Le Mucem abrite toujours de la précarité
Les salariés du Mucem embauchés par le prestataire Muséa, spécialiste de l’accueil dans les musées sont en grève. Ils dénoncent des conditions de travail selon eux plus précaires que celles des employés des autres sites régis par Muséa.
Le Mucem abrite toujours de la précarité
Derrière les résilles de béton du Mucem, les visiteurs continuent d’affluer au gré des expositions. En 2015, ils étaient près de 1,4 millions sur le site. Ce mercredi, le musée ouvre ses portes comme d’habitude. Mais une partie des employés qui travaillent dans le bâtiment dessiné par l’architecte Rudy Ricciotti ne vivent pas cela comme une sinécure. En particulier ceux qui œuvrent pour le prestataire de services Muséa, spécialiste de l’accueil dans les musées, anciennement Phone Régie.
Alors qu’un mouvement de grève national a lieu ce mercredi contre le projet de loi El Khomri, la cinquantaine de salariés du prestataire en profitent pour dénoncer leurs conditions de travail qu’ils jugent particulièrement défavorables. La situation n’est pourtant pas nouvelle. En 2013, Marsactu décrivait déjà la précarité de certains travailleurs du Mucem. “Trois ans après, la situation n’a pas évolué pour les salariés”, déplore le délégué CGT du personnel Tommaso Palazzolo, lui-même “agent volant” en CDI pour Muséa. De fait, il couvre en alternance l’ensemble des postes que recouvre le prestataire : médiation dans les salles d’exposition, billetterie, accueil du public.
Comme ses camarades, il dénonce pêle-mêle des plannings faits une semaine sur l’autre, des salaires plafonnant au Smic, des heures supplémentaires non rémunérées en-dessous de 42h, une inégalité homme/femme et des conditions de travail difficiles en plein soleil l’été ou dans le mistral l’hiver. “En trois ans, je n’ai jamais obtenu un seul week-end. On m’a dit que si j’en voulais un, il faudrait alors renoncer aux congés l’été”, assure Tommaso Palazzolo.
Disneyland
Sur la précarité, Tommaso Palazzolo poursuit : “Nous avons tous un bac+3 au minimum, nous sommes bilingues ou trilingues et nous sommes moins bien payés que les femmes de ménage ou les agents de sécurité d’Onet. En deux ans, nous avons réussi à obtenir une augmentation de 1,1%, de l’ordre de 15 euros par mois”. Depuis janvier explique-t-il, “la plupart des employés sont passés en CDI. On a dû se battre pour ça. Déjà, avant d’obtenir un délégué du personnel, il a fallu attendre deux ans et les élections de juin 2015. Nous sommes en sous-effectifs et Muséa fait appel toutes les semaines à des renforts. Lorsqu’on se plaint, on nous répond que ce n’est pas un travail pour toute la vie et que si on n’est pas contents, on peut partir”, ajoute l’employé.
Autre point de friction, la convention collective des espaces de loisirs, d’attractions et culturels qui lie les salariés à leur employeur et que ceux-ci jugent défavorable. “C’est la pire des conventions pour l’employé. Elle a été créée pour le parc Disneyland !” s’exclame Hélène Taam, déléguée du personnel. Cette convention implique une importante flexibilité dans les horaires.
Les grévistes soutiennent que les conditions de travail imposées par Muséa dans d’autres musées tels que le Louvre de Lens ou encore le quai Branly sont moins difficiles. Preuve d’un mal-être persistant, la défection des salariés. Depuis 2013, sur les 50 employés de l’équipe d’ouverture du Mucem, “seules quatre personnes sont restées, le turn over est énorme”, assure Tommaso Palazzolo, approuvé par une salariée, l’une des rares vétérans.
Pas l’habitude des grèves
En début d’après-midi, Jean-François Chougnet est allé à la rencontre des salariés. Chose que la déléguée du personnel Hélène Taam apprécie : “Muséa est une boîte qui ne connaît pas les grèves. Cela peut avoir du poids si le client de Muséa, le Mucem, appuie nos revendications”.
“Ci-gît notre motivation” peut-on lire sur les pancartes brandies d’une vingtaine de salariés présents sur l’esplanade du J4. Laurent Valette D’Osia, directeur régional du groupe Armonia – qui possède Muséa – et Eric Battesti, chef d’agence Aix/Marseille descendent à leur tour afin de discuter, tout en précisant qu’il ne s’agit pas là de négociations. “Sur l’aspect des week-ends, on avance”, assure Laurent Valette d’Osia. “Je m’engage à ce qu’il y ait au moins un week-end par mois pour tout le monde. Mais comprenez que du coup on va privilégier les contrats à temps partiels” lance-t-il. “S’il s’avère qu’il y a inégalité de salaires entre les hommes et les femmes, ce qui me surprend, la discrimination sera mon principal combat”.
Eric Battesti prend alors le relais, après avoir lancé un “on est dans le même bain” aux salariés, sortie qui provoque de vives contestations. “En revanche, sur les plannings, [fournis tous les quinze ou huit jours – ndlr], on se bat avec le Mucem pour les avoir. Si je pouvais vous les donner un mois à l’avance, je le ferais. Mais tout de même, répond-il à l’adresse d’une salariée qui lui fait remarquer que certaines revendications leurs sont connues depuis deux ans, on a progressé sur beaucoup de choses!”.
