L’homme en mouvement
L’artiste toulonnais Damien Droin fait du trampoline un objet scénique tout autant qu’un concept de vie où le rebond prévaut sur la chute. En cette fin février, on le retrouve pour deux rendez-vous incontournables à l’Entre2 BIAC, avant qu’il orchestre le passage de la flamme olympique au mythique Mont-Saint-Michel.
Faire le portrait de Damien Droin est, sans aucun jeu de mots, un exercice de haute voltige. Peu enclin à se raconter et ultra occupé, il ne faut pas s’attendre à un entretien classique. Le regarder répéter, échanger avec le public ou prendre part à un apéro avec son équipe artistique est sûrement la meilleure façon d’appréhender cet homme multiple. Derrière la posture d’extrême assurance qu’il impose se dessine une sensibilité, une écoute, une bienveillance, louées par ses collaborateurs. Bosseur invétéré, ayant une idée à la seconde, trois créations en même temps sur le feu (Envol, Oriflamme et Face aux murs), Damien Droin bouillonne. Une belle année 2024 s’annonce avec quatre spectacles qui tournent en simultané et bientôt un grand tour sur l’Olympe décliné en deux temps, un super show sur les côtes normandes fin mai et une carte blanche à l’Olympia en juillet.
Une chute ascensionnelle
Le 31 mai 2024, lors du passage de la flamme olympique au Mont-Saint-Michel, le directeur artistique de la compagnie Hors Surface, metteur en scène, chorégraphe et interprète sera devant 45 000 personnes à la tête de cent quarante artistes de 10 h à 2 h du matin pour sa Tentative du ciel qui s’annonce mémorable. Pour la directrice culturelle des Jeux Olympiques et Paralympiques de Paris 2024, Dominique Hervieux (ex-directrice de la Biennale de Lyon), Damien Droin avait le profil idéal. Circassien passé par le CNAC (Centre National des Arts du Cirque de Châlons-en-Champagne), il est vice-champion de France de trampoline en 2004. Entre sport et cirque, il n’a pas choisi, préférant l’émulation de ses deux passions qu’il injecte dans des processus de création toujours plus fous. À l’instar de Trampoville, qui l’a propulsé sur le devant de la scène, dispositif audacieux de plusieurs trampolines qui se déploient en épousant l’architecture d’une ville pour offrir à ses habitants la possibilité inouïe de goûter à l’ivresse de la voltige. En parallèle du travail de création de la compagnie, des ateliers menés par des circassiens et des athlètes de haut niveau initient le public à cette discipline et finissent par une restitution collective. Après Draguignan, Aix-en-Provence lors de la Biennale d’art et de culture Une 5e Saison et récemment Cergy, la compagnie Hors Surface passe dans la catégorie poids lourds en transposant ce concept sur plusieurs sites de l’Abbaye du Mont-Saint-Michel. Voici quelques exclus : un fil tiré entre le Mont et une montgolfière supportera un piano à queue suspendu à quarante mètres du sol. Damien mettra en scène ses fidèles partenaires, le musicien Benjamin Vicq et Tristan Étienne, mais aussi la compagnie Gratte-Ciel, le Cirque Inextremiste, la contorsionniste marseillaise Alice Rende… et la Dj Ice Kūts, qui officiera dans un cube lumineux en plexiglass devant la scène du spectacle Envol, installé sur la plage. “Ce qui me motivait, c’était l’envie de travailler avec des amis de longue date et des talents émergents. J’ai tout un planning de création en amont avec les différents artistes, musiciens, l’école de cirque de Rosny ; en arrivant à J-6 nous ne pouvions pas tout créer sur place.”
La harpiste Katell Boisneau et le bassiste Matthieu Tomi du Duo Impressionniste seront aussi de la partie. Ce dernier, qui avait fait la musique du Poids des nuages, sera dans la team du Mont-Saint-Michel et dans le spectacle à l’Olympia, qui réunira tous les compositeurs et artistes des différentes créations de Hors Surface. Matthieu a une définition aussi juste que poétique de son metteur en scène : “Damien, c’est un type en mouvement. À chaque fois que je lui parle, il bouge, il balance sa tête, il est sur un projet, qui lui fait penser à un nouveau projet… Il faut que ça bouge ; il avance, il avance.” Damien Droin a l’apprentissage mouvant, la curiosité aiguisée, le sens de la famille, l’esprit de troupe et le goût de la fête. Son père dirigeait une école de cirque dans le Var, le voltigeur y a puisé une appétence pour la scène et l’effort.
De l’Envol au grand décollage : la maturité
Directeur artistique de la compagnie, il n’en quitte pas pour autant la scène. Le 2 février, il était avec Sara Devaux sur le plateau de L’Étincelle, la nouvelle et magnifique salle, toujours pleine, du service culture de Venelles. En résidence durant une semaine, la compagnie a donné une nouvelle vie à Open Cage, qui avait eu une naissance prématurée à la BIAC en 2019. Exigeant et perfectionniste, Damien a réinvesti du temps, de l’énergie et des moyens pour aller jusqu’au bout de sa recherche artistique et ne pas laisser cet essai artistique au placard. Une pièce métamorphosée, à l’atmosphère très juste et intime, abordant la folie, le deuil, la perte de soi. Très émouvante et habitée intensément par ses deux interprètes, elle aborde le thème le plus cher au circassien : la liberté, qu’il fait émerger en dépeignant l’empêchement, l’enfermement. Une salle debout, un public conquis… Émilie Guenot, la directrice artistique du lieu, est heureuse d’avoir osé ce choix audacieux : “L’univers singulier, sa personnalité, l’esthétique de Damien, sa façon d’évoluer sur le trampoline très chorégraphiée et tout en grâce m’avait séduite. J’avais repéré le travail de la compagnie pour une programmation de Home en extérieur, mais les contraintes techniques liées à la taille de “l’Acronet”, le trampoline inventé par Damien, nous ont fait préférer cette version salle.” Bricoleur, autodidacte, adepte des expériences au plateau plutôt que sur ordinateur, Damien est reconnu dans le milieu des arts du cirque comme un concepteur novateur et un scénographe inventif. Il a su incorporer le trampo-mur dans une dramaturgie qui sublime la performance. Avant de repartir vers mille projets, il nous confie : “Pour moi, la voltige fait écho au mythe d’Icare et nous raconte un rêve d’enfant. Mais elle s’apparente aussi fortement à la vie. Les rebonds du trampoline traduisent une tentative d’envol. Réussi dans un premier temps, le décollage tourne mal rapidement pour finir en chute… puis en rebond. Une expression corporelle de l’espoir, de la capacité de l’homme à insister, à recommencer.”
Marie Anezin
le 25/02 sur la Canebière, dans le cadre de “Au bout, la mer : Cirque !”, clôture gratuite de l’Entre2 BIAC.
Rens. : www.biennale-cirque.com
Pour en (sa)voir plus : https://horssurface.com
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