Face à la précarité des familles, des petits-déjeuners distribués dans une école à Belsunce
Nouvellement créée, la régie de quartiers Noailles-Belsunce lance sa première initiative : la distribution gratuite et quotidienne de tartines, fruits et lait à des élèves de l'école Maurice-Korsec. Dès le démarrage de l'opération, la forte affluence a souligné la fragilité sociale du quartier.
Distribution de petits-déjeuners à l'école Maurice-Korsec,, à Belsunce, par l'équipe de la régie de quartiers Noailles-Belsunce, le 11 mars 2024. (Photo C.By.)
“Ananas ou fraise ?” Ce lundi matin, comme partout ailleurs dans l’académie d’Aix-Marseille, c’est jour de retour de vacances à l’école Maurice-Korsec. Mais c’est par cette question, portant sur le goût de la confiture, que plusieurs dizaines d’élèves sont accueillis à 8h tapantes dans le réfectoire de cette école élémentaire du premier arrondissement marseillais. Là, la toute nouvelle régie de quartiers Noailles-Belsunce inaugure sa première initiative : la distribution gratuite – les lundis, mardis, jeudis et vendredis – de petits-déjeuners aux enfants de l’établissement.
“Cette idée vient d’un constat de terrain réalisé avec les habitants et les associations qui œuvrent dans l’aide alimentaire : dans le quartier, il y a des gosses qui arrivent à l’école le ventre vide, car ils ne mangent pas le matin. Des enfants dont, parfois, le dernier repas est celui de la cantine, la veille. Et cela constitue une rupture évidente de l’égalité scolaire”, cadre Gilles Aspinas, adjoint de la maire des 1/7 Sophie Camard (Printemps marseillais), délégué aux affaires sociales et au quartier de Belsunce. “Avec la création d’une régie de quartiers ici, nous cherchons à répondre à ce genre de problématiques. C’est un outil qui rend cette opération possible”, souligne celui qui est également membre du conseil d’administration de cette structure associative initiée par la mairie d’arrondissement.
Déficit de concentration
Ce lundi matin, avant que les cours ne démarrent, à 8h 30, les enfants inscrits, accompagnés de quelques parents, prennent deux tartines de pain, à la fraise ou à l’ananas donc, un verre de lait et un quartier d’orange. “Nous avions identifié ce besoin de longue date”, précise Christine Bouafia, la directrice de l’école. Elle rappelle combien les enfants qui arrivent sans avoir mangé “se fatiguent plus tôt dans le courant de la matinée”. Un déficit de concentration préjudiciable alors même que des apprentissages essentiels sont vus durant cette période de la journée. “Nous avons organisé une réunion avec les parents pour leur expliquer la démarche avant les vacances”, indique encore la directrice. Elle ne cache pas sa surprise devant le nombre de volontaires : sur les 222 élèves de l’établissement, 107 sont inscrits, de même que plusieurs parents. Ce lundi de rentrée et de premier jour du ramadan, 83 ont pris un petit-déjeuner, pour le tout début de l’opération. Des chiffres conséquents, révélateurs des poches de précarité présentes dans cette partie du centre-ville.
C’est une aide économique non-négligeable pour certaines familles.
Cyrielle, une maman
Dans le réfectoire, une petite-fille à capuche rose fluo porte son plateau, le verre de lait tangue un peu, mais reste debout. Prend-elle un petit-déjeuner à la maison ? “Des fois, mais pas tout le temps”, résume-t-elle. À la table d’à côté, Jérémie, 7 ans, vient de s’installer. “Je l’ai inscrit, car il voulait être avec ses copains et passer ce temps avec eux. Mais c’est aussi un gain de temps pour moi”, commente Cyrielle, sa mère. Le dispositif est ouvert à tous, pour éviter toute stigmatisation. Et si certains enfants ont demandé à venir par mimétisme avec leurs camarades, la maman observe que “c’est une aide économique non-négligeable pour certaines familles”.
“À l’hôtel, comment cuisiner ?”
Gansée dans une fine doudoune sombre, Téa arrive tout sourire. “Je peux aider ? Je peux aider ?”, interroge-t-elle à la cantonade. D’origine géorgienne, en cours de demande d’asile, cette jeune femme avenante a un petit garçon de 9 ans, scolarisé à Korsec. “Avec mon mari, et nos trois enfants, nous vivons dans un hôtel, du côté des allées Gambetta. À l’hôtel, comment cuisiner ? Je ne peux pas. Ce n’est pas possible, ce n’est pas pratique. Souvent mes enfants ne prennent pas un vrai petit-déjeuner ou alors un peu de pain. Cette distribution est une bonne idée”. Téa regarde son fils cadet qui finit ses tartines. Elle se réjouit du rendez-vous, pour lui, mais pour elle, également. “Cuisiner, j’adore ça ! Ça me manque beaucoup. Alors, je veux aider, aussi, ça me fait très plaisir”, embraye la jeune maman qui se met à garnir les tartines. Le pain, semi-complet fabriqué par l’association de boulangeries solidaires Pain et partage, comme les confitures et le lait, sont bios.
