À la Plaine, un squat expulsé de manière illicite par les gros bras d’une boîte de sécurité
Une société privée a procédé, début février, à l’évacuation d’un appartement du quartier de La Plaine pour y déloger les occupants qui squattaient les lieux depuis quatre ans. La police n’a pas empêché cette intervention. Pourtant tout à fait illégale.
L'immeuble du 1, place Jean-Jaurès, en passe d'être vendu. (Photo : ML)
Boum, boum, boum… Lundi 5 février 20 h 30. De grands coups et des cris provenant du dernier étage alertent les habitants du 1, place Jean-Jaurès, dans le quartier de La Plaine, à Marseille. L’immeuble compte quatre appartements de 120 m², un par pallier. Trois sont en location, un doyen de La Plaine réside au premier, des colocations de cinq jeunes occupent le deuxième et le troisième. Le quatrième abrite quatre occupants sans droit ni titre qui vivent là depuis quatre ans.
C’est à leur porte que viennent frapper les agents de la société Black Corp Protect, racontent à Marsactu des témoins de la scène. Vêtus d’uniformes noirs floqués au nom de l’entreprise de “sécurité privée, services et gardiennage”, parfois cagoulés ou munis de gazeuses, ils sortent manu militari les deux personnes qui se trouvent sur place. Attirés par le bruit, les voisins s’agglutinent dans la cage d’escalier de l’immeuble bourgeois recouverte de tags.
Donneur d’ordre inconnu
Les voisins s’interposent, argumentent et appellent la police. Ils préviennent également la propriétaire des lieux. Le bien est sous compromis de vente, mais dans l’attente de la signature définitive, il lui appartient encore. “Nous avons reçu un appel à 22h, on entendait hurler, témoigne sa belle-fille, avocate. Nos locataires nous ont appelés à l’aide. Nous sommes très choqués, ce type d’intervention ne correspond pas du tout à nos manières de procéder. Ça fait peur, d’autant qu’on ne sait pas qui est à l’origine de cette intervention. J’avais demandé au gestionnaire du bien d’entamer une procédure, puisque depuis 3 ans et demi, nous ne touchons aucun loyer. Mais de manière légale.”
L’expulsion de squatteurs suppose une décision judiciaire, une mise en demeure de quitter les lieux, puis le concours de la force publique en cas d’évacuation forcée. Rien de tout cela ici.
Arrivés sur place, les policiers livrent une autre lecture de la loi. Dans une vidéo captée par les habitants, que Marsactu a pu consulter, l’un d’eux affirme : “Les messieurs se sont présentés à nous, on est d’accord ? Donc, il n’y a aucune agression. Vous m’appelez alors que vous squattez illégalement, et qu’on vous demande de sortir et qu’il y a un serrurier, ce qui est la procédure normale, le propriétaire a le droit de changer sa serrure.”
Un soutien des occupants placé en garde à vue
Une locataire témoigne alors des violences physiques employées pour évacuer une occupante. La victime explique avoir été plaquée au sol puis menacée d’une gazeuse. Réponse du fonctionnaire de police : “Vue la taille des messieurs, je pense que s’ils vous avaient foutue par terre, il y aurait des traces.”
Finalement, la police évacue de la cage d’escalier les voisins et les soutiens venus en renfort. Cette nuit-là, la seule personne placée en garde à vue était venue s’opposer à l’opération. Sans plus être importunés, les agents de sécurité s’enferment dans l’appartement après en avoir changé les serrures. Contactés par Marsactu, JC Bodyguard, la préfecture des Bouches-du-Rhône et la préfecture de police n’ont pas donné suite à nos sollicitations.
Une société de sécurité qui vide l’appartement, c’est une première pour moi.
Olivier Hugues, gestionnaire de l’immeuble
Le lendemain de cette intervention, le gestionnaire de l’immeuble, le cabinet Laplane, mandate une huissière de justice, Caroline Plaisant, spécialiste des squats. “Ces squatteurs ne se laissent pas faire, explique Olivier Hugues, le gestionnaire. J’ai lancé plusieurs procédures, sauf qu’à chaque fois que j’obtiens l’évacuation avec le concours de la force publique, ils se réinstallent. Ce n’est pas pour autant que je cautionne cette intervention complétement illégale. En plus, des locataires disent avoir été intimidés, alors qu’ils sont en règle et ne posent aucun problème. Donc j’ai mandaté l’huissière pour, si possible, relever l’identité des personnes qui se sont introduites dans l’appartement à la place des squatteurs, mais surtout pour expliquer aux locataires que ni moi, ni la propriétaire, n’avons mandaté une équipe de sécurité privée. J’ai l’habitude des squats, mais en tant que professionnel, je passe par la voie légale. Une société de sécurité qui vide l’appartement, c’est une première pour moi.”
