À la Croix-Rouge, Ravier joue sur du velours en attendant les migrants

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le 14 Avr 2016
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Comme l'a dévoilé Marsactu, un centre d'accueil et d'orientation doit accueillir 20 migrants en provenance de la jungle de Calais, ce vendredi, à la Croix-Rouge (13e). Apprenant la nouvelle, le maire de secteur FN, Stéphane Ravier a convié les habitants du quartier à une réunion d'information, entre craintes et fantasmes.

À la Croix-Rouge, Ravier joue sur du velours en attendant les migrants
À la Croix-Rouge, Ravier joue sur du velours en attendant les migrants

À la Croix-Rouge, Ravier joue sur du velours en attendant les migrants

Le rendez-vous est donné sur un parking, au pied du monument aux morts de la Croix-Rouge (13e). À quelques mètres à peine de là, au cœur de la fourche du noyau villageois, la permanence des conseillers départementaux socialistes, Christophe Masse et Geneviève Tranchida a rideau tiré. La réunion est à l’initiative du maire de secteur (FN), Stéphane Ravier, qui a fait distribuer dans les boîtes aux lettres du quartier un tract indiquant l’arrivée prochaine de migrants. Ils seront logés à la Croix-Rouge dans un nouveau centre d’accueil et d’orientation, dont l’ouverture était annoncée mardi par Marsactu.

La paroisse a fini par renoncer à ouvrir à Stéphane Ravier les portes de la salle paroissiale, sur la route de La Rose. “Quand ils ont su que la presse était invitée, ils nous ont rappelé pour nous dire que c’était politique, dira le maire de secteur en arrivant. Mais c’est bien ici, c’est un espace public”. Le public, justement, n’est pas d’une grande densité. Une cinquantaine de personnes tout au plus, venues en voisins “prévenus par prospectus”, ou par le réseau militant du parti. On compte également pas mal d’élus, venus faire nombre.

“On a payé un prix exorbitant”

Simone* est venue en voisine avec son mari et des amis. Ils habitent la copropriété à l’autre bord du vallon “juste à côté de l’ACPM. “C’est pour cela que nous sommes venus, parce que nous craignons qu’ils les mettent là, vu que c’est un lieu d’hébergement et de formation, s’inquiète cette dame. Je ne suis pas contre mais il ne faudrait pas que ça soit des envahisseurs. Vous comprenez, on a payé un prix exorbitant, alors s’il en vient comme ça beaucoup, on va où, nous ?” Sa copine ne la rassure pas. Elle habite l’Allier et a vu débarquer 200 migrants dans une ancienne base aérienne à 30 kilomètres de chez elle, “une catastrophe”.

Simone n’est pas loin de se ronger les sangs. Quand on lui apprend qu’il s’agit de vingt hommes, elle s’exclame : “Ils vont attaquer les femmes d’ici, vous allez voir…” Autant dire que le sénateur et maire de secteur joue sur du velours. Il n’en rajoute pas dans son discours.

“Sénateur, ce n’est pas rien”

Juché sur un banc, il harangue sans excès, soulignant le temps qu’il a fallu pour que l’information parvienne jusqu’à lui, “maire de secteur et sénateur, ce n’est pas rien”. Prévenu par la rumeur, jeudi dernier, il a eu confirmation “par une source”, ce lundi, avant d’avoir le préfet pour l’égalité des chances, ce mardi. “Il m’a dit qu’ils seraient une vingtaine à arriver de la jungle de Calais, ce vendredi. Ils seront logés à l’ACPM et accueillis par l’association Sara qui gérera l’hébergement, distille le maire. Mais je ne sais si ce sont des hommes, des femmes, des familles. S’ils resteront un mois ou six et quel est leur statut. Ils sont migrants pour reprendre la terminologie officielle. Mais ce sont sans doute des clandestins”.

Dans une lettre envoyée au président du comité d’intérêt de quartier, le conseiller départemental Christophe Masse (PS) est plus précis : “Ce sont vingt réfugiés, kurdes, syriens, afghans, iraniens, tous des hommes ayant fui leur pays pour échapper à la guerre, au totalitarisme et au terrorisme”, écrit-il, assurant que “ces informations ont aussi été données au maire de secteur par le préfet”.

