LA POLITIQUE DES ORDURES ET DES DÉCHETS À MARSEILLE

Billet de blog
le 10 Fév 2024
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Parlons aujourd’hui d’un sujet qui n’est pas très engageant, mais qui est nécessaire : en quoi consiste la politique métropolitaine des ordures et des déchets ?

Les ordures et la ville

Ne nous trompons pas : les ordures sont une part essentielle de l’urbanité. L’élimination des déchets fait partie des fonctions de tous les organismes, les organismes vivants comme le nôtre, les organismes politiques comme la ville. D’abord, l’élimination des ordures rend la ville vivable, elle contribue de façon essentielle à la réduction de la pollution. C’est pourquoi elle est nécessaire. Par ailleurs, les ordures et les déchets font partie du paysage urbain, à la fois parce qu’ils dégradent ce paysage, leur présence le rend difficile à regarder, et parce que les réceptacles à ordures font partie de ce paysage.  Enfin, les ordures sont nécessaires, car elles font partie de la vie : comme tous les organismes, la ville vit aussi en produisant des ordures, en les produisant et en les éliminant. Tous les êtres vivants produisent leurs déchets et les éliminent, les êtres humains pour commencer, mais, comme dans le cas des êtres humains, la production, le traitement et l’élimination des déchets ont une dimension sociale et, donc, s’inscrivent dans la logique d’une politique – en l’occurrence municipale et métropolitaine. Au-delà, les ordures et les déchets figurent parmi les objets essentiels d’une écologie urbaine véritable.

 

Les ordures et les déchets et le paysage de la ville

À la Plaine, où j’habite, les bacs à ordures se situent juste à côté des terrasses de cafés (à moins que ce ne soit l’inverse), et on a plutôt envie qu’ils ne dégradent pas le paysage qu’on a sous les yeux. Mais, surtout, les ordures font partie de l’espace de la ville : quand leur amoncellement mal maîtrisé encombre les rues, d’abord on finit par avoir du mal à circuler le long des trottoirs, et, surtout, les rues finissent, à force, par se transformer en terrains vagues au lieu d’être des voies de circulation bordées par des maisons. Il est nécessaire de comprendre que le projet de gestion des ordures fait partie d’un véritable projet esthétique de la ville, et cela implique qu’il soit mis fin à l’accumulation incontrôlée et répugnante des détritus urbains. C’est pourquoi la politique de la ville, qu’il s’agisse de la politique municipale ou de la politique métropolitaine, ne doit pas méconnaître cette question des déchets, le regard des pouvoirs ne doit pas être dans le déni, mais reconnaître que la gestion des ordures fait partie de la politique qu’ils mettent en œuvre.

 

Le pouvoir des poubelles

Pour toutes ces raisons, dans la politique de la ville, les poubelles constituent un pouvoir. C’est ainsi, d’ailleurs, que les personnels qui en sont chargés ont un véritable pouvoir qui peut se manifester par exemple, quand ils sont en grève. La question de la gestion des ordures et des déchets fait partie des éléments majeurs du débat entre la municipalisation et la libéralisation de ce qui constitue un service public essentiel. Le pouvoir sur les poubelles est ou un pouvoir de la municipalité, ou un pouvoir de la métropole, ou un pouvoir d’une entreprise privée, mais il s’agit toujours d’un pouvoir. La maîtrise des déchets de la ville fonde une véritable économie politique urbaine. L’introduction du soi-disant « tri sélectif » (comme si, d’ailleurs, un tri pouvait ne pas être sélectif) est venue donner l’illusion que les autorités prétendaient avoir une politique et y associer les usagers, mais cela n’a rien changé : les tas de détritus continuent de s’accumuler au pied des réceptacles prévus.

 

L’insuffisance politique et les inégalités

L’insuffisance de la politique métropolitaine des ordures est un élément majeur des inégalités urbaines. Ne nous trompons pas : les ordures traînent peut-être toute la journée et tous les jours dans les quartiers du Nord de la ville et dans les quartiers des arrondissements de l’Est, mais elles traînent beaucoup moins dans les quartiers du 7ème arrondissement (et encore…), et encore moins dans les « beaux quartiers » du Prado. C’est pourquoi le traitement des ordures et des déchets de la ville fait partie de ce qui distingue une politique de gauche, qui cherche l’égalité entre les quartiers et entre les habitants de la ville, et une politique de droite, qui cherche à accroître les inégalités en restreignant sa politique urbaine de qualité de vie aux quartiers aisés. Pour retrouver une véritable égalité entre les lieux de la ville et entre celles et ceux qui y vivent, il importe de commencer par leur proposer à toutes et à tous un paysage dans lequel ils puissent se retrouver, ce qui implique que l’on ne limite pas la gestion des ordures et des déchets à de vagues débarras, mais qu’une véritable politique soit élaborée, de nature à assurer une véritable égalité entre tous les quartiers de la ville.

 

La métropole, la ville et la politique des déchets

Le fait que le traitement des ordures et des déchets distingue une politique de gauche et une politique de droite trouve son expression dans la distinction entre la politique de la municipalité et celle de la métropole. Sans doute la question des ordures s’est-elle aggravée depuis que la métropole, de droite, est en charge de cette politique, car toute cette politique vise à renforcer les privilèges des quartiers bourgeois. Mais cette politique fait aussi partie de la différence entre les quartiers du centre et les quartiers périphériques. Comme ces derniers se voient moins, ils suscitent moins d’attention de la part des pouvoirs de la métropole. C’est que cette politique des ordures fait partie d’une politique qui ne recherche que le paraître et qui, notamment, consacre toute sa politique environnementale au tourisme. En ce sens, cette absence de véritable politique de l’environnement et, en particulier, de la gestion des déchets, fait partie de l’abandon de l’économie politique de la ville, s’inscrit dans la même absence de politique que celle qui conduit à la fermeture des entreprises et des commerces du centre.

 

L’urgence environnementale

La pollution de l’espace urbain par les ordures et les déchets a, sans doute, à Marseille, atteint une insuffisance qui nous fait connaître une véritable urgence. Les pouvoirs ne peuvent plus faire semblant de les ignorer. Dans la rue où j’habite, un vieux réfrigérateur a été abandonné au bord du trottoir, où il a traîné plusieurs semaines dans l’ignorance totale et on était sans cesse confronté à ce vieux frigo quand on passait dans la rue. Il y a, ainsi, urgence parce que cette confrontation aux ordures finit par questionner le fait même d’habiter la ville. En effet, c’est notre identité même d’habitante ou d’habitant qui est remise en question dans nos déplacements, dans le regard que nous portons sur la ville. En effet, notre regard sur la ville est aussi un regard sur nous-mêmes. En laissant traîner les ordures dans le paysage urbain, la métropole vient réduire notre identité à celle d’ordures et de déchets. On peut trouver mieux pour habiter une ville.

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