MACRON, MARSEILLE, LE NARCOTRAFIC
Le président de la République s’est rendu à Marseille, mardi dernier, le19 mars, pour évaluer la lutte des policiers contre le narcotrafic. Clara Martot Bacry a rendu compte de cette visite dans « Marsactu » du 20 mars. Il s’agit d’une manifestation de plus de l’inanité de la politique marseillaise de l’exécutif.
Le président de la République et Marseille
Le chef de l’État aime Marseille. En tous les cas, c’est ce qu’il dit. Il porte une attention particulière à la ville, illustrée par le fameux plan « Marseille en grand » et par le choix d’une personnalité de Marseille, S. Agresti-Roubache, dans le gouvernement de G. Attal. Mais s’agit-il de préoccupations de solidarité et de projets de développement urbain ou d’une politique de surveillance et de contrôle ? La visite du président, soigneusement peu annoncée à l’avance pour éviter le plus possible des manifestations de mécontentement populaire, donne l’impression que le président réduit la ville à la mise en œuvre de son grand plan, « Marseille en grand », et à la lutte contre le narcotrafic . Curieuse approche de la ville, qui se réduirait à la violence des trafics et à l’application de la politique présidentielle.
La politique d’E. Macron contre le narcotrafic
Une fois de plus, comme toujours, la politique d’E. Macron présente quelques caractéristiques devenues banales après ces sept années de pouvoir. On peut désigner la première par « Je m’occupe de tout ». Ce n’est pas au président de la République de s’occuper du narcotrafic – a fortiori dans une ville particulière. La police, la justice, les personnels de l’éducation, sont là pour cela. Il s’agit, de la part du chef de l’État, à la fois d’un souci de tout régenter et d’un manque de confiance, mais, en voulant régner sur tout, le président finit par ne régner sur rien. Une deuxième caractéristique de sa politique marseillaise est de réduire les urgences de la ville au narcotrafic. Or, à propos de Marseille, peut-être y a-t-il de véritables urgences économiques et sociales à traiter, ainsi que des urgences dans le domaine de l’urbanisme et de l’aménagement de la ville et du logement. Aucune véritable concertation, aucune véritable analyse, n’ont été proposées sur Marseille par l’exécutif. Enfin, comme toujours, la politique d’E. Macron sur le narcotrafic s’attaque aux effets et néglige les causes du marcotrafic – causes sociales, culturelles, absence d’une véritable politique de la jeunesse et d’une politique solide de l’emploi. Ce sont ces causes qu’il faudrait analyser et comprendre, et c’est à elle qu’une véritable politique de la ville devrait s’attaquer.
Qu’est-ce, en réalité, que le narcotrafic ?
Le narcotrafic est un néologisme qui désigne ce qui s’est toujours appelé le trafic de stupéfiants. Il s’agit d’une sorte d’économie parallèle, qui vient, finalement, consolider la faiblesse d’une économie politique de la ville. L’économie macronienne de l’espace urbain est, comme tous les domaines de l’économie, une économie qui n’est pas politique, parce que l’exécutif ne sait pas ce qu’est l’économie politique. Le trafic des stupéfiants est là parce que l’économie ne s’intéresse qu’aux profits des entreprises et aux banques et néglige l’économie politique, qui, elle, pourrait s’attaquer aux causes de l’émergence de cette économie parallèle et de sa puissance. Le trafic de stupéfiants est celle d’un faux commerce, d’un commerce illégitime, et d’un imaginaire des laissés-pour-compte de la société. C’est une forme particulière de l’économie des exclus. Tout se passe comme si, à Marseille, mais aussi dans bien d’autres villes, il y avait deux économies parallèles, celle du profit légitime, celui des commerces et des banques, et celle du profit illégitime, celui des trafics.
La nécessité d’une véritable politique de la ville à Marseille
Marseille n’a pas besoin d’une visite du président, mais de l’élaboration d’une véritable politique de la ville, négligée, voire absente, depuis tant d’années. Il faut, à Marseille, une véritable politique de la ville, consistant, notamment, en trois points. Le premier est l’aménagement de l’espace urbain et une politique de l’urbanisme. Il faut en finir avec les tours, avec les cités, mais aussi avec les immeubles dégradés menaçant ruine et avec une absence de logements véritables. Le second point de cette politique est une politique de l’éducation et de la formation de nature à libérer les jeunes de la contrainte du chômage et d’une vie sans avenir. Un troisième élément de la politique de la ville est une politique de la solidarité, dans le domaine de la santé et dans les relations sociales, permettant la construction d’une véritable égalité et la fin des ségrégations et des discriminations.
