À Istres, l’indispensable clinique de l’étang de l’Olivier au bord de la rupture
Depuis le début de l’année, salariés et médecins de la clinique du groupe Almaviva santé s’opposent à une restructuration qui ne dit pas son nom. Il y a quelques jours, la directrice s'est vu signifier son licenciement. Un traitement de choc qui menace l’offre de soin autour de l’étang de Berre.
La clinique de l'étang de l'Olivier, à Istres. (Photo : JFP)
Après le bloc opératoire, les urgences ? Depuis le début de l’année, salariés et médecins de la clinique de l’étang de l’Olivier, à Istres, s’interrogent sur le devenir de leur établissement. Propriété du groupe Almaviva santé, quatrième groupe de cliniques privées national et premier en Provence-Alpes-Côte d’Azur, la clinique rachetée fin 2016, avec celle de Marignane, a déjà été amputée en janvier 2023 de la chirurgie.
L’activité historique de la clinique istréenne a été répartie entre deux autres établissements du groupe, à Martigues et Salon-de-Provence et 61 personnes sont parties dans le cadre d’une rupture conventionnelle collective. Les restants craignent une nouvelle saignée. Et même la fermeture de la clinique tout court. Ces derniers mois, les mauvais signes s’accumulent en effet. Des audits et une réorganisation sont en cours, des projets sont stoppés, les services sont en sous-effectif et les contrats à durée déterminée sont la norme.
Dernier événement en date : le 27 mai, la directrice depuis janvier 2023, Christelle Bellay, a reçu sa lettre de licenciement. De sources concordantes, elle a payé sa volonté de sauver la clinique en gardant les urgences et en développant l’hôpital de jour et le service de médecine alors que le groupe privilégiait une réorientation de l’activité vers la gériatrie et l’hospitalisation à domicile. Remplacée temporairement par sa prédécesseuse, qui avait fermé la chirurgie, actuellement en poste à la clinique de Martigues, Christine Bellay a été mise à pied au lendemain de la tenue d’un comité social et économique (CSE) extraordinaire houleux qui s’est déroulé le 23 avril. L’instance représentative du personnel venait de voter deux alertes : la première pour danger grave, la seconde sur la situation économique de la clinique.
Le groupe Almaviva refuse de s’engager
Si les conditions de travail se dégradent, les personnels s’inquiètent aussi du refus de la direction d’Almaviva santé de signer une lettre d’engagement à financer toutes les activités de sa filiale autant que de besoin pour 2024. “[Ce refus est] particulièrement inquiétant. La direction se justifie en expliquant avoir déjà couvert les besoins à hauteur de 15 millions d’euros, mais pour moi, c’est le message que le groupe n’y croit plus”, explique Julien Vauyssière du cabinet d’expertise Syndex. Il a été désigné le 25 avril par le CSE expert-comptable pour la réalisation d’un audit financier de la clinique.
Avec l’accord de la direction intérimaire, il a pu assister, le jeudi 16 mai, à la première réunion de l’expertise. “[La directrice intérimaire] a rappelé que l’objectif est un retour à l’équilibre. Le message au sujet de l’emploi, c’est que le taux de masse salariale est très au-dessus des standards d’Almaviva. Aux questions sur l’engagement de ne pas restructurer et de préserver l’emploi en 2024, elle a répondu « non »”, rapporte l’expert-comptable.
Six mois avant la fermeture du bloc opératoire, la directrice d’alors jurait qu’il n’y aurait jamais de fermeture de la chirurgie.
Nadia Boucherit, CFDT
Contactée, la direction intérimaire reste laconique. Dans une réponse par mail, elle assure que “son objectif principal et essentiel demeure la poursuite du projet médical connu et partagé par tous [mais] qu’elle ne souhaite pas développer plus avant et rappelle qu’elle a pour priorité la préservation de l’offre de soin sur le territoire”. “Six mois avant la fermeture du bloc opératoire, la directrice d’alors jurait qu’il n’y aurait jamais de fermeture de la chirurgie”, grince Nadia Boucherit, la secrétaire du CSE et déléguée syndicale CFDT.