Après de vifs échanges, les deux hommes de la direction prennent congé en promettant des améliorations. Dos à l’édifice, Hélène Taam conclue, à moitié rassurée : “le pire dans tout ça, c’est que l’on aime vraiment le Mucem. Mais on voudrait davantage d’uniformité avec les autres sites et, si le marché repasse, une vraie revalorisation de notre travail”.
Marché public
Sur les 300 salariés du Mucem, Muséa n’est pas l’employeur le plus important. À titre de comparaison, le directeur Jean-François Chougnet avance que le Mucem compte en propre environ 150 salariés et le sous-traitant Onet chargé de la surveillance et du nettoyage en compte près de 80. Les autres employés travaillent pour d’autres sous-traitants comme Otis (ascenseurs) ou encore Dalkia (gestion technique).
Pour Jean-François Chougnet, la tension peut être exacerbée par l’échéance du contrat entre le Mucem et Muséa, prévu à la fin de l’année 2016. “Il s’agit d’un marché public, et la concurrence est importante dans le domaine.” Côté salariés, il n’est pas automatique qu’ils soient repris par un éventuel nouveau prestataire.
Chougnet dans ses petits souliers
Sur les revendications des salariés, Jean-François Chougnet estime n’être concerné que par une partie des revendications, les postes d’accueil jugés pénibles, soumis aux intempéries : “Nous avons déjà modifié certains lieux d’accueil, pour éviter de se retrouver dans le mistral. Cet été, nous allons modifier la billetterie du Fort-Saint Jean, “point chaud” et les horaires vont être repensés également pour éviter le cagnard.”
Pour le reste assure-t-il, “on a demandé il y a quelques mois déjà à la direction de Muséa d’ouvrir des discussions avec les salariés, je pense que c’est prévu. Mais c’est vrai que ce n’est pas normal qu’ils n’aient pas de week-end. Sur les plannings, les torts peuvent être partagés. Il est possible qu’on ne communique pas assez tôt, mais globalement les plannings sont stables, à part quelques ajustements”.
Contactée de manière plus officielle par téléphone, la direction parisienne de Muséa ne souhaite pas répondre sur le fond des revendications marseillaises. Mais elle a toutefois tenu à réagir à la grève : “Nous faisons part de notre étonnement, car ces revendications sont connues et doivent être étudiées lors des prochaines négociations annuelles obligatoires qui auront lieu le 30 mars. Muséa est très attachée à conserver de bonnes relations avec les délégués syndicaux”. L’occasion de voir si les promesses seront tenues.
Erratum, le 10 mars à 12 h : Contrairement à ce que nous avions écrit, les employés reçoivent bien des tickets restaurants. Ils en demandent l’augmentation.
Commentaires
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Sacré JF Chougnet ! Il arrive toujours à retomber sur ses pattes… Quand on pense qu’il a été à la tête du fiasco pseudo-culturel MP2013 et qu’il a été récompensé pour cela, on comprend pas mal de choses. Quel est donc son salaire au MuCEM ? Quels sont ses horaires de travail et les avantages directs/indirectes liés à ses fonctions ? On aimerait bien le savoir, non ?
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A chaque fois que Chougnet daigne descendre de son bureau pour parler au menu peuple ou à la presse, il est clair qu’on prend de la hauteur, que les masses sont enfin éclairées et rassurées… C’est pas comme avec ces “managers” toujours dans la com et le déni : “on est dans le même bain… on avance… s’il s’avère qu’il y a… si je pouvais…je le ferais…”. ( vous pouvez prendre l’ascenseur, c’est l’enfumage à tous les étages). Non, avec Chougnet, c’est clair; certaines choses ne le concernent pas,; le turn over par exemple, de l’ordre de 90% sur 3 ans, et la qualité de service qui ne doit pas manquer d’en résulter! Non, ce qui le concerne aujourd’hui, même s’il lui a fallu 3 ans pour s’en rendre compte, c’est qu’à Marseille et en particulier devant le Mucem, il y a du cagnard et du mistral, et qu’il faudrait peut être penser à une guérite, ou moduler les horaires (des expos?) en fonction de ces contraintes météo ! Et puis que le secteur est très concurrentiel et que le prochain marché public risque d’être encore pire, la concurrence s’étant bien sur encore aggravée entre temps. Bon bien sur, il ne faut pas compter sur lui pour expliquer que la procédure des marchés publics est précisément faite pour ça, pour amplifier encore et toujours la concurrence, seule manière de continuer à abaisser les coûts et d’obtenir ainsi la médaille du bon gestionnaire, tout en laissant les managers de autres se dépatouiller avec la com , le déni et les royales promesses d’un week end sur 4.33 semaines en échange du passage à terme (turn over aidant) au temps partiel pour tous. Mais il faut reconnaitre que toutes ces questions de tambouille, c’est vraiment pas assez “culturel” pour mériter qu’on s’en mêle.
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En attendant la loi El Macron qui va précariser encore plus ! Merci Hollande et le MEDEF
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“Côté salariés, il n’est pas automatique qu’ils soient repris par un éventuel nouveau prestataire.”.
Vous êtes surs de ce que vous écrivez ?
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Dans le genre, il y a aussi le Camp des Milles qui est sous la convention collective “Disney”….
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