L’aménagement de la ville et l’égalité entre les quartiers
L’aménagement de la ville est devant une urgence : mettre fin à l’existence des ghettos et à l’inégalité entre les quartiers de Marseille. Le Nord doit ne plus être séparé du Sud, il ne doit plus être négligé dans les politiques de la ville. Nous venons d’apprendre – merci, la métropole – que l’enlèvement des ordures ne se ferait plus au même rythme et de la même manière dans tous les quartiers. Est-ce cela, une politique de l’égalité de la vie urbaine ? L’égalité entre les quartiers doit porter aussi, comme nous venons de le dire, sur l’état des constructions et sur la politique du logement. Enfin, l’égalité entre les quartiers se situe aussi dans la politique culturelle, dans l’emplacement des lieux de spectacle et d’animation, des espaces de diffusion de la culture et des bibliothèques, des espaces de la politique du sport.
Les ghettos du narcotrafic à Marseille
Ce sont de véritables ghettos que le narcotrafic a construit à Marseille, et il faut en finir avec les ghettos. Ce sont les ghettos qui organisent les discriminations et les inégalités. Il importe que tous les quartiers puissent échanger et communiquer entre eux. Il est urgent que, par une politique métropolitaine des transports et des déplacements, les transports en commun remettent tous les quartiers dans le même espace de la métropole sans qu’aucun ne soit exclu. Il est nécessaire, enfin, que la sécurité soit assurée de la même manière partout dans Marseille, de façon que tous les quartiers de la ville en finissent avec la violence, qu’ils soient libérés d’une politique fondée uniquement sur la répression et la surveillance et qu’une politique la prévention sociale libère la ville de l’insécurité, de la violence et de l’emprise des trafiquants et de la criminalité.
Le choc des deux mondes
Au fond, la visite d’E. Macron à la Castellane fait penser à un voyage dans un pays lointain, presque dans un pays de sauvages, comme on disait avant. Il s’agit d’une sorte d’excursion destinée à enrichir la culture du chef de l’État en lui montrant un pays qu’il n’a jamais vu et dans lequel il ne vivra jamais. Ce que cette visite présidentielle fait nettement apparaître, c’est l’incompréhension, qui arrive à un véritable choc entre les deux mondes, celui de la bourgeoisie libérale et celui des cités et de la précarité. Ce choc est une véritable violence, parce que les mots et les paroles ne peuvent s’échanger entre deux univers aussi étrangers l’un à l’autre. Plutôt que la police et une visite présidentielle inutile qui ressemble à de la provocation, c’est cela que devrait mettre en œuvre la politique de la ville élaborée par l’État : le retour de la parole et la solidarité. Cela, sans doute, mettrait fin à la violence.
La censure
Le directeur de la rédaction de La Provence, A. Viers, voit s’engager une procédure de son licenciement pour avoir cité, dans un titre de la Une du journal du 21 mars, un adolescent de la Castellane, disant, dans un entretien avec un journaliste, au sujet d’E. Macron, « Il est parti et nous sommes toujours là… ». Cette Une aurait déplu à l’un des principaux actionnaires du quotidien, R. Saadé, un proche d’E. Macron, qui prétend que l’on aurait pu croire, en lisant ce titre, que le journal se faisait l’écho des trafiquants de drogue de la cité. Non seulement, lors de sa visite à la cité, le président a fait apparaître la confrontation entre deux mondes et la violence de leur absence de parole, mais lui et ses soutiens s’en prennent, maintenant, aux journalistes. La violence du choc n’est plus seulement celle qui oppose le monde des cités et celui des beaux quartiers et des pouvoirs, mais elle manifeste, désormais, l’impossibilité d’informer sur ce qui se déroule, en ce moment dans des cités comme la Castellane, d’analyser, de réfléchir, de comprendre,. Cette politique de la censure montre la gravité de la menace qui pèse sur la liberté d’informer et d’être informé dans notre pays. La violence du pouvoir politique et des institutions de l’argent est devant nous. Elle est la promesse de la fin du débat et de la politique, à Marseille comme partout en France et dans le monde. L’urgence est aussi dans la perte des mots et dans la nécessité de leur retour.
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