Yes we Canne
Yes we Canne
Décrochage marseillais du festival/colloque arlésien Le Chant du Roseau, sorte de laboratoire généreux et festif. Soit trois jours à la rencontre de luthiers, musiciens et chercheurs rassemblés autour d’une pratique fédératrice : l’usage musical de la Canne de Provence.
L’arundo donax, plus communément appelée la Canne de Provence, est réputée à travers le monde pour ses qualités musicales. On en trouve aux quatre coins du globe, sous forme d’anches notamment, jusque dans la bouche des plus grands jazzmen, mais aussi dans de nombreux instruments dit « traditionnels », qui utilisent ou sont exclusivement constitués de canne. C’est donc tout naturellement à Arles, au beau milieu des canniers, qu’une poignée d’activistes a souhaité non seulement lui rendre hommage, mais aussi permettre à la transmission des savoirs d’opérer. Il s’agissait au départ, pour le musicien Henri Maquet et son acolyte David Fauci, de partir d’un simple constat : les luthiers (et autres fabricants ou facteurs d’instruments), qui ont des années de pratique et de savoirs derrière eux, manquent cruellement d’occasions pour transmettre tout ce qu’il ont engrangé et découvert, mais aussi le confronter à d’autres artisans. En prenant appui sur une conception populaire, vivante et orale de la culture provençale, la petite équipe du Chant du Roseau dévoile en filigrane toute une façon d’être au monde, une véritable philosophie humaniste dans laquelle l’homme comprend et interagit avec son environnement naturel proche, parle de « métier » et non plus de « travail », fabrique lui-même (sans argent) ce dont il a besoin et dessine un imaginaire à la hauteur de ses ambitions. Envisagée en tant que construction culturelle et sociale, la pratique musicale qui en découle fait ensuite valser tous les clichés…
Après cinq éditions à Arles et dans ses environs, des Alpilles aux marais de Camargue en passant par la grande steppe de la Crau, où le roseau pousse en grand nombre, le colloque en forme de festival (ou inversement) pose exceptionnellement mais tout naturellement ses valises à l’Ostau dau País Marselhés, en plein cœur de la Plaine. Le temps d’un week-end convivial et pointu entre table ronde-soupe, projection, apéro-cornemuses, stage de fabrication d’instruments, grand Bal au Roseau (l’événement dans l’événement du samedi soir) et récolte de cannes en pays marseillais… Il permettra surtout au public de rencontrer des femmes et des hommes (devenus des références jusqu’à l’international) qui font œuvre de culture au quotidien, que ce soit en relançant l’usage d’une cornemuse sur son territoire, en plongeant des années durant dans le passé méconnu d’un hautbois ancien ou en élaguant d’une façon ou d’une autre les contours encore flous d’une histoire populaire de la musique tenue en marge des grands discours officiels. Une belle bouffée d’air frais, pour comprendre d’abord, puis incarner et transmettre ensuite, dans un pays où la pratique musicale en amateur est au plus bas et où la musique n’est plus vraiment envisagée dans le cadre structurel de la communauté, mais seulement par le prisme de l’artistique. Ainsi, en tissant les ponts entre les cultures, populaires ou savantes, d’hier et d’aujourd’hui, et ce par le biais d’une imprégnation locale intrinsèque au propos de départ, le Chant du Roseau s’adresse de fait aussi bien au néophyte qu’au connaisseur. Celui d’ici, et d’ailleurs.
Jordan Saïsset
Le Chant du Roseau : du 4 au 6/03, à l’Ostau dau Pais Marselhès (18 rue de l’Olivier, 5e). Rens : 04 91 42 41 14 / www.ostau.net / http://www.lechantduroseau.sitew.com/
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