Pas pour le collectif de lutte contre la répression policière et judiciaire Legal team Marseille. “Les expulsions illégales sont assez récurrentes, affirme l’un de ses membres. En général, c’est des squats récents où des migrants ont trouvé refuge. Là, après quatre ans d’occupation d’un logement qui était vacant, c’est vraiment de la violation de domicile. C’est hyper risqué, mais ils agissent de manière totalement décomplexée parce qu’ils savent que personne ne porte plainte.”
Quatre ans de vie sur deux paliers
Arrivée sur place, mardi après-midi, avec cinq policiers, l’huissière de justice Caroline Plaisant observe sans détours : “Ce qui se passe dans cet immeuble, c’est un bordel sans nom depuis des années.” L’huissière parvient à négocier une fenêtre d’une demi-heure pour que les personnes expulsées, désormais résignées, récupèrent leurs affaires. Immédiatement, une trentaine de voisins et soutiens forment une chaîne et déménagent quatre ans de vie dans les halls des deux appartements du dessous : sacs remplis à la va-vite, plantes vertes, rhum arrangé, matelas, machine à laver, fauteuil de bureau…
L’ambiance est tendue, silencieuse, parfois ponctuée d’un rappel à loi d’un policier. Un agent de sécurité de l’entreprise privée déclenche l’hilarité, quand il demande à récupérer son chargeur, sans doute enfoui dans le remue-ménage. “Faut apprendre à ranger ses affaires”, lui lance goguenard un des déménageurs. Une heure et demie plus tard, l’huissière quitte les lieux. En réponse aux voisins qui s’inquiètent de voir les agents de Black Corp s’installer sur place, elle lance : “Ils ont les clés, ils sont chez eux maintenant, c’est la loi !”. Les colocataires du troisième craignent à présent que leur tour arrive, avec la vente de l’immeuble prévue dans les semaines à venir. Même si, légalement, le futur propriétaire devra signifier la fin de leur bail avec un préavis de six mois.
Commentaires
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Tant que la loi ne changera pas et permettra a des gens d’occuper un appart sans en payer le loyer et sans être inquiétés, ce genre d opérations vont se multiplier. Tout est lié, bcp de proprios préfèrent louer sur airbnb car bcp moins risqué. Actuellement la procedure legale à Marseille prend minimum 2 ans pour expulser les mauvais payeurs alors que dans bcp d’autres pays elle est de 3 mois max.
Quand je lis « d’un logement qui était vacant, c’est vraiment de la violation de domicile. « je ris noir, ces gens squattent un appart depuis 4 ans il ´ne faut pas l’oublier, le proprio en attendant paye sa taxe foncière, les charges de syndic et souvent un remboursement de prêt !
Il faut arrêter avec cette impunité generale sur les gentils locataires versus les méchants richissimes propriétaires, ce qui dans 90% des cas et faux.
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Vous oubliez le point de vue de la propriétaire ici exposé.
Tous ne veulent pas passer par des sociétés privées illégales.
Qui a mandaté ces gens ? Pas la propriétaire !
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L’immeuble vient d’être racheté, peut être que le futur nouveau propriétaire a un peu trop anticipé le menage…ou alors le proprio actuel ne dit pas la vérité
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Ce qui pose question ici c’est qui a envoyé cette société privée de gros bras ? Puisque ce n’est pas la propriétaire ni le syndic.
Ensuite c’est l’attitude des policiers appelés sur les lieux, qui ont finalement couvert une intervention illégale.
Enfin, le fait que les gros bras squattent à leur tour l’appartement ! Sans accord de la propriétaire.
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il y a une confusion entre humanitaire et impunité. Mes parents arrivés en France en 1950 habitaient dans les bidonsvilles ou se trouve actuellement la Cayolle sans eau ni électricité. Ils n’ont jamais pensé à être hors la loi en s’appropriant le bien d’autrui.
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bien évidemment, la présence de squatteurs est largement indésirable. c’est un peu curieux que ces gens habitent en toute impunité depuis 4 ans gratuitement.
alors que personne ne les ait mandatés ??????
ni la propriétaire, ni le gestionnaire, ni la justice, …. une intervention “spontanée” d’un société de sécurité coûte en général plutôt cher et répond à une “mission” !
action magique ?
qui ment dans l’histoire ?
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A mon avis tout le monde. Les propriétaires actuels ne vont pas spontanément avouer avoir missionné des “gros bras”, le futur propriétaire non plus. En outre, signer un compromis en connaissance de cause, laisse entrevoir la préméditation.
Mais, bon 4 ans d’occupation sans droit ni titre, je n’arrive pas à avoir de la compassion pour ces gens.
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En juillet 2023 une loi a été votée pour protéger les propriétaires
https://www.vie-publique.fr/loi/287344-loi-anti-squat-occupation-illicite-des-logements-expulsion
“En 2007, une procédure d’évacuation forcée des squatteurs avec le concours des préfets a été créée et, en 2020, la loi d’accélération et de simplification de l’action publique dite Asap l’a renforcée. “
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Depuis la loi Kasbarian ( encore un qui a oublié d’où il arrive) ce genre de chose va devenir la règle.