Le dispositif est financé par l’État, “dans le cadre du plan pauvreté, à hauteur de 1,30 euro par petit-déjeuner et par enfant”, cadre Elena Gantzer, la directrice de la régie de quartiers. Pour ce projet, les fonds arrivent à l’association via la caisse des écoles de la Ville de Marseille. “Évidemment, cela ne couvre que l’achat des denrées et non les frais de fonctionnement, le matériel, les emplois. Pour cela, on mobilise d’autres aides de l’État, de la Ville, les fondations d’entreprises, et sommes encore en attente de subventions.” Ce matin-là, trois personnes, en plus de la coordinatrice, gèrent la distribution. À terme, l’initiative devrait générer quatre emplois d’insertion, sur les 20 équivalents temps-plein que l’association ambitionne de créer, dans les mois qui viennent. La directrice poursuit : “Le but de la régie, c’est ça : améliorer le cadre de vie du quartier, en venant en appui de projets existants ou en portant nos propres initiatives comme cette distribution et, dans le même temps, créer de l’emploi”. De l’emploi local et d’utilité sociale.
Nouvelles inscriptions
Amina Souissi a 22 ans, elle vit dans le 3e arrondissement tout proche et vient de démarrer son CDD de 7 mois à la régie. La distribution se termine, la jeune femme empile les plateaux utilisés par les écoliers et offre un sourire satisfait. “J’ai cherché un travail pendant 6 mois. Et là, c’est exactement ce que je voulais : apporter quelque chose aux gens d’ici. C’est super de voir ces petits manger ce qu’on a amené !” Ses cheveux noirs retenus par un élastique, la jeune femme prolonge : “Dans un quartier comme celui-ci, aider les habitants, c’est vraiment important. Moi, j’ai connu ça, aussi. J’ai grandi dans une famille où il n’y avait pas forcément un petit-déjeuner tous les jours. Alors ça me touche encore plus”.
Il est 8 h 30. Seule condition imposée par la directrice de l’école : que la distribution n’empiète pas sur le temps scolaire. Les derniers élèves filent vers leurs classes. Les tartines sont toutes boulottées, certains quartiers d’orange n’ont pas trouvé preneurs. Dans les jours qui viennent, l’association le Bouillon de Noailles, partenaire de l’opération, viendra mener des ateliers nutrition au sein de l’école. Mais dès 8h ce mardi matin, la distribution de tartines, lait et fruits reprendra. Avec une affluence sans doute encore plus soutenue. Car lors de ce premier jour, la régie de quartiers a déjà enregistré de nouvelles demandes d’inscriptions.
Actualisation le 12 mars, à 9h20 : ajout dans la citation sur les modes de financement
Commentaires
L’abonnement au journal vous permet de rejoindre la communauté Marsactu : créez votre blog, commentez, échanger avec les autres lecteurs. Découvrez nos offres ou connectez-vous si vous êtes déjà abonné.
Vous avez un compte ?
Mot de passe oublié ?Ajouter un compte Facebook ?
Nouveau sur Marsactu ?
S'inscrire
Sans vouloir faire la fine bouche, servir des quartiers d’orange avec l’écorce et donc le jus qui coule au menton et les doigts qui pèguent, peut vous dégoûter à tout jamais de manger des fruits frais.
Se connecter pour écrire un commentaire.
Rassurez-moi, vous avez tenté de faire une blague et ça fait juste un flop ? parce que là on touche les abysses sinon.
Se connecter pour écrire un commentaire.
C’est une très chouette initiative. Voilà une politique publique digne de ce nom qui utilise à bon escient l’argent public. Bravo.
Se connecter pour écrire un commentaire.
Y aura-t-il d’autres écoles qui bénéficieront de ce dispositif à l’avenir ?
Beaucoup de quartiers en auraient besoin à Marseille, et plusieurs écoles dans un même quartier.
Se connecter pour écrire un commentaire.
Vous cherchez la différence entre une politique de droite et une politique de gauche ?
Par contre, d’accord avec le post à propos du quartier d’orange entre les mains des gamins de cet âge avant d’entrer en classe.
Se connecter pour écrire un commentaire.