Menace sur l’offre de soin…
Du côté de l’agence régionale de santé (ARS), on se veut rassurant. “Je comprends et j’entends les inquiétudes. On suit, on est en lien et pour moi, il n’y a pas d’annonce de fermeture”, assure Caroline Ageron, responsable des Bouches-du-Rhône à l’ARS. Selon elle, des discussions ont même lieu sur la mise en place d’un partenariat entre le centre hospitalier de Martigues et la clinique pour faire de cette dernière un hôpital de proximité. Ce partenariat public-privé lui ouvrirait des financements publics complémentaires. Mais il impose aussi que les urgences, dont la convention actuelle court jusqu’en 2026, soient préservées.
Dans un courrier du 23 avril dernier, les cinq médecins salariés de la clinique s’inquiètent pourtant d’une rupture des discussions autour de ce projet : “[Le] 17 avril […] nous avons eu la désagréable surprise d’apprendre de la bouche même de [la] directrice des affaires médicales du centre hospitalier de Martigues, qu’ils avaient stoppé ce projet après que la direction régionale d’Almaviva leur ait fait comprendre que la clinique n’avait plus d’avenir.” Ils dénoncent un “double discours” du groupe. Contactée, la direction de l’hôpital n’a pas été en mesure de nous répondre à ce sujet avant la publication de cet article.
“J’ai alerté la ministre qui s’est montrée très attentive. La fermeture est inenvisageable”, martèle le député communiste du secteur Pierre Dharréville. Et Caroline Ageron d’insister : “Les groupes privés ont des objectifs lucratifs, mais aussi une mission de service public de santé. Nous, on pèse sur la planification de l’offre, donc sur les activités que l’on autorise ou non.”
Un rappel ferme qui montre l’importance de la clinique de l’étang de l’Olivier dans l’offre de soin sur un territoire déjà sous-doté en généralistes et en spécialistes. “[Almaviva Santé a] déjà fermé la chirurgie et ça a été un coup sévère. Désormais, il y a plus de gens qui doivent aller plus loin. [Ce genre de situation] créé un environnement [de] renoncement aux soins. Et si ça s’aggrave, ça le sera encore plus”, rappelle Pierre Dharréville. Le groupe de santé privé est cependant en position de force : il détient un quasi-monopole sur les cliniques privées autour de l’étang de Berre en ayant progressivement mis la main sur celles de Marignane, de Martigues, de Salon-de-Provence.
… et sur les salariés
En attendant, que la situation s’éclaircisse, à la clinique, les premières décisions de la direction se font déjà sentir. “En enlevant un service, on déstabilise l’activité. Avec la fermeture du bloc, on ne peut plus prendre en charge tous les patients. Aujourd’hui, les urgences sont dans le collimateur, [mais] en médecine, la moitié des patients en viennent. Il faudrait donc en trouver ailleurs”, s’inquiète Nathalie Nouneu, médecin coordinatrice du service SMR et présidente du comité médical de l’établissement.
Ils calculent tout, jusqu’à la durée des pauses, la durée des toilettes des patients. C’est du taylorisme.
Un cadre
“Nos conditions de travail sont dégradées. Les filles sont épuisées et ne viennent que pour leurs collègues”, témoigne aussi Nadia Boucherit. “Ils regardent activité par activité et recherchent une optimisation des coûts. Ils cherchent à rentabiliser au maximum la masse salariale. Ils calculent tout, jusqu’à la durée des pauses, la durée des toilettes des patients. C’est du taylorisme”, dénonce une cadre qui souhaite rester anonyme.
Rappelée lors du CSE du 23 avril dernier, dont Marsactu a pu consulter le compte-rendu, une étude du cabinet Syndex sur la politique sociale de la clinique donne des indicateurs de souffrance particulièrement explicites. Elle note notamment une explosion des arrêts de travail et des maladies professionnelles : le nombre de jours d’absence pour maladie a explosé de 527 % entre 2020 et 2023, passant de 3549 à 8600, “alors que les effectifs ont diminué de 34 % sur la période”, précise le document. Une ambiance qui a aussi inquiété la médecine du travail. Le 4 avril, le médecin référent de la clinique a déposé une alerte pour risques psychosociaux auprès de la direction. Sans véritable réaction.
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Triste réalité Istréenne…. médecine en berne, gare fermée, impôts transférés , des services publics en jachère. La vague de béton se poursuit sans service à la population.
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