Geôles indignes dans les commissariats : l’État plaide la “défaillance” ponctuelle
En visite au commissariat Nord et à l'Evêché, le bâtonnier de Marseille a relevé des manquements à l'hygiène portant atteinte à la "dignité" des gardés à vue. Le constat a été porté devant le tribunal administratif, saisi d'une requête exigeant des travaux en urgence. À l'audience ce lundi, la préfecture de police a nié tout "problème structurel".
Images extraites du rapport du bâtonnier de Marseille au sujet des geôles des comissariats Nord et de l'Évêché. (Montage : Marsactu)
Dans les geôles des commissariats Nord et de l’Évêché, c’est d’abord la saleté qui saute aux yeux. Les déchets au sol, la peinture décrépie, des tâches séchées sur le carrelage. Tout a été constaté et photographié le 19 décembre par l’avocat Mathieu Jacquier, bâtonnier de Marseille. Puis il y a le reste : les matelas qui manquent, les gardés à vue qui dorment à même le sol, les repas non servis, et surtout, une odeur “insoutenable”.
De quoi pousser l’ordre des avocats du barreau de Marseille à saisir le tribunal administratif, pour réclamer la prise de mesures “urgentes”, estimant qu’à ce jour, “le respect de la dignité humaine n’est pas assuré dans ces lieux”. L’audience en référé s’est tenue ce lundi 22 janvier. Elle a réuni une petite dizaine d’avocats d’un côté, des représentants de l’État de l’autre, dont le directeur de cabinet adjoint de la préfecture de police en personne, Yannis Bouzar.
Au nom de l’ordre des avocats, c’est Nicolas Chambardon qui a ouvert les débats. D’abord en énumérant les marques d’indécence relevées sur les photos prises en décembre. Ensuite en enchaînant sur “ce qu’on ne voit pas sur les photos, et peut seulement être décrit : l’odeur insoutenable des cellules. Les policiers sont les premiers à s’en plaindre, ils sont obligés de prendre l’air. Nous-mêmes, avocats, quand on repart du commissariat, nos confrères qui nous croisent ont toujours cette expression : « tu sens la garde à vue »“.
L’odeur de la garde à vue, c’est quoi ? “D’abord la transpiration, parce que ce sont des situations stressantes pour les gardés à vue. Ensuite, l’urine. On voit les taches sur les murs, on sait qu’il faut parfois uriner dans une brique de jus d’orange à cause de l’état critique des toilettes”, assène l’avocat.
Mineurs couchés par terre et “grelottants”
C’est donc dans ces conditions que les personnes sont parfois obligées de s’allonger à même le sol. Plusieurs photos prises par le bâtonnier en attestent. Elles montrent des hommes, des majeurs et des mineurs, endormis sur le carrelage du commissariat Nord. Faute de matelas disponibles. Et faute de pouvoir s’allonger sur le banc que comprend chaque geôle, puisque ce dernier, étroit et collé au mur, ne mesure qu’1,74 mètre de longueur et ne permet même pas de s’y recroqueviller. On relève aussi la présence de nuisibles : des cafards, des punaises de lit et des insectes vecteurs de la gale.
Tout cela mène aussi à une pénurie de couvertures, si bien qu’à cause du froid, “on récupère en audition des mineurs grelottants”. Les avocats se sont aussi intéressés au registre des repas. Nicolas Chambardon évoque une personne en garde à vue n’aurait ainsi reçu aucune distribution pendant 24 heures. Enfin, l’ordre du barreau de Marseille, aux côtés d’autres organisations professionnelles, demande l’insonorisation du local réservé aux entretiens avec les avocats à l’Évêché. “Nous devons parler à travers une vitre via un très vieil hygiaphone, le gardé à vue est obligé de parler très fort, et tout le couloir entend ce qu’il dit”. D’où la demande de pouvoir fermer cet espace. Coïncidence troublante : une porte à double vitrage a été commandée début janvier. Elle doit être posée cette semaine.
Des chantiers lancés dans la hâte
En réalité, depuis la visite du bâtonnier, l’État a lancé plusieurs marchés concernant ces deux commissariats. Des travaux de réfection ont même commencé, assure-t-on du côté de la préfecture, la semaine dernière, au commissariat Nord. Mais pour l’ordre du barreau des avocats, “tant que ces travaux ne sont pas achevés, il y a toujours un caractère urgent à agir”.
Le directeur de cabinet adjoint de la préfecture de police, Yannis Bouzar, s’avance. “Je tenais à venir personnellement, ce qui n’est pas commun, pour témoigner de la prise en compte par toute la hiérarchie de la police des conditions de garde à vue”, se lance le fonctionnaire. Selon lui, ce n’est pas l’audience “des gentils contre les méchants, mais des incantations contre la réalité”. La réalité : en 2023, les geôles du commissariat Nord ont vu passer 6 083 gardés à vue, et celles de l’Évêché, 4 356. Face à “cette occupation quasi permanente des cellules, il est très difficile d’en effectuer l’entretien”, assure d’une voix ferme Yannis Bouzar.
Avant de conclure : “Personne ne nie des problèmes de propreté. Il peut y avoir des problèmes de mise en œuvre du nettoyage. Ce sont des défaillances à l’instant t. Mais il n’y a pas de problèmes structurels qui justifieraient cette requête en urgence.” Urgence qui, selon lui, ne serait plus établie, au vu des marchés passés depuis début janvier. Le délibéré du tribunal est attendu sous une semaine.
Commentaires
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N’est il pas temps que l’Evêché déménage pour améliorer les conditions de travail et de vie ?
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“Je tenais à venir personnellement, ce qui n’est pas commun”… Monsieur le directeur de cabinet de la police leur a fait l’honneur de se déplacer. Un cadeau inestimable pour les personnels concernés. Quelle marque d’intérêt. J’espère que tous les fonctionnaires se sont mis au garde-à vous pour l’occasion. Une médaille commémorative de sa venue est actuellement à l’étude ainsi qu’un article élogieux dans La Provence Une couronne de laurier lui a été remise à son départ.
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hé, normal !
il ne va quand même pas venir tous les matins… il fallait marquer le coup ! j’espère qu’il y a des photos.
trève de plaisanterie, c’est un peu à l’image de la justice et de la police, non ? décrépi, indigne, inhumain…..
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Un peu d’indulgence, c’est un énarque de 28 ans. Et contre l’instant T, que voulez-vous qu’il fît ?
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Pour que la cantine d entreprise serve de bons repas on prétend qu’il faut que le directeur y mange. Pour les geôles françaises en détresse depuis des décennies, la meilleure solution semble donc d y faire séjourner nos élus et hauts fonctionnaires ! Et même pas besoin de juge pour une garde à vue , juste une enquête avec risque de dissimulation de preuve ou de concertation.
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