De Sadi-Carnot à la Joliette, le mal des transports des commerçants

De Sadi-Carnot à la Joliette, le mal des transports des commerçants

“Jusqu’au 15 avril ?!”, s’exclame avec surprise Soraya, salariée du Body minute de la rue de la République. Dans l’institut de beauté, les clientes sont majoritairement des employées de bureau qui viennent sur leur pause du midi pour se faire épiler. Depuis le 22 janvier dernier, l’arrêt des lignes T2 et T3 entre les arrêts Belsunce-Alcazar et Joliette prive donc la boutique d’une bonne partie de sa clientèle habituelle.

On rembobine. Dans la nuit du 21 au 22 janvier, un incendie a lieu dans le niveau -1 du parking souterrain Indigo sous la place Sadi-Carnot. Le feu brûle quatre voitures, mais aussi le plafond du parc de stationnement. Au-dessus de la dalle endommagée passent les lignes T2 et T3. Depuis lors, le parking est fermé temporairement et les tramways ne se déplacent plus sur le tronçon endommagé, c’est-à-dire sur plus de la moitié de la rue de la République. La semaine dernière, la métropole, qui chapeaute à la fois les parkings et les transports, a informé les usagers que les travaux de rénovation commenceront le 4 mars pour s’achever le 15 avril prochain. En attendant, les tramways ne circulent plus dans la zone. Ils sont remplacés par des bus reliant les arrêts Canebière-Bourse et Arenc.

Clientes en retard et navettes imprévisibles

Fiona Debonot, responsable du centre d’épilation Dépil tech au 111, rue de la République, témoigne du retard permanent de ses clientes depuis l’incident. “Il y en a beaucoup qui ne sont pas au courant”, explique-t-elle avant de reprendre : “C’est aussi la faute de la navette. La dernière fois, une de nos clientes a dû l’attendre pendant une heure. On a dû décaler entièrement notre planning”. Même situation au numéro 99. Dans le salon de coiffure les Fées naturelles, Hermine Gomez, dite “Mimi”, doit régulièrement reprogrammer les rendez-vous de ses habituées. “J’ai eu des retards, mais pour l’instant on s’adapte, c’est juste que les clientes arrivent tendues du bulbe”, plaisante la coiffeuse.

Du jour au lendemain, notre chiffre d’affaires a été divisé par 10. En moyenne, on gagnait 2 000 euros par jour et là, on tourne à 200 euros.

Sophie Ferjani, décoratrice

Un trait d’humour, qui arrache difficilement un sourire à l’une de ses clientes. Assise dans un fauteuil en attendant que la coiffeuse s’occupe d’elle, Sophie Ferjani est aussi commerçante dans le quartier. Depuis sept ans, l’animatrice de l’émission Maison à vendre sur M6 possède un grand concept store, portant son nom, un peu plus haut dans la rue, à quelque pas de l’entrée du parking fermé. “Du jour au lendemain, notre chiffre d’affaires a été divisé par 10. En moyenne, on gagnait 2 000 euros par jour et là, on tourne à 200 euros”, confie la célèbre décoratrice d’intérieur.

Contacté par téléphone, son mari et gérant de l’enseigne, Baligh Ferjani confirme. L’interruption des lignes de tramway et la fermeture du parking République ont considérablement réduit leur flux de clientèle. “On ferme d’ici fin mars si ça continue”, confie-t-il dans un rire nerveux. Avec d’autres commerces proches de la place Sadi-Carnot, il veut “monter une association pour porter plainte contre le parking Indigo”, jugeant avoir été mal informé par la société gestionnaire du parking des délais que prendront les travaux de rénovation. Et cherche également à obtenir un soutien financier des collectivités locales.

Quel appui des collectivités ?

La mise en place d’une possible aide financière d’urgence pour les commerçants de la zone relèverait de la compétence de la métropole. Nathalie Prénat, chargée des entreprises en difficulté à la chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Marseille, est également membre de la commission métropolitaine d’indemnisation amiable des préjudices économiques (CMIA). La professionnelle qui sert d’intermédiaire entre la métropole et les boutiquiers en difficulté financière explique : “Les commerçants touchés ne peuvent pas recevoir d’aides directes de la métropole, car il ne s’agit pas dans ce cas de travaux d’aménagement. Ce sont les assurances des professionnels qui devront les soutenir financièrement”. Elle incite donc plutôt les commerçants concernés à se rapprocher de leurs experts-comptables pour “demander des assouplissements à l’URSSAF, par exemple”.

Aux Docks village, centre commercial qui a déjà connu de fortes difficultés, des boutiques font aussi état des désagréments liés au tramway.

Si les Terrasses du port ne semblent pas être affectées par ces turbulences, plusieurs établissements dans le centre commercial Les Docks village disent rencontrer les mêmes problèmes que leurs collègues de la rue de la République. Comme Waffle factory qui perd en moyenne 15% de son chiffre d’affaires par jour depuis l’interruption de la circulation des tramways, selon son gérant Christophe Robin. D’autres entreprises témoignent de difficultés financières antécédentes que viendrait empirer ce nouvel incident. Un phénomène aggravé par la fermeture partielle de la station de métro Joliette, jusqu’à la semaine dernière.

Rebecca Bernardi, adjointe aux commerces et à l’artisanat à la mairie de Marseille a été contactée par les commerçants déficitaires, notamment par le couple Ferjani. “Ce n’est pas notre compétence, mais on a directement fait remonter l’information à la métropole”, glisse l’élue avant de renchérir : “Dans ce contexte exceptionnel, je trouverais ça normal qu’elle les aide financièrement”. Hier, l’adjointe avait rendez-vous avec Gérard Gazay, délégué à la métropole chargé du développement économique, de l’artisanat et du commerce. Elle envisageait d’aborder le sujet avec lui. Contactée par Marsactu, la métropole ne fait pour l’heure état d’aucune réclamation de la part des commerçants auprès de ses services mais se dit ouverte à examiner en commission la situation de ces derniers.