MARSEILLE EN PROIE À LA VOITURE PARTICULIÈRE

Billet de blog
le 20 Avr 2024
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Marseille n’est plus une vraie ville : livrée à l’hégémonie de la voiture particulière, elle a oublié son urbanité pour n’être plus qu’une mer de voitures, dans lesquelles on a du mal à circuler quand on n’en est a une - et même, d’ailleurs, quand on en a une.

La ville est un espace à parcourir à pied

L’invasion de la ville par les voitures particulières n’a pas toujours été le fait dominant de la culture urbaine : la ville a été conçue, dans l’histoire, pour des déplacements à pied. Les rues ordinaires sont des chemins qui se parcourent à pied entre les maisons, dans lesquels nous rencontrons d’autres personnes avec qui nous pouvons échanger des mots et avoir des rapports sociaux. Ce sont les grandes artères comme, à Marseille, le cours Lieutaud et ses prolongements et des boulevards comme le boulevard Baille, le boulevard d’Athènes ou la rocade, qui ont volé la ville aux piétons. Une telle politique d’urbanisme a été dominée, à Marseille comme ailleurs, par un modèle qui nous a été, notamment, imposé par la domination de la culture venue des États-Unis. Cela a transformé la ville : alors qu’il s’agit d’un espace à parcourir à pied ou en transports en commun, elle a été envahie par des artères qui ne sont pas des voies pour les piétons qui ne peuvent pas s’y déplacer sans risques et sans être assourdis par le vacarme des voitures. Cela a transformé l’espace urbain du centre de Marseille en un espace de voitures que l’on ne peut plus parcourir à pied. 

 

L’hégémonie de la voiture particulière

La voiture particulière a conquis une hégémonie dans les transports marseillais, en raison de deux politiques défectueuses. La première est celle qui a été imaginée, à Marseille, au sortir de la guerre, par les municipalités Carlini et Defferre et par celles qui leur ont succédé. La pression des « lobbies » de l’industrie automobile, la domination de leurs publicités, l’illusion de la modernité d’un tel mode de consommation, ont donné à la voiture particulière, dans les villes comme Marseille, une place sans commune mesure avec l’apport de ces industries à l’économie urbaine. Sous prétexte de libérer les habitants et de faciliter leurs déplacements, mais aussi sous un faux prétexte d’égalité, les voitures particulières sont devenues le modèle dominant. C’est ainsi que, pendant des décennies, les déplacements et l’aménagement urbain ont été dominés par la système de la voiture particulière. L’autre politique qui est à l’origine de cette domination est la multiplication des gratte-ciels et des cités à la périphérie de Marseille qui a, en quelque sorte, légitimé l’usage de la voiture particulière pour relier les lieux de travail et les lieux d’habitation, de plus en plus éloignés des quartiers du centre. Mais, une fois de plus, comme souvent dans cette chronique, je remarque une histoire d’œuf et de poule :  c’est aussi bien l’excès des voitures particulières qui a permis l’exil des habitantes et des habitants du centre vers les périphéries que le développement des périphéries, notamment pour des raisons économiques, qui a légitimé, en le rendant nécessaire, l’usage des voitures particulières.

 

L’insuffisance du réseau de transports en commun

C’est que nous touchons là à un problème majeur de l’urbanisme marseillais : il n’y a pas assez de transports en commun et leur réseau n’est pas convenablement conçu. À cette insuffisance il faut ajouter l’aberration que ce soit la métropole qui ait le pouvoir sur les transports en commun marseillais, tant sur le plan économique que sur celui de la conception du réseau. C’est pourquoi la question des déplacements et de leur politique présente une caractéristique politique majeure : les orientations politiques de la métropole et sa conception de la ville jouent le rôle essentiel de la politique des transports à Marseille. C’est que, sous les choix politiques en matière de déplacement, il y a une question d’idéologie : le libéralisme dominant aujourd’hui les choix de la métropole se fonde, dans les domaines des transports, sur l’individualisme et sur la recherche des profits des industries comme l’industrie automobile, tandis que ce sont les écologistes et les partis politiques critiques qui dénoncent le libéralisme qui, à gauche, pourraient rendre la ville aux piétons en consacrant leurs moyens et leurs politiques à la recherche de l’égalité dans les transports en développant les transports en commun.

 

La violence urbaine des voitures particulières

Il importe de ne pas réserver la réflexion sur la sécurité, l’insécurité et la violence à la criminalité et aux violences policières : sachons nous rappeler que l’usage excessif de la voiture en ville est aussi une violence. Pour cette raison, les voitures particulières et les motos rendent l’espace urbain anxiogène, voire menaçant, pour celles et ceux qui vivent dans la ville. L’invasion de l’espace urbain par les voitures particulières n’est pas seulement une aberration dans le domaine des transports et des déplacements : il s’agit d’une véritable violence infligée à l’espace de la ville. D’abord, en raison des accidents : tous les jours, des passants se vont renverser et blesser, parfois grièvement, par un choc avec une voiture. Mais la dégradation de la vie urbaine due à l’excès des voitures est aussi une violence causée par la pollution atmosphérique et sonore qui détériore les conditions de l’habitat et de la vie quotidienne à Marseille.

 

Comment expliquer cette hégémonie de la voiture particulière ?

On peut comprendre de deux façons une telle domination de la voiture particulière. D’abord, il s’agit d’une volonté effrénée de disposer de moyens d’exprimer son individualité aux dépens de la vie en commun. Le libéralisme se soucie de l’individu au lieu de se soucier du collectif. Mais, par ailleurs, l’hégémonie de la voiture particulière est due à une idéologie technicienne de la politique urbaine, qui fonde son projet sur la séduction de la consommation et sur le développement des auxiliaires technologiques de la vie sociale, symboles de ce que cette idéologie nomme « le progrès », au lieu de construire une véritable vie culturelle dans la ville, fondée sur la solidarité, les échanges sociaux et le souci de la relation à l’autre.

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