Pour le parc Longchamp, quatre ans de travaux et 18 millions d’euros

Les travaux de renaturation ont démarré du côté de l'entrée monumentale du parc Longchamp. (Photo : CMB)

Depuis un petit mois, la grande transformation du parc Longchamp est discrètement entamée. Pour l’heure, le chantier ne vise qu’une des deux parcelles de pelouse qui jouxte l’escalier monumental de la grande entrée. Mais, d’ici à 2026, normalement, l’intégralité du parc aura subi une “renaturation”. Puis en 2028, tous les sentiers auront été refaits. Le budget des opérations est évalué à 18 millions d’euros par la Ville, dont 600 000 euros rien que pour l’entrée du palais. Il a été voté vendredi 19 avril lors du conseil municipal.

Pour ce poumon vert du centre-ville, qu’on dit souvent victime de surfréquentation, les objectifs de ce plan de gestion ne sont pas minces. Il est question de végétalisation, de désimperméabilisation des sols – aujourd’hui goudronnés -, d’optimisation de l’usage de l’eau, bref, d’adapter le parc de huit hectares à ses multiples usages et au changement climatique. Au-delà de ces deux grands enjeux, la Ville souhaite aussi pouvoir rendre à Longchamp son statut de jardin remarquable, perdu en 2010.

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Cela n’aura échappé à personne : si l’escalier monumental reste prisé des touristes et photographes de mariage, derrière le palais, le tableau est bien plus terne. La multiplication des arrêtés sécheresse interdit l’arrosage des pelouses une bonne partie de l’année. Résultat : l’herbe est la plupart du temps brûlée par le soleil, lorsqu’elle existe encore. Et entre ces pelouses clairsemées, d’innombrables routes de goudron, parfois si larges que deux voitures pourraient s’y croiser, quadrillent le parc. Lors des différentes phases de consultations citoyennes, les usagers du parc ont aussi été nombreux à s’émouvoir de la décrépitude des animaux en plastique installés un peu partout dans l’ancien parc zoologique.

Replanter les “arbres disparus”

Pour l’heure, l’enjeu qui préoccupe le plus l’adjointe aux espaces verts Nassera Benmarnia, c’est la “renaturation générale”, pour laquelle la Ville a été autorisée par la direction régionale des affaires culturelles (Drac) à mener ce plan en régie interne. “Sur tout le parc, on va recomposer des îlots de fraîcheur, replanter des bosquets et des arbres. Sur les pelouses, on va verdir autrement, en adaptation avec le changement climatique”, détaille l’élue. Exemple : sur les deux parcelles de pelouse accolées à la grande fontaine du palais, interdites au public, du lierre grimpant, moins gourmand en eau, va être planté.

Quant aux pelouses praticables, elles “souffrent aujourd’hui du piétinement et du tassement du sol”, lit-on dans un document de travail élaboré à la fin des concertations, en décembre 2023. “Le premier travail consiste à retravailler le sol avec labourage“, écrit l’équipe d’architectes et de paysagistes. Ce même document montre aussi à voir la somme des “arbres disparus” au cours des décennies. Il propose de replanter une trentaine d’arbres “remarquables”, qui tiendront compagnie aux neuf “arbres historiques” qui ont survécu jusqu’à lors.

La Ville doit replanter une trentaine d’arbres “remarquables”. (Document de travail Ville de Marseille)

Naturellement, ce vaste plan de revégétalisation devra s’appuyer sur un nouvel usage des ressources en eau. “Nous allons déployer un système d’arrosage connecté, qui permet de détecter les situations de sécheresse, les fuites… L’expérimentation de ce système menée à la Vieille Chapelle nous a permis de réaliser 66 % d’économie d’eau en deux ans”, détaille Nassera Benmarnia. Parallèlement, le plan de gestion prévoit de créer trois “zones de fraîcheur”, lit-on, dont une “grotte de fraîcheur” près de l’entrée des Cinq-Avenues, et un espace “brumisateurs” du côté du jardin zoologique, où un petit étang comblé dans les années 70 doit être restauré.

La fin du béton

Mais le plus gros du chantier concerne sans aucun doute les sols. Le maître d’œuvre du chantier devrait être désigné à la fin de l’année 2024, comme l’écrivait déjà Made in Marseille en mars dernier. Premier objectif : faire (presque) disparaître le béton. Au nord, le parking de l’entrée rue Jeanne-Jugan devrait laisser place à des parcelles de jardins partagés. En attendant, c’est là, sur un petit enclos collé aux voitures, qu’est installée l’association Jardins collectifs Longchamp (JCL), très investie lors de la phase de consultation citoyenne. “Les études menées nous ont appris qu’on pourrait réduire d’un tiers l’emprise des routes dans le parc. Et le béton n’a aucun intérêt”, détaille Jean-Marie Gleizes, bénévole au sein de l’association.

Voilà pourquoi l’intégralité des voies goudronnées va faire l’objet de travaux, pour muter en sentiers de “sable stabilisé”, détaille le document de travail. Seule l’entrée monumentale aura droit à un régime différent en étant recouverte de pavés, mieux adaptés au flux de visiteurs.

Après une phase de “renaturation”, l’entrée monumentale devrait retrouver au sol ses pavés d’origine. (Photo : CMB)

Enfin, le dernier aménagement qui risque de faire du bruit, est celui du parc à chiens. Aujourd’hui, il s’étend sur une large zone à gauche de l’entrée principale. Il fait l’objet de nombreux conflits d’usages, comme l’a montré la consultation citoyenne, et comme on peut le lire sur quelques graffitis. Par-dessus, un plan du parc, on lit la mention “merdier à chiens” inscrite à plusieurs endroits, à laquelle une autre inscription manuscrite vient répondre : “les chiens doivent être aussi libres que les humains !” Résultat : le grand parc à chiens actuel devrait être fragmenté en plusieurs petits parcs, dont un espace se situera côté rue Jugan.

Des usages à réinventer

Mais tous ces aménagements lourds viendront après la phase de renaturation. “Nous divisons le parc en quatre zones : l’entrée monumentale, le plateau, puis les deux zones du jardin zoologique. La renaturation de l’entrée doit être finie avant l’été, celle du plateau doit commencer à l’automne. Ensuite, il faut compter un an d’études pour la maîtrise d’ouvrage, puis elle attaquera en hiver 2025 par le béton de l’entrée, puis les autres zones suivront”, détaille Nassera Benmarnia. Tout devrait être achevé en 2028.

À ce jour, la grande inconnue de ce chantier reste les activités culturelles et pédagogiques qui y seront proposées demain. Leurs supports sont multiples. On pense aux futurs jardins partagés, mais aussi aux aires de jeux pour enfants, “où il faudra ajouter à la vision très statique des architectes des choses plus souples, et se demander vraiment comment on peut y créer du lien et du sens”, estime Audrey Powell, de l’association Jardins Collectifs Longchamp. Et, bien évidemment, les fameuses cages du jardin zoologique, dans lesquelles, en lieu et place des vieux animaux en plastique, on pourrait projeter “des espaces de pique-niques, des expositions temporaires, des ateliers”, imagine Audrey Powell. D’ici à 2028, associations et usagers risquent d’avoir tout le loisir d’y réfléchir.