Orange mécanique
Le Vélodrome passe à l’Orange dans le brouillard
Attendu depuis 2010, le "naming" du nouveau stade en "Orange Vélodrome" a été signé ce vendredi pour dix ans. Mais pas question pour les partenaires de révéler le montant de ce "contrat privé". L'opération était pourtant censée profiter aux finances publiques de la Ville.
Le Vélodrome passe à l’Orange dans le brouillard
“Tant que je serai maire, on ne vendra pas le stade Vélodrome.” L’engagement de Jean-Claude Gaudin tient toujours et il l’a répété ce vendredi, dans la salle des délibérations de l’Hôtel de ville… Mais il n’a jamais interdit de vendre son nom. Orange et Arema, le gestionnaire du stade, ont signé en sa présence un contrat de “naming” pour rebaptiser pour 10 ans l’enceinte “Orange Vélodrome”. “Ce qui nous intéresse, c’est d’accoler ces deux identités fortes”, a souligné Stéphane Richard, le patron de l’opérateur télécom.
Cette opération de “parrainage” est prévue depuis la signature en 2010 du partenariat public-privé (PPP) entre la ville de Marseille et Arema. L’entreprise a d’ailleurs préparé le terrain, en installant le nom de “nouveau stade Vélodrome, pour marquer sa transformation spectaculaire, sans renier sa riche histoire”, glisse Bruno Botella, son PDG, dans une démonstration peu convaincante.
“Je peux le dire aujourd’hui, j’ai toujours souhaité que cet accord se noue avec le groupe Orange. Car en choisissant le nouveau stade Vélodrome, Orange ferait également le choix de Marseille”, lance le maire, qui n’a pas hésité à se transformer en VRP de “la marque avec laquelle tout le monde veut se marier, la marque préférée des Français, un véritable champion à l’international”.
Le choix de Marseille, plutôt que Lyon notamment. En février, le président de l’Olympique lyonnais Jean-Michel Aulas s’était fait rembarrer par l’opérateur dans le Journal du dimanche. “Il prend ses rêves pour des réalités !”, lâchait-on en interne, révélant le montant demandé : 10 millions d’euros. À combien se monte le naming du Vél ? En janvier 2012, la société Teamstadia, missionnée pour trouver un partenaire, tablait sur 7,5 millions d’euros par an. En novembre de la même année, Bruno Botella baissait l’estimation à 6 millions. “On a garanti 3 millions d’euros par an à la Ville”, affirmait-il ensuite en 2013.
“On ne donnera pas le montant”
Alors ? Les questions des journalistes resteront sans réponse. Dès son discours introductif, Jean-Claude Gaudin avait annoncé la couleur :
Ce partenariat est un contrat privé dont les éléments relèvent donc d’une négociation d’affaires comme on dit, et même de la confidentialité des affaires si j’ai bien compris.
Stéphane Richard lui même confirmera cette opacité volontaire : “On ne donnera pas le montant de ce contrat, cela relève d’une négociation commerciale.” On pourrait pourtant considérer que contrat n’est pas tout à fait privé, puisqu’il est intimement lié à un autre contrat public, le PPP entre Arema et la Ville. Le maire ne semble d’ailleurs pas dire autre chose dans son discours :
Cet accord est aussi un élément financier essentiel du [PPP]. C’est la pierre qui manquait encore à l’équilibre global de ce contrat.
En effet, cette “pierre” du naming est susceptible d’apporter quelques cailloux dans les caisses de la Ville. Chaque année, celle-ci doit verser à Arema plus de 12 millions d’euros [1] pour rembourser la construction et l’entretien du stade. Les recettes du naming sont censées minorer la charge pour les finances publiques.
Formule magique
En 2010, la Ville disait en espérer 2 millions d’euros par an mais la formule précise restait floue. “Au-dessus de 3 millions d’euros par an, la somme est répartie entre la Ville et la société, à hauteur de 60% pour la première et 40% l’autre“, croyait savoir le conseiller municipal d’opposition Pascal Chamassian (apparenté socialiste et par ailleurs responsable local de la communication externe… d’Orange), interrogé en novembre 2012.
Aujourd’hui, les “partenaires” contestent cette formule. C’est sur le montant global des recettes d’Arema (concerts, accueil d’entreprises etc.) que ce mécanisme 60/40 s’appliquerait, à partir du montant minimum de 12 millions d’euros par an. Arema a-t-elle atteint cette barre sur ses deux années d’exploitation ? Là encore, il faudra une relance d’un confrère à notre question pour obtenir un “non” de Bruno Botella. “Lancer une exploitation prend quelque temps, c’était tout à fait anticipé dans notre plan de marche.” Annoncé dès juin 2014, l’augmentation d’impôts, elle, n’a pas attendu.
[1] Ce chiffre correspond à la première année d’exploitation (2014). Chaque année, plusieurs formules d’indexation s’appliquent ensuite. En 2015, la redevance était de 15,314 millions d’euros comme l’a relevé le Ravi dans son numéro de juin.
