Un tiers-lieu atypique veut faire son nid dans une aile de la caserne du Muy

Échappée
le 16 Mar 2024
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Toujours propriété du ministère des Armées, une partie de l'ancienne caserne pourrait accueillir un tiers-lieu. Le projet, porté par plusieurs acteurs d'envergure nationale ou de portée plus locale, ambitionne de brasser initiatives sociales et espaces culturels. Le tout avec une grande ouverture "au collectif" et aux habitants du quartier.

La caserne du Muy est toujours propriété du ministère des Armées même si elle n
La caserne du Muy est toujours propriété du ministère des Armées même si elle n'a plus de vocation militaire. (Photo : Julien Vinzent)

La caserne du Muy est toujours propriété du ministère des Armées même si elle n'a plus de vocation militaire. (Photo : Julien Vinzent)

Il y a longtemps que le quartier n’est plus réveillé par les bruits de bottes de troufions. Il ne reste du quartier des casernes de la Belle-de-Mai que des noms de rue de généraux ensanglantés, quelques beaux bâtiments, plus ou moins utilisés et beaucoup d’idées qui volettent en attendant de se poser. La dernière en date est celle d’un tiers-lieu atypique qui doit venir se nicher dans l’aile droite de la caserne du Muy, comme la racontait la Provence il y a quelques jours.

Le bâtiment en forme de U est un des derniers vestiges debout d’un archipel de bâtiments militaires qui constituaient le quartier des casernes. Toujours propriété du ministère des Armées, le bâtiment accueille, sur son aile gauche, certains services du ministère de la Justice et la nouvelle salle d’audience des procès hors norme. L’autre partie de la cour sert de parking. Mais la seconde partie de l’aile et les petits bâtiments adjacents ne sont plus utilisés depuis belle lurette.

Un consortium qui mixe social, culture et habitants

L’association spécialisée dans l’urbanisme transitoire et la gestion des tiers-lieux, Yes we camp, a déposé un dossier auprès des collectivités locales et de l’État. L’association fait partie du groupement de portage avec plusieurs autres acteurs locaux, dont la Fondation Abbé-Pierre. L’antenne régionale avait son siège non loin de là, rue Loubon, où elle tenait également un accueil de jour destiné aux sans-logis. Mais la proximité du point de deal du Moulin-de-Mai, dans la même rue, a obligé l’association à plier bagage pour des locaux provisoires.

C’est la première fois que la fondation Abbé-Pierre s’inscrit dans un projet de tiers-lieu au niveau national, se félicite Nicolas Détrie, le directeur de Yes we camp. Pour nous, cela a du sens de construire un projet collectif où on retrouve des acteurs du social, comme Just ou la FAP, mais aussi des associations de quartier réunies au sein du collectif le Cri du peuple, des associations culturelles et la liste n’est pas close.

Et pour cause : le potentiel est énorme avec près de 12 000 mètres carrés de surface de plancher, et quasiment autant en espaces extérieurs, que le groupement espère pouvoir ouvrir au public. Une note d’intention très détaillée fixe les objectifs du projet. Il a été présenté aux grands élus du territoire et à la préfecture en septembre dernier. Les semaines qui viennent doivent permettre d’accélérer.

Le plan provisoire du projet dessiné par Yes we camp.

La fin de l’année en ligne de mire

Notre idée est de démarrer le plus tôt possible pour une entrée progressive dans les lieux qui pourrait commencer dès l’année prochaine, explique Francis Vernède, le directeur de l’agence régionale de la fondation Abbé-Pierre. Nous avons besoin des pouvoirs publics comme partenaires sur la partie investissement. Mais, en revanche, sur la partie fonctionnement, ce sont les structures qui en financeraient la majeure partie de manière autonome“. Le budget prévisionnel fixe à 3,3 millions le besoin d’investissement dont 30% seraient pris en charge par les membres du consortium et le reste apporté par les partenaires publics. Le budget de fonctionnement est évalué pour l’heure à deux millions par an dont 1,2 assumés par le consortium lui-même.

Interrogé par Marsactu en marge de la réunion sur le volet transports du plan Marseille en grand, le préfet de région, Christophe Mirmand confirme son intérêt pour le projet, annonçant une réunion sur ce sujet avec la Ville, la métropole et le ministère des armées “au mois d’avril“. Si la préfecture suit le projet avec acuité, c’est qu’il concerne à plusieurs titres le projet Marseille en grand. Il est situé dans le périmètre du projet partenarial d’aménagement, qui doit piloter la rénovation du centre-ville, au sens large. Il comprend également un des maillons du projet présenté en septembre 2021 par Emmanuel Macron.

Cinéfabrique en première pierre

En effet, l’école de formation aux métiers du cinéma, Cinéfabrique a déposé une autorisation de travaux pour un bâtiment de plain-pied situé à l’entrée du site. Aujourd’hui à l’étroit dans les bâtiments du pôle multimédia, situé un peu plus bas, la structure doit trouver un lieu pérenne avant de prendre ses quartiers définitifs dans l’ancien Dock des suds à Arenc. De la même façon, la salle des procès hors norme est implantée là en attendant la livraison très lointaine de la cité judiciaire dans le même quartier portuaire.

