La métropole remet la solidarité à plus tard
Le conseil métropolitain doit sceller ce jeudi le "pacte" qui servira de feuille de route financière à l'institution. Le souci prioritaire semble de préserver les équilibres existants. Quitte à rendre plus complexe l'émergence de nouveaux projets métropolitains et la mise en œuvre une logique de solidarité sur un territoire inégalitaire.
Le conseil métropolitain, le 17 mars dernier, après l'élection du président Gaudin.
Il y a eu les versions successives de la loi, ponctuées d’amendements. Il y a eu l’élection du président, celle de novembre puis de mars, celles des vice-présidents début avril, le vote du budget fin avril. Ce jeudi, l’institution métropolitaine pose un nouvel “acte fondateur”, avec le pacte de gouvernance financier et fiscal. “La métropole sera ce que nous en ferons, telle que nous saurons la construire”, énonçait Jean-Claude Gaudin l’année dernière. Négocié depuis plusieurs mois par un groupe de travail de vingt-deux membres (dont les six présidents de conseils de territoire et douze maires), ce document liste les règles du jeu, entérine une grille d’interprétation des textes.
Sans surprise, dans un contexte d’opposition forte, Jean-Claude Gaudin a opté pour une ligne souple. “Par souci de compromis, on a choisi le plus petit dénominateur commun”, critiquait vendredi l’ancien président de Marseille Provence métropole Eugène Caselli (PS). Dans les faits, “équilibre” et “consensus” sont les maîtres mots de ce document de 37 pages, qui valide en particulier “une harmonisation fiscale la plus progressive possible”.
Pas de grand soir fiscal
En effet, les six anciennes intercommunalités appliquaient des taux différents pour leurs taxes (taxe d’habitation, foncier non bâti, cotisation foncière des entreprises, ordures ménagères…). La métropole se donne 12 ans, soit le maximum autorisé par la loi, pour arriver à des taux uniques sur tout le territoire.
“Pour nous c’est trop long”, a poursuivi Eugène Caselli, pointant une inégalité de traitement entre les contribuables des 92 communes. À titre d’exemple pour la taxe d’habitation, la ligne de fracture divise principalement ceux de l’ex-MPM, de l’Agglopole Provence et du SAN Ouest Provence d’un côté, qui vont voir leurs impôts baisser dès cette année, et ceux des pays d’Aix, Aubagne et Martigues, où ils vont grimper.
“Cela aurait été soulever de nouvelles hostilités, alors qu’il nous faut aller de l’avant”, a balayé Jean-Claude Gaudin vendredi lors du conseil de territoire Marseille Provence. À l’occasion de la présentation du pacte pour avis, les socialistes marseillais ont réclamé de porter la durée du lissage à 8 ans. “La prochaine fois qu’on nous parle des impôts dans une élection, on le ressortira”, savourait le socialiste Patrick Mennucci. Le même amendement sera proposé ce jeudi, cette fois-ci en conseil métropolitain.
Quadrature du cercle
Derrière l’enjeu fiscal, ce pacte pose comme son nom l’indique l’enjeu financier. En la matière, le texte tient parfois de la quadrature du cercle : “Maintien des marges de manœuvre budgétaires en faveur d’investissements d’intérêt métropolitain”, “encadrement du recours à l’endettement”, “encadrement du recours à la fiscalité”, “mise en œuvre de mécanismes de solidarité”…
Mais certains cadres du cercle sont plus rigides que d’autres. Le pacte “limite, jusqu’au 31 décembre 2020, le montant global de recours à l’emprunt à un montant de 1,9 milliard d’euros”. Il fixe aussi comme objectif “la maîtrise de la progression de la masse salariale [à] 1,5% par an”. Il prévoit que “chaque territoire aura la possibilité de soutenir une politique volontariste en matière de tarification des services publics”. Il en va ainsi de la gratuité des transports à Aubagne : “S’ils souhaitent faire cela, ce sera pris sur le budget voté pour le territoire, ils se débrouillent”, assume Jean-Claude Gaudin.
De fait, il considère comme “la limite haute du potentiel d’investissements” le montant de 620 millions d’euros. Or, un bon nombre de coups sont déjà partis. “Des engagements très importants ont été pris avant que les intercommunalités n’entrent dans la métropole et des travaux lancés dans beaucoup de territoires”, relevait mercredi le vice-président au budget Jean Montagnac. On en trouvait une illustration mardi avec le projet de Val Tram, que les élus aubagnais tentaient de défendre aux côtés de la présidente du conseil départemental Martine Vassal (LR) et du vice-président délégué aux transports, Jean-Pierre Serrus.