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Les loyers grimpent, les logements manquent, la précarité sociale augmente, les migrants arrivent en nombre, la construction de logements sociaux stagne … les propriétaires privés peuvent-ils combler ce vide. Evidemment non, tous ne sont pas par ailleurs des multipropriétaires/spéculateurs/rentiers régulièrement dénoncés et montrés du doigt. Alors que faire ? A ne pas s’en préoccuper on va à la catastrophe électorale en 2017 et une élection à la Melonie en France. Et malheureusement ce n’est pas que faute à Macron, la mauvaise gestion du logement en France remonte à plusieurs décennies.
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J’ajoute que ce que vous appelez la mauvaise gestion du logement est en partie imputable à un certain nombre de maires, qui font des pieds et des mains pour éviter de construire des logements sociaux – quitte à payer des pénalités.
Une attitude dictée par la caricature : logements sociaux = délinquance. Comme si les jeunes qui débutent leur vie active avaient tous les moyens de s’acheter un logement “de standing”. On entretient une pénurie, et ensuite on se plaint de ses conséquences.
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30 NOVEMBRE 2018
Conseil d’État, 30 novembre 1923, Couitéas
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Responsabilité pour rupture de l’égalité devant les charges publiques
Les faits et le contexte juridique
M. Couitéas était propriétaire d’un domaine de 38 000 hectares en Tunisie et avait obtenu par jugement le droit d’en faire expulser 8 000 personnes qui s’estimaient légitimes occupants des terres. Toutefois, le gouvernement français lui avait refusé plusieurs fois le concours de la force militaire d’occupation, reconnu indispensable en raison des troubles graves qu’aurait entraîné l’expulsion d’un si grand nombre de personnes. M. Couitéas demanda alors au Conseil d’État l’indemnisation du préjudice qui résultait cette absence de concours.
Le sens et la portée de la décision
A cette occasion, le Conseil d’État jugea que le gouvernement avait pu légalement refuser le concours de la force publique pour des considérations de sécurité, mais que M. Couitéas était en droit de compter sur ce concours pour l’exécution du jugement rendu à son profit, et que le préjudice résultant du refus de concours ne pouvait être regardé, s’il excédait une certaine durée, comme une charge lui incombant normalement. En l’espèce, le préjudice, qui lui était imposé dans l’intérêt général, consistait en une privation de jouissance totale et sans limitation de durée de sa propriété et il était fondé à en demander une réparation pécuniaireConseil d’Etat, du 30 novembre 1923, 38284 48688, publié au recueil Lebon.
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Le squat, c’est du vol, mais une forme de vol protégé par une loi inique et anticonstitutionnelle (puisque contraire à l’article 17 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen : “La propriété est un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé …”).
Dès lors, et puisque les propriétaires spoliés se retrouvent sans aucune aide (contrairement aux “occupants sans droit ni titre” qui bénéficient de quantité d’appuis associatifs et institutionnels), il ne faut pas s’étonner de se retrouver face à ce genre d’intervention musclée et border line.
4 ans de squat !! Il faut le lire dans Marsactu pour le croire ! Il s’agit visiblement de professionnels de l’arnaque.
Ce qui est à mourir de rire, c’est l’attitude de la police qui a visiblement bien compris à qui elle avait à faire. Aussi amusant que le mystère entourant le donneur d’ordre de l’intervention.
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Je ne me prononcerai pas en l’espèce sur le bien-fondé des positions des propriétaires, je ne connais pas le dossier. Le seul élément qui semble avéré est une intervention illégale d’une société dite de “sécurité”… illégale mais soutenue par la police !
Votre raisonnement (?) montre une méconnaissance absolue du droit : il y a diverses exceptions prévues par la loi et la jurisprudence au “droit inviolable et sacré” de propriété, ne serait-ce que tout le domaine couvert par le concept d'”état de nécessité”. Il y a droit sacré et droit sacré… si je me retrouve à la rue avec mes enfants je me débrouillerai à les loger coûte que coûte, et je verrai comment légaliser la chose après. C’est toute la démarche de l’abbé Pierre, des lois de réquisition et j’en passe.
Or face à une crise du logement qui commence à ressembler à celle des années 50, le gouvernement nomme au Logement un Kasbarian dont le seul fait d’armes connu est une loi anti-locataires, dénoncée par les successeurs de l’abbé Pierre.
Par ailleurs pas plus que le droit vous ne semblez au courant de la réalité. D’après la banque des territoires ” En 2022, 17.500 ménages, soit près de 38.000 personnes, ont été expulsés de leur logement par les forces de l’ordre. Un chiffre “record”, qui dépasse les 16.700 de 2016, après deux années plus modérées du fait de la crise sanitaire (8.200 en 2020 et 12.000 en 2021). Imaginez la population entière d’une ville comme Vitrolles à la rue, et la tendance est à la hausse.
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@pm21: ce droit sacré souffre de tellement d’exceptions que le faire resservir paraît un peu abscons. Citons simplement l’expropriation par l’Etat. Pour de plus amples cas, se référer au Dalloz.
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