Bandes originales
Bandes originales
Loin d’avoir livré tous ses secrets, la BD se renouvelle par les marges sous l’égide des Rencontres du 9e Art. Tour d’horizon du festival en plein Aix.
Pour Serge Darpeix, homme aux mille idées, directeur artistique et technique du festival, «La bande dessinée n’est rien d’autre qu’un médium qui s’invente de la même façon que les autres. Elle n’est pas cloisonnée dans un registre unique. Je garde toujours en tête pour ma programmation d’en faire un événement qui soit underground et élitiste, dans le sens de montrer aussi au public des choses dont l’accès est plus compliqué. »
Le temps d’un Week-end BD inaugural, les artistes seront répartis dans la ville à travers différentes formes de rencontres et de créations. De quoi rendre la BD omniprésente, mais plurielle. Majoritairement conçues sous les yeux du passant au cœur même de l’espace urbain (créations en direct, mur à dessins, street art…), les expositions placent définitivement ce festival du côté de l’art performatif et participatif. Dans le même esprit de décloisonnement, Anouk Ricard sèmera les images loufoques hyper colorées et faussement naïves de son Petit inventaire dans les commerces du centre. Un jeu de cartes artistiques à collectionner, nettement plus fun que les images Pokémon, et qui rapportera des cadeaux.
Si la Bibliothèque Méjanes reste le centre névralgique des Rencontres, il convient de signaler deux événements hors les murs et hors normes — une caractéristique du festival — qui rivalisent d’ingéniosité et de folie. De folie, il en est justement question avec le projet FranDisco de Thierry Van Hasselt. Éditeur et membre du collectif Fremok, le dessinateur travaille depuis des années à la « S » Grand Atelier, laboratoire artistique belge qui propose des ateliers de création en direction des déficients mentaux. Il y a notamment rencontré Marcel Schmitz, auteur d’une ville composite imaginée en 3D, qu’il agrandit au fur et à mesure de ses déplacements. Afin de ne pas laisser se perdre les histoires inhérentes à la construction de chaque bâtiment, aussi éphémères dans l’esprit de Marcel que les matières avec lesquelles il travaille (le carton et le ruban adhésif), Van Hasselt en a fait une bande dessinée qui sera présentée en primeur. Marcel en est le héros, démultiplié, et sa ville se verra exposée à la Fondation Vasarely — leur dernier lieu de résidence où ils rencontreront le public. Thierry Van Hasselt salue la qualité d’accompagnement dont fait preuve le festival : « Le rapport à l’architecture de Marcel et celui de l’utopie mis en parallèle avec Vasarely étaient des idées géniales de Serge. C’est ce qui a permis de finaliser l’écriture et le livre, en lui donnant cette force. »
Un projet politique fascinant, qui fait aller la BD dans des zones où elle n’aurait pas raison d’être si l’on écoutait les lois du marché. « Voilà ce qui nous fait travailler avec des artistes d’autres domaines tout en poursuivant l’idée de faire bouger la bande dessinée dans toutes les directions. Et plus que tout, d’interroger la fonction et la manière de visiter les livres aujourd’hui. Nous sommes une vieille émergence », s’amuse Thierry Van Hasselt. Le Programme Immersion est lui aussi un objet inclassable comme le festival les aime. Son auteur, Léo Quievreux, est d’ailleurs un habitué de Marseille. Il y avait notamment présenté quelques feuillets au Salon du multiple et de la micro-édition Vendetta, en décembre dernier à la Friche, et demeure un proche collaborateur de l’écurie du Dernier Cri. Il exposera cette fois à la Galerie Vincent Bercker une sélection de planches tirées de son dernier ouvrage (paru aux éditions Matière), mais aussi de Anyone 40 : « C’est souvent intéressant d’exposer les originaux. Ils offrent une autre vision du travail ; on peut déceler la technique employée, d’éventuelles retouches… C’est aussi une autre façon de s’immerger en un instant T dans la création. » Quievreux est attaché à l’urbain, à la ville. Pour Le Programme Immersion, il s’est notamment inspiré d’Aubervilliers, des traces industrielles passées qui jonchent son espace, témoins d’un temps révolu. Ce quelque chose d’instable qui s’en dégage, et qui l’inspire : « Les endroits sont très importants pour moi. Ce qui est déterminant dans ce que je fais en dessin ou en BD, c’est de me baser sur des lieux. Non pas de les transposer d’une manière forcément réaliste, mais de retranscrire des choses vécues en les réinterprétant. J’aime laisser du flou. » Pour Le Programme Immersion, le polar est un point de départ (il affectionne particulièrement James Ellroy), à partir duquel il fait de lieux communs des singularités cognitives spatio-temporelles. Ses livres demeurent autant d’objets impossibles à définir…
Ajoutez à toutes ces belles découvertes une gratuité défendue depuis toujours par le directeur et fondateur Michel Fraisset, et vous tenez là les Rencontres dans toute leur splendeur.
Marie Anezin
Rencontres du 9e Art : du 29/03 au 21/05 à Aix-en-Provence. Rens. : 04 42 161 141 /
www.bd-aix.com Week-end BD : du 1er au 3/04 à la Cité du Livre (8-10 rue des Allumettes). Le programme complet des Rencontres du 9e Art ici
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