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Plan social à la chambre de commerce : 125 départs, 34 licenciements
La plus ancienne chambre de commerce de France boucle en ce moment une importante opération de restructuration. En raison des réductions budgétaires que lui impose l'État, c'est sur le volet social que l'ajustement s'est fait. L'établissement se déleste de 145 postes, avec une bonne trentaine de licenciements.
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Licenciements. Le mot est tabou au palais de la Bourse. Depuis plus de six mois, la chambre de commerce et d’industrie de Marseille-Provence organise la plus importante réforme interne de son histoire. Très grand paquebot, par son histoire et sa naissance en 1599, par sa richesse, par son réseau et par son nombre d’employés – plus de 350 aux services centraux – la CCIMP vient de supprimer 145 postes.
Le mouvement est national, du fait de la réduction des budgets imposée par l’État. Localement, avec 250 postes supprimés dans la région dont plus de la moitié rien qu’à la CCIMP, la perte est rude. Un plan social ? Non non, le mot est récusé par les dirigeants de la chambre. Les chambres de commerce ont un mode de fonctionnement bien à elles et un droit du travail tout aussi hybride, à cheval entre la fonction publique et le privé. Mais cela ne veut pas dire que l’opération est moins douloureuse qu’un plan social. À la direction des ressources humaines, on retrouve Éric Bourdery, ancien “manager de transition en ressources humaines” de Doux recruté en pleine crise par le groupe agroalimentaire.
Face à cette restructuration massive, la CCI préserve sa novlangue et évoque du “reengineering”, en plus simple, une réorganisation. Au bilan, on recense 80 départs volontaires, une vingtaine de reclassements et un peu plus d’une trentaine de licenciements secs.
“Un tiers voire la moitié des équipes est menacé”
Dès les premières annonces de réduction de leurs ressources, les chambres de commerce avaient sorti les trompettes pour dire la menace qui pesaient sur elles et surtout sur leurs collaborateurs. Il y a un peu moins d’un an, interrogé sur la réforme des chambres, le président Jacques Pfister grondait : “Et si l’État continue à puiser dans nos réserves en 2016 et 2017, c’est un tiers voire la moitié des équipes qui est menacé”. La CCIMP annonce une réduction de 37 % de ses ressources sur 3 ans depuis le début de la mise au régime.
Pour faire simple, les organes consulaires sont financés principalement par une taxe, dite pour frais de chambre consulaire, payée par les entreprises faisant plus de 500 000 euros de chiffre d’affaires. L’État la perçoit et la reverse aux chambres qui assurent un accompagnement des entreprises, de promotion du territoire, ainsi que d’autres missions. À Marseille, la CCIMP se charge par exemple du suivi de certains allocataires du RSA. L’État a décidé de prendre une part sur ces recettes, estimant que les CCI devaient contribuer à l’effort de rigueur. Voilà comment l’assemblée générale de la CCI régionale dont dépend la CCIMP a acté le 30 septembre la suppression de 246 postes dont 145 dans la seconde. Un chiffre suggéré par la chambre marseillaise.
“Procédure très anxiogène”
Aux traditionnels vœux de la CCIMP, la question est éludée par le président Jacques Pfister, au profit du désormais habituel leitmotiv sur les réductions budgétaires imposées par l’État. En creusant, on découvre que le plan de suppression de postes n’est pas tout à fait terminé. Une partie des lettres de licenciements a été envoyée en fin de semaine dernière. “Le carnage est moins important que prévu, admet la représentante CFE-CGC Florence Piette. Mais la procédure a été très anxiogène, le personnel est sous pression depuis septembre”.