Commentaires
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La “confidentialité des affaires”, si je comprends bien, c’est ici pour le contribuable le droit de payer sans discuter la redevance de la ville dans ce formidable PPP et le devoir de ne rien savoir des comptes de ce dernier ?
Comment dit-on “ferme ta gueule et paie” en marseillais ?
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“cochons de payants”
ce n’est pas marseillais, c’est international !!
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Si ce contrat est privé, pourquoi Jean-Claude Gaudin est-il au centre de la conférence de presse?
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Jean-Claude Gaudin serait-il privatisé? La ville ressemble de plus en plus à La Havanne des années 50 non?
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Dans le plan de financement initial qui ressemble beaucoup à la fable de “La laitière et le pot au lait”, la Ville escomptait une recette de naming de 7 ou 8 M€ par an. Quatre fois plus qu’à Bordeaux ou Nice, parce que les Marseillais le valent bien ! Sur cette somme, il était convenu qu’Arema conserverait les trois premiers millions et reverserait 60 % de l’excédent à la collectivité. Ainsi, si le naming avait été de 7 M€, la Ville aurait perçu : (7 M€ – 3M€) x 60 % = 2,4 M€, de quoi mettre un peu de beurre dans notre amère potion fiscale. En ajoutant un loyer de 8 M€ que l’OM, paierait naturellement sans résistance (on a seulement oublié de lui demander son avis avant mais pas d’inquiétude, Blum va arranger ça), le compte y était presque pour faire face à une charge fixe annuelle de 12 M€ pour la ville. Seulement voilà : les annonceurs ne se sont pas bousculés aux portillons du Vélodrome et d’après plusieurs sources concordantes, le contrat de naming est conclu pour 2,7 M€ par an. Ce montant est cohérent par rapport au marché et n’est pas honteux en soi, mais il se situe en dessous de la barre fatidique de 3 M€ qui aurait permis de donner un pourboire à la mairie. Du coup, Arema garde la monnaie et “Perrette Gaudin” ne veut pas trop que les Marseillais sachent à quel point les Marseillais sont “gros jean comme devant” par sa faute, d’où la parade de la “confidentialité des affaires”. Comprenez-le : nous nous retrouvons avec 12 M€ d’euros de charge annuelle (plus que 28 ans à payer, ça va aller tout seul) et, face à nous, un seul locataire possible qui refuse de payer plus de 4 M€ . Pour couronner le tout, ce bail se termine en 2017 et le garant, madame Louis-Dreyfus, a annoncé qu’elle s’en allait…
Maintenant, voici la question qui fâche : les brillants négociateurs du PPP (côté ville de Marseille) ont ils été nuls ou malhonnêtes ? Cela mériterait une enquête, non ?
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Merci pour cette démonstration, claire et – malheureusement – parfaitement plausible.
Du côté de la question qui fâche, je penche pour la première hypothèse : s’arranger pour négocier avec le locataire après les travaux plutôt qu’avant, alors qu’il y a un plan de financement à boucler, c’est un cas d’incompétence caractérisée qui se traduirait par un licenciement pour faute lourde dans une entreprise. Mais c’est pas grave, puisque le miracle de la fiscalité locale permet au bon peuple d’essuyer les erreurs d’élus qui ne risquent aucune sanction.
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CQFD
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Ce n’est pas “orange vélodrome”, c’est “banane profonde vélodrome”,
ça apprendra peut-être aux marseillais de ne plus jamais voter pour des nazes
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A lire, ce petit dossier bien fait sur les “stades trop grands et trop chers [de l’Euro 2016] qui bénéficieront d’abord aux géants du BTP” : https://www.bastamag.net/Euro-2016-de-nouveaux-stades-trop-grands-et-trop-chers-qui-beneficieront-d
Si le cas marseillais est qualifié de “surréaliste”, la folie des grandeurs a sévi aussi ailleurs.
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Merci pour ces commentaires. éclairés…
Sur Bastamag, il est dit pour Bordeaux:
“Le Conseil d’État, saisi par Matthieu Rouveyre, vient de forcer la mairie à revoter la délibération autorisant la signature, jugeant l’estimation des coûts en 2011 « incomplète ». « Cela fera jurisprudence, se réjouit l’opposant, au sujet de ces contrats où tous les risques, et notamment sportif, pèsent sur la personne publique ! »”
Est ce que cela pourrait etre applicable à Marseille et changer quoi que ce soit à ce naufrage financier… pour la Ville?
Si la justice décide de mettre son nez la dedans, les délais feront que notre crapaud de bénitier et maire de Marseille aura passé l’arme à gauche(éh oui!) bien avant la fin de l’enquete….
Et de toute facon, l’incompétence et la folie des grandeurs ne sont pas condamnables, n’est ce pas?
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