Économie politique de Marseille
S’il y a un espace dans lequel le terme « économie politique » a un sens, c’est bien Marseille. En effet, cette ville articule le sens propre de politique, la vie de la polis, de la cité, la dimension politique de l’économie dans l’aménagement urbain et dans la régulation des espaces de la ville et les questionnements sur l’avenir du développement urbain.
D’abord, rappelons-nous que, dans l’histoire, Marseille a toujours connu, depuis sa fondation par des Grecs venus de Phocée, en 600 avant Jésus-Christ, une intense activité économique, fondée sur la logique de l’échange, en raison de sa situation, qui lui a permis d’instituer un port devenu le plus grand port de la Méditerranée, puis en raison de la multiplication des activités marchandes et des activités de transports. Mais l’histoire de l’économie à Marseille est aussi soutenue, toujours, d’ailleurs, dans cette logique de l’échange, par l’histoire des flux de migrations qui ont permis à la ville de connaître la richesse d’une ouverture sur le monde et d’une pluralité de cultures, de langues et d’intensité, faisant de la cité un véritable carrefour.
Ensuite, cette activité économique a connu un essor considérable au XIXème siècle, avec le percement du canal de Suez qui a facilité le développement des échanges entre la Méditerranée et le reste du monde. Marseille, dès lors, n’était pas seulement un port méditerranéen important, mais aussi un lieu d’ouverture sur tous les mondes de l’Orient. C’est ce qui a donné à Marseille une identité à la fois économique et politique particulière en France, son développement faisant de cette cité la deuxième ville de France.
Aujourd’hui, qu’en est-il ? Pour pleinement penser l’économie politique de Marseille, il est important de penser à la fois la situation de crise dans laquelle elle se trouve et d’imaginer des voies possibles de développement et de retour de l’activité et de la prospérité. En effet, Marseille est en crise, à la fois dans une crise urbaine, dans une crise de l’activité et des entreprises, dans une crise culturelle et dans une crise économique et politique.
La crise urbaine, c’est la crise qui se manifeste dans la dégradation de l’espace de la ville, à la fois dans la dégradation de ses habitations et de son architecture, que la ville a du mal à entretenir, dans l’affaiblissement de son réseau de transports, quand on voit qu’une ville aussi importante et aussi étendue n’a que deux lignes de métro et que ce dernier se raréfie le soir, et dans la crise des quartiers qui tient à ce que les banlieues qui, dans d’autres espaces urbains comme Paris ou Lyon, sont à l’extérieur de la ville, sont, à Marseille, à l’intérieur. Mais, s’il y a crise de l’espace de la ville, c’est en raison des inégalités de l’aménagement de l’espace urbain et des constructions, en raison de la mise à l’écart des quartiers du Nord de la ville et en raison de la montée des tensions allant jusqu’aux violences.
La crise de l’activité et des entreprises se manifeste par un chômage élevé et par une crise de la formation. Il y a moins d’emplois offerts à Marseille que dans d’autres villes de France et, comme la formation professionnelle y est moins active, moins bien structurée et moins élevée que dans d’autres régions, il y a moins de personnes susceptibles d’occuper les emplois et de répondre, sur place, aux besoins de l’activité économique. Le port, en particulier, est en crise, comme, peut-être toute l’activité portuaire dans le monde, sans que la ville ait réellement imaginé des activités susceptibles de le remplacer ou de le compléter. C’est dans le domaine des activités liées à l’économie de la culture, aux nouvelles technologies de l’information et de la communication, à l’édition et aux industries liées à l’exploration de la mer et du monde marin qu’il faudrait orienter le projet de dévloppement de la ville.
La crise culturelle de Marseille se manifeste par le manque d’offre culturelle, nettement insuffisante pour une ville de cet ordre. Il y a peu de musées, et la phare de la culture marseillaise, le MUCEM est à la fois peu fréquenté par les habitants de la ville et peu ouvert, finalement, sur une observation approfondie des cultures méditerranéennes, alors que c’était son but initial. Il y a peu de lieux pour le spectacle vivant, et, en particulier, peu de théâtres. Il n’y a pas une bibliothèque publique par arrondissement, de nombreux arrondissements n’en possédant pas, en particulier dans les arrondissements périphériques. Enfin, le cinéma de qualité se réduit à une salle au centre-ville.
Bref, nous nous trouvons, à Marseille, confrontés à une réelle crise économique et politique, c’est-à-dire à une crise de la citoyenneté économique, à la fois parce qu’habiter la ville, à Marseille, ne signifie pas y travailler et y connaître une vie prospère et des lendemains sûrs, parce que décideurs et les pouvoirs de cette ville n’envisagent pas une analyse critique sérieuse sur leur politique et n’élaborent pas une prévision sérieuse, et parce que, dans ces conditions, l’identité marseillaise risque de ne plus être une identité active, entreprenante et optimiste.
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