Les collaborateurs de la CCIMP, aujourd’hui 350 dans les services centraux et 1200 en tout, disposent d’un statut particulier, assimilé à la fonction publique. Les modalités de départ ont été négociées l’année dernière dans le cadre d’un plan emploi consulaire national. “Cela a été un choc pour tout le monde, concède le directeur général de la CCIMP, Jacques Betbede vers lequel renvoie Jacques Pfister à chaque question sur le sujet. On découvre ce qui se passe dehors. L’emploi à vie a été remis en cause”. “En 35 ans à la chambre, je n’ai jamais vu ça”, explique l’ancien directeur juridique de la chambre. Âgé de 62 ans et dans la barque des licenciés, il préfère que son nom ne soit pas divulgué.
À la direction de la CCI, on met en avant les reclassements : “Une vingtaine de collaborateurs ont été repositionnés soit à la CCIMP, soit dans d’autres CCI, soit chez des partenaires”, défend Jacques Betbede. “On m’a proposé un reclassement en interne, j’ai candidaté et je n’ai pas été retenu, raconte l’ancien directeur juridique. Ensuite on m’a proposé des postes en Rhône-Alpes ou en Normandie. La mobilité est devenue nationale.” Environ quatre-vingts personnes ont bénéficié d’une procédure s’apparentant à une rupture conventionnelle. “Nous avons également accepté que des collaborateurs se substituent à d’autres pour partir”, ajoute le directeur général. Ces “candidats aux départs” seraient une dizaine, pour la plupart en fin de carrière. Reste une trentaine de personnes dans l’impasse, 34 selon les syndicats, qui sont licenciées.
Une soixantaine de postes supprimés à Centrale et à l’école des Mines
Quels types de postes sont supprimés ? “On est sur du saupoudrage”, commente un ancien salarié. Près de la moitié des emplois concernés étaient en réalité des agents de la CCI travaillant dans les écoles d’ingénieurs Centrale Marseille et des Mines de Saint-Étienne à Gardanne. La chambre les avait mis à disposition, dit-elle, dans une logique d’aide aux lancements des deux établissements. “Quand on est embauché, on ne peut pas se douter qu’on fait partie de l’amorçage, commente un professeur des Mines, licencié après 17 ans au sein de la chambre. Quelques uns d’entre nous on pu être réembauchés par l’école. Pour ma part, j’ai postulé à trois postes correspondant plus ou moins à mon profil. Et à chaque fois, on était six sur chaque poste”. À Centrale Marseille, la perte de 31 collaborateurs détachés de la chambre de commerce a été tout aussi douloureuse. Une douzaine a pu être embauchés sur place, et sept étaient sur le carreau dès le mois de juin dernier.
À la chambre, cette séparation est assumée, justifiée par la logique du coup de pouce initial et éphémère. Sous-titre : les établissements savaient que la chambre allait retirer son soutien. “Il y a un plan de départs mais c’est avant tout un reengineering. Le nom de code c’est « CCI de demain ». Je ne peux pas dissocier la partie RH du redéploiement des métiers de la CCI”, martèle le directeur général, Jacques Betbede. “En redessinant le modèle, on se concentre sur l’appui aux entreprises et l’appui au territoire”, assure-t-il. Pour lui, il s’agit de “supprimer le poste A pour aller créer le poste B”, avec un focus sur 8 filières dites d’excellence comme le numérique ou la santé.
Les économies de fonctionnement réalisées avec ces suppressions de poste ? “On ne connaît pas le chiffrage”, déplore l’ancien directeur juridique. À la chambre, la seule enveloppe qui est donnée, c’est celle du coût du plan : “8 à 10 millions d’euros, sur trois ans, élude le directeur général. Nous vendons des placements d’actifs mobiliers pour financer ces départs”. Une deuxième vague de départ n’est pas prévue, assure-t-on, “sauf si les règles ne changent à nouveau”. “La vraie coupe ? Ce sera fait à la prochaine mandature”, glisse plus sceptique une salariée. L’élection du nouveau conseil d’administration de la CCIMP doit avoir lieu à la fin de l’année.
Correction à 9 heures du titre : Il y a bien 125 départs (et 20 reclassements).
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