“Les gens ont peur”

Au final, c’est cette méconnaissance qui agite le plus les esprits. La petite foule réagit par des “oh” et des “ah” quand Stéphane Ravier dit que “c’est encore dans les quartiers Nord et pas à Mazargues, pas dans le 8e” ou quand il souligne que “c’est avec votre argent qu’ils sont accueillis”. Dans l’auditoire, beaucoup revendiquent leur vote FN, voire leur militantisme et brodent allègrement sur les thématiques xénophobes. D’autres sont plus mitigés comme Thierry, assureur dans le village qui pense en “professionnel aux éventuelles dégradations” mais qui est “choqué sur le principe d’être informé de cette façon”. “Maintenant, c’est un problème global, les gens ont peur”, ajoute-t-il.

Jean-Pierre aussi s’angoisse. Il habite à Allauch mais s’inquiète pour sa mère qu’il a fait venir à la Croix-Rouge, après plusieurs décennies dans le 10e où il est né, “mais ça a beaucoup changé”. “Mes amis d’enfance, ils venaient de partout, et entre nous y avait pas de différences. Et quand je vous en parle, j’ai les poils qui se dressent. Maintenant la mentalité, n’a plus rien à voir. Alors on s’écarte, on vient ici pour essayer d’avoir une vie tranquille, protéger les minots, peut-être trop. Et regardez, ce qui arrive. Bien sûr que ça m’inquiète”. Jean-Pierre a voté à gauche longtemps, à droite aussi. Et demain ? “Je me tâte”. Il est conscient que ces réfugiés qui arrivent sont aussi des “êtres humains qui veulent être heureux comme tout le monde”. Mais cela n’enlève pas l’impression d’un  monde déréglé dont les repères s’échappent.

Bientôt, ils ne sont plus qu’une poignée de militants, d’élus et de riverains à se serrer autour du maire. À quelques mètres, le président du CIQ Michel Ragel espère que “l’intérêt général prime sur le reste”. “Vous savez ici, il n’y a rien. Pas de centres d’animation, pas d’équipements sociaux, pas de salles pour les jeunes. Alors quand on découvre des choses comme ça, sans être informé, ça agace”. Au-dessus des têtes et des platanes, les nuages s’amoncellent, accrochés au massif de l’Étoile, signes de l’orage qui menace la Croix-Rouge.

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Commentaires

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  1. michele42 michele42

    Pourtant La Croix Rouge , c’est un quartier accueillant et avec un nom pareil , ils devraient être prêts pour aider la souffrance . Faudra-t-il débaptiser ce quartier ?

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  2. Orso Orso

    Bonne idée.
    Je propose la Croix de fer.

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  3. ALAIN B ALAIN B

    C’est aussi la faute des médias leur vocabulaire comme la jungle de Calais pour désigner ces personnes essayant d’échapper à la guerre, la misère…. après le FN n’a qu’à utiliser ces fantasmes pour essayer de faire peur.
    Il fa contre ses idées nauséabondes du FN et montrer qu’il ne protège pas les plus faibles et que les paroles de “social” qu’il essaie avec parfois l’aide des médias sont en contradiction avec ses actes

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  4. julijo julijo

    Pas franchement nouveau comme réactions !! Mine de rien il y a des années que les habitants d’Allauch et/ou de Plan de Cuques, voisins de la Croix Rouge se plaignent : “on ne mélange pas les torchons et les serviettes” … les riverains le savent. Ca va jusqu’à la scolarité de leurs enfants qui ne peuvent se mélanger…etc. Et il s’agit souvent de bons français (de souche comme dirait ravier !) qui ont le tort d’habiter dans le 13e…. hors ces endroits protégés.

    Alors surfer sur des peurs de ce style, c’est du pain béni pour ravier, mais c’est pas nouveau.

    Il n’empêche, j’ai lu ailleurs qu’il y a déjà des migrants installés sur Marseille…sans que cela ouvre une polémique et le taux de délinquance alentour n’a pas augmenté…
    On pourra juste espérer que les excités de la CNI se calment, et que ces migrants puissent enfin trouver un peu de sérénité. Mais vu l’environnement c’est pas gagné.

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