qu’un lieu de fabrique pour les artistes ? »
Un point crucial pour Alexis Nys, arrivé à la Cité des arts de la rue avec un projet de rénovation pour transformer le site et l’adapter à ce niveau-là (isoler les bâtiments, récupérer les eaux de pluie, etc.). Une occasion aussi, et un autre point important pour le nouveau directeur, d’ouvrir la Cité aux publics de façon plus permanente. Il imagine, d’ici les cinq années à venir, un lieu qui puisse accueillir plus régulièrement des initiatives autres que celles des artistes professionnels. « Comment un lieu culturel dans les quartiers Nord de cette ampleur-là peut être autre chose qu’un lieu de fabrique pour les artistes ? », s’interroge le nouveau directeur. Le but ultime n’est pas de faire venir les gens du centre-ville, « même si ça participe à une dédiabolisation des quartiers Nord », sourit-il.
Hybride et multiple
Le site de 36 000 m2, hybride et multiple, se veut aussi centre d’intérêt pour les gens du quartier. Des commissions citoyennes participatives ont d’ailleurs lieu depuis presque un an, à raison de deux à trois fois par an, avec les voisins et par l’intermédiaire des centres sociaux, entre autres, pour récolter les envies des habitant·es. Au moment du Covid, une dynamique sociale et solidaire a émergé, la Cité devenant une plateforme de solidarité pour la distribution alimentaire, et voyant grandir la collaboration entre les structures résidentes, à raison d’une dizaine de structures. Le lien social et son ancrage dans les quartiers alentours revêt une dimension importante du projet d’Alexis. En ce sens, Lieux Publics contribue à la mise à en œuvre et à la programmation artistique des fêtes de quartier de la Visitation et des Ayagalades les 18 et 25 mai. Les Ateliers Sud Side ont œuvré à la construction de manèges avec les habitant·es, par le biais du chantier d’insertion, donnant naissance au spectacle Jour de Fête, présenté pour la première fois le 9 mai à l’occasion du passage de la flamme olympique à Marseille.
Côté programmation, le nouveau directeur a « bien conscience que le premier semestre est un peu chargé. » Tandis que l’automne sera « plus international » — via le réseau In Situ piloté par Lieux Publics —, ce début d’année a fait place à de jeunes compagnies, marseillaises mais pas que (et d’importants projets de territoire de Martigues à Port-de-Bouc, un grand évènement d’ouverture de la Biennale d’Aix, deux spectacles à l’Estaque… Une programmation riche aux formes hybrides — à aller voir de plus près si ce n’est pas déjà fait — avec des partenariats qui se multiplient pour décloisonner les pratiques, à l’instar de projets d’arts numériques menés avec Vidéochroniques.
Mur d’escalade
Nous finissons le tour du site en revenant devant les bureaux où est garée la moto d’Alexis. Les sujets s’avèrent encore foisonnants, avec au hasard la question des transports « à discuter avec la RTM », de bus plus réguliers avec des horaires adaptés, ou bien les charges coûteuses des dispositifs de sécurité par les temps qui courent, « outre l’esthétique discutable que ça peut conférer à un événement artistique. »
La Cité des Arts de la Rue poursuit son développement économique, culturel, social… et sportif ! À l’approche du temps fort de juin, l’équipe de Lieux Publics met tout en place pour l’installation d’un mur d’escalade (« Il ne s’agit pas juste de créer un mur, il faut que ça vive et que l’activité soit encadrée », une association est déjà sur le coup), non loin du terrain de pétanque, autre sport éminemment local.
Année olympique oblige, le dernier temps fort fera la part belle au sport. « On sort de notre zone de confort », confie Alexis Nys. Inspirations/Transpirations est un « beau défi pour la Cité », avec un travail de mobilisation et de lien avec les habitant·es.
Lucie Drouot
Inspirations / Transpirations : les 8, 15 & 22/06 à la Cité des Arts de la Rue, 225 avenue Ibrahim Ali, 15e).
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