Une mule bien chargée
“Sans être désagréables, les présidents d’EPCI ont chargé la barque – pour ne pas dire la mule – tant qu’ils ont pu”, confirme Jean-Claude Gaudin. Avec toutefois une pointe de douceur pour Maryse Joissains : “Certains ont aussi fait des choses qui nous soulagent comme la maire d’Aix qui a dit “je reprends le musée Granet”. Si elle garde, elle paiera.”
Et Jean Montagnac, le maire de Carry-le-Rouet auparavant chargé du budget à Marseille Provence métropole, d’ajouter : “Quand on dit que c’est l’ex communauté urbaine qui plante les finances, je m’élève en faux. Il y a eu des travaux lancés pour une infrastructure dont on ne sait pas si elle est métropolitaine avec 20 personnes embauchées.” La ligne de mire s’affine ensuite pour se tourner vers Venelles et son centre aquatique inauguré samedi : “On n’a pas fait la métropole pour faire des piscines.” Il chiffre à “100 millions d’euros” le coût en investissement de ces projets nés dans la dernière ligne droite des anciennes intercommunalités. “Et il faut ajouter à cela le fonctionnement [maintenance, entretien, salaires, ndlr] !”, prévient l’élu.
Conclusion : il va falloir sabrer, pardon hiérarchiser. “Certains projets seront retardés”, admet Jean Montagnac. Aux multiples conseils et autres commissions déjà prévues par la loi, le pacte ajoute un “comité des investissements”, associant les vice-présidents aux finances et au budget, les présidents des six territoires et leurs vice-présidents aux finances respectifs. Avec un regard appuyé vers le secteur privé, il annonce la création d’un “fonds d’intervention et de rayonnement métropolitain” public-privé pour “soutenir les initiatives revêtant une véritable valeur ajoutée métropolitaine”.
Mais la mule n’est pas chargée que de piscines et autre Arena. En cause, l’importance des reversements de la métropole aux communes. Sur des recettes d’environ 1,6 milliards, 705 millions d’euros repartent directement dans leurs caisses. Ces transferts financiers ont un base tout à fait légale : ils servent à neutraliser les effets de la réforme de la taxe professionnelle, tout en tenant compte des compétences transférées au niveau intercommunal.
Pas de pacte de solidarité
Mais depuis 2012 et l’annonce par le gouvernement de sa volonté de fusionner en une métropole unique les six intercommunalités, ces dernières ont multiplié les poids sur cette partie précise de la mule. “En laissant autant de temps entre l’annonce et la mise en place de la métropole, le gouvernement a permis aux opposants de s’organiser”, grince-t-on dans l’entourage de Jean-Claude Gaudin. Selon les cas, il s’agit de geler des reversements non obligatoires – et donc susceptibles d’être remis en cause – ou de rapatrier vers les communes le bénéfice des hausses d’impôts. Tout le monde, Marseillais compris, a cédé à ce petit jeu. À l’arrivée, l’addition est parlante : 170 millions d’euros ont ainsi échappé à la métropole.
Au final, sur ce territoire hautement inégalitaire, le maintien de cette situation reproduit à grande échelle le paradoxe de Gémenos, la ville riche qui bénéficie de la solidarité des autres et distribue des chèques à ses habitants. Confrontés à ce constat, les socialistes des Bouches-du-Rhône – qui disent vouloir porter l’exigence de “solidarité” comme pendant de “l’attractivité” – apportent une réponse nuancée. “Dans la période de construction, ce sera compliqué de jouer les Robin des bois en voulant prendre aux riches pour rendre aux plus pauvres”, prévient Jean-David Ciot, premier secrétaire du PS 13. Pour lui, c’est les dividendes du dynamisme économique qui vont offrir une marge de manœuvre et permettre une redistribution des richesses.
À ses côtés, le maire de Vitrolles Loïc Gachon assure que “la communauté du pays d’Aix a vécu sur ces marges très largement”, avec une croissance des taxes sur les entreprises de 10 % par an entre 2001 et 2011. Comment alors répartir la richesse supplémentaire ? “Ce n’est pas dans le pacte pour l’heure”, admet Jean-David Ciot. Une revoyure est déjà prévue en novembre et après 2018.
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