Le bâtiment annexe dans lequel pourrait s’installer Cinéfabrique. (Photo : Julien Vinzent)

Ce n’est pas la première fois que l’État s’essaie à l’urbanisme transitoire à Marseille. Il avait déjà confié à Yes we camp la gestion du tiers-lieu de Coco Velten qui mêlait hébergement social, locaux associatifs et accueil du public. “Au Muy, le potentiel est tout autre, poursuit Nicolas Détrie. Il se situe non pas à l’intérieur du U de la caserne, mais sur le côté où on peut imaginer un espace très collectif, une grande place ouverte au public“.

Le projet tel qu’il se dessine comprendra aussi de l’hébergement social. “La transformation d’anciens bureaux en hébergements pose des questions réglementaires et de coût de travaux, mais c’est important pour notre groupement d’affirmer cette fonction d’accueil”. Une unité de d’une quarantaine de places pourrait être déployée, et montrer ainsi la possibilité d’alternatives à l’hébergement dans des hôtels.

Du public, du collectif et des services

L’idée est de miser sur la mixité des usages et des fonctions. La future cité de la transition, notamment portée par la composante écolo de la majorité municipale, pourrait se poser là. Et la Ville de Marseille réfléchit aux services publics qu’elle pourrait y implanter en complément des projets portés par les membres. Le cabinet du maire et plusieurs adjoints suivent de près la maturation du tiers-lieu. “Le maire en a même parlé au ministère des Armées“, assure-t-on dans son entourage. Là encore, on se dit favorable à une rencontre rapide pour permettre aux idées brassées d’entrer dans le concret.

Cela fait dix ans que les pouvoirs publics se penchent sur l’avenir des casernes. En 2014, la Ville lancé la préfiguration de ce qui est devenu, par la suite, le projet Quartiers libres, porté par l’agence d’urbanisme Güller Güller, dans une concertation au long cours avec les habitants. Une forêt urbaine devait s’installer sur le plateau, mais les différentes alternances politiques au sein des institutions locales ont éteint l’intention.

C’est pour cette raison qu’on veut rapidement entrer dans le concret, constate Valérie Trébor qui fait partie du collectif Le Cri du peuple, au titre d’Organon art compagnie et du CHO3 qui regroupe des habitants de la Belle-de-Mai. Cela fait déjà un an qu’on parle du projet“. La compagnie travaille des initiatives transverses autour de pièces qu’elle remodèle avec des publics amateurs. Elle connaît donc les joies et les écueils de la mise en commun.

Parler le même projet

Cette question de la parole et du langage est une des composantes essentielles des discussions en cours. “Comment on fait que notre propre langage n’exclut pas les habitants, insiste Valérie Trébor. Cela fait partie des discussions qui nous agitent en tant que collectif d’habitants pour construire une langue qui n’exclut pas. Parce que nous ne voulons pas que les gens du quartier soient utilisés par le projet, ou que celui-ci devienne le véhicule d’une nouvelle étape de la gentrification.”

Ces discussions permanentes agitent les diverses commissions en cours, avant une présentation publique, prévue le 11 avril prochain. “Il est certain que nous ne voulons pas être une Friche 2 ou une Friche sociale, prévient Francis Vernède. C’est pour cette raison que nous tenons au caractère provisoire avec un bail de cinq ans.

Mais, avant de lancer les travaux, les membres du consortium vont devoir slalomer entre deux institutions, la Ville et la métropole, qui alternent chicayas et regards en chien de faïence. C’est là où être locataires du ministère des Armées peut avoir du bon.

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Commentaires

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  1. RML RML

    Article interessant…même si, finalement, on ne sait rien clairement du projet…

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  2. Alceste. Alceste.

    Marsactu, pouvez-vous mettre à disposition un lexique à disposition ?.
    Il y a des formules employées qui méritent vos lumières, ainsi une urbanisation transitoire est-ce un camping ?.
    Une langue qui n’exclue pas,faut t’il apprendre le “Klingon” pour faire partie de la secte ?.
    En tous cas une pompe à subventions en devenir pendant cinq années.

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    • julijo julijo

      toujours négatif, alceste, c’est à ça qu’on vous reconnait !
      vous êtes fatigant (ch….t) sans subventions comment font les assoc ?? pour moi, les “pompes” à subventions ce sont davantage les fraudeurs fiscaux et les entreprises assistées du cice !

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    • Jeanne 13 Jeanne 13

      Merci julijo pour le commentaire bonne réponse à Alceste !
      Le seul moyen de vivre des associations sont les subventions même si je déplore que le budget nécessaire aux subventions aux assos qui sont peu contrôlées est la conséquence du recul des institutions dans les missions de service public et d intérêt général

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  3. Alceste. Alceste.

    Emmaus, Resto du Cœur, la Marido méritent des subventions eux. Et même plus comme d’autres.
    En revanche et il suffit de lire le Gabian, pour constater que des professionnels de l’associatif sévissent dans ce milieu avec des sommes englouties et évaporée quelquefois
    Le projet présenté au Muy est fumeux avec sommes non négligeables et non pérenne.
    C’est tout ce que je souligne en sus que les habitants du 3ème doivent se mettre au